Les nouveaux billets de banque japonais, à l’effigie de trois pionniers de la modernisation
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Le gouvernement japonais a décidé de changer le décor des coupures de 1 000, 5 000 et 10 000 yens à partir du mois d’avril 2024. Kitasato Shibasaburô, Tsuda Umeko et Shibusawa Eiichi, les trois Japonais choisis pour y figurer, ont tous séjourné très tôt en dehors de l’Archipel et ce faisant, pris conscience des avancées de la civilisation occidentale. À leur retour, ils ont contribué à faire souffler un vent nouveau sur le Japon d’après la Restauration de Meiji (1868). Voici un aperçu du parcours de chacun d’entre eux.
Billet de 1 000 yens : Kitasato Shibasaburô
Kitasato Shibasaburô (1853-1931), un éminent épidémiologiste qui a contribué au développement de la prévention des maladies infectieuses et de la bactériologie
Kitasato Shibasaburô est né le 20 décembre 1853 dans le district d’Aso de la préfecture de Kumamoto. Il est issu d’une famille qui exerçait la fonction de chef de village (shôya) depuis des générations. Il a étudié à l’École de médecine de Kumamoto (actuelle faculté de médecine de l’Université de Kumamoto) ainsi qu’à l’École de médecine de Tokyo (devenue par la suite faculté de médecine de l’Université de Tokyo) dont il est sorti diplômé en 1883. Le jeune homme a commencé à s’intéresser à la médecine préventive dès cette époque.
En 1883, Kitasato Shibasaburô est entré au département de la Santé publique du ministère de l’Intérieur. En 1886, il s’est rendu à Berlin où il s’est formé à la microbiologie et à la sérologie auprès de Robert Koch (1843-1910), le fondateur de la bactériologie auquel on doit notamment la découverte du bacille (de Koch) responsable de la tuberculose. Pendant son séjour en Allemagne qui a duré six ans, il a réussi à isoler et à cultiver l’agent pathogène du tétanos et à découvrir un anticorps capable de le neutraliser, ce qui a ouvert la voie à la sérothérapie.
À son retour au Japon en 1892, Kitasato Shibasaburô a fondé le premier hôpital de l’Archipel spécialisé dans le traitement de la tuberculose. Il a également créé un Centre de recherches sur les maladies contagieuses avec l’aide de Fukuzawa Yukichi (1835-1901). Le grand penseur et écrivain japonais dont l’effigie figure sur les billets de 10 000 yens en circulation à l’heure actuelle a en effet financé l’achat du terrain et la construction de l’établissement. À sa mort, Kitasato Shibasaburô a contribué à la création de la faculté de médecine de l’Université Keiô. Et il est devenu à la fois doyen de la faculté de médecine et directeur de l’hôpital de cette université fondée en 1858 par Fukuzawa Yukichi en personne.
Kitasato Shibasaburô est mort le 13 juin 1931, à l’âge de 78 ans, après avoir formé de nombreux savants de niveau international. Il est ainsi lié de très près à Noguchi Hideyo (1876-1928) représenté sur les billets de 1 000 yens actuellement en circulation. Ce remarquable bactériologiste à qui l’on doit la découverte de l’agent pathogène de la syphilis a en effet travaillé en tant qu’assistant au Centre de recherches sur les maladies contagieuses Kitasato. Le billet de 1 000 yens va donc rester étroitement associé aux recherches japonaises sur les maladies infectieuses.
(Source : données recueillies auprès de différents sites Internet dont ceux de l’Institut Kitasato, du Kitasato Memorial Museum et de l’entreprise Terumo)
(Voir notre article en profondeur : Kitasato Shibasaburô : un pionnier en matière de prévention et de traitement des maladies infectieuses)
Billet de 5 000 yens : Tsuda Umeko
Tsuda Umeko (1864-1929), enseignante et pionnière en matière d’éducation féminine au Japon
Tsuda Umeko est née le 3 décembre 1864 à Edo (Tokyo). Elle est la seconde fille de Tsuda Sen (1837-1908), un spécialiste des questions agricoles et des études occidentales qui a été au service du shôgun et a accompagné Fukuzawa Yukichi (1835-1901) aux États-Unis en 1867. Le père de Tsuda Umeko a beaucoup insisté pour l’envoyer aux USA avec un groupe d’étudiantes choisies par la Commission pour le développement de Hokkaidô qui est parti en 1871, dans le cadre de la mission Iwakura. À l’époque, Tsuda Umeko n’avait que six ans. Elle a été accueillie par une famille de Georgetown, près de Washington, où elle a fait ses études primaires et secondaires. Elle a été par ailleurs baptisée en 1872. En 1882, elle est retournée au Japon, à l’âge de dix-huit ans, après un séjour de près de douze ans à l’étranger. Elle a commencé à enseigner dans une école réservée aux jeunes filles de l’aristocratie mais elle a été très vite déçue quand elle a constaté que le statut des femmes japonaises était nettement inférieur à celui des Américaines et qu’elle ne pouvait pas mettre en pratique les principes qu’elle avait acquis aux USA. La jeune femme est donc repartie pour les États-Unis. Et elle s’est inscrite à l’Université Bryn Mawr de Philadelphie où elle s’est spécialisée dans la biologie.
En 1890, Tsuda Umeko est rentrée au Japon et elle a recommencé à enseigner. Elle a fondé un Cours d’anglais pour jeunes filles (joshi eigaku juku) à Tokyo qui devait prendre par la suite le nom d’Université Tsuda. Le programme était basé non pas sur l’apprentissage des bonnes manières et la préparation à la vie de femme mariée, mais sur l’étude de l’anglais et le respect de la personnalité. Tsuda Umeko est morte le 16 août 1929 à Kamakura des suites d’une attaque cérébrale, après avoir consacré sa vie à faire la promotion de l’importance de l’éducation et du développement de l’individualité chez les femmes.
(Source : données recueillies auprès de différents sites Internet dont ceux de l’Université Tsuda et de l’Association des étudiants internationaux IFSA)
(Voir notre article en profondeur : Tsuda Umeko, une pionnière dans l’éducation des femmes au Japon)
Billet de 10 000 yens : Shibusawa Eichii
Shibusawa Eiichi (1840-1931), le « père du capitalisme japonais »
Shibusawa Eiichi est né le 13 février 1840 dans une famille de riches agriculteurs de la ville de Fukaya, dans la préfecture de Saitama. Il est entré au service de Tokugawa Yoshinobu (1837-1913), le quinzième et dernier shôgun de l’époque d’Edo. En 1867, il a été chargé d’accompagner Tokugawa Akitake (1853-1919), le jeune frère de Yoshinobu, à l’Exposition universelle de Paris. Durant ce séjour en France qui a duré un an, Shibusawa Eiichi a été fortement impressionné par la culture, la pensée et l’industrie en plein essor de l’Europe. Après la Restauration de Meiji de 1868, il a rejoint les rangs du nouveau gouvernement du Japon et travaillé pour le ministère de la Population et celui des Finances. En 1873, il a démissionné de ses fonctions pour se lancer dans le monde des affaires.
Shibusawa Eiichi a été impliqué dans la création de quelque 500 entreprises, y compris la banque Dai-ichi (actuelle banque Mizuho), les papeteries Oji, les Filatures d’Osaka (Tôyôbô), et Tokyo Gas, le fournisseur de gaz de Tokyo. C’est ce qui lui a valu le surnom de « père du capitalisme japonais ». Mais ce brillant homme d’affaires n’en était pas moins persuadé que les entreprises commerciales ne pouvaient pas se contenter de faire du profit et qu’une certaine forme de morale était nécessaire et inséparable de l’activité économique. Vers la fin de sa vie, Shibusawa Eiichi a consacré son temps à des œuvres sociales et philanthropiques et au développement des relations amicales entre les nations.
C’est ainsi qu’en 1924, il a fondé avec l’écrivain Paul Claudel (1868-1955) la Maison franco-japonaise (MFJ) (Nichi-Futsu kaikan) de Tokyo dont la mission est de développer les échanges culturels et scientifiques entre la France et le Japon. Depuis 1984, cet établissement décerne chaque année, de concert avec le journal Yomiuri, un prix prestigieux – appelé Shibusawa-Claudel en hommage aux deux prestigieux fondateurs de la MFJ – à deux œuvres de chacun des deux pays. Shibusawa Eiichi est mort le 11 novembre 1931, à l’âge de 91 ans.
(Source : données recueillies auprès de différents sites Internet, entre autres ceux de la mairie de Fukaya et du Conseil scolaire de Fukaya, dans la préfecture de Saitama, et celui de la Fondation Shibusawa Eiichi)
(Voir notre article en profondeur : Shibusawa Eiichi, « le père du capitalisme japonais » et profond humaniste)
(Photo de titre : de gauche à droite Kitasato Shibasaburô, Tsuda Umeko et Shibusawa Eiichi. Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)