« To-dô-fu-ken » : pourquoi donc le Japon est-il divisé en préfectures ?
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En 1947, la Loi sur l’autonomie des collectivités territoriales a donné à l’ensemble des 47 unités administratives japonaises un rôle, une autorité et un rang pratiquement identiques ainsi qu’une véritable autonomie par rapport au pouvoir central, conformément au droit moderne. Si les habitants de l’Archipel utilisent des termes différents – to, dô, fu et ken – pour désigner les grandes divisions territoriales de leur pays, c’est avant tout pour des raisons d’ordre historique.
Aussitôt après la Restauration de Meiji de 1868, le nouveau gouvernement du Japon a cherché à créer un État unifié caractérisé par une forte centralisation du pouvoir. Il a donné le nom de fu à dix territoires restitués par l’ancien shogunat des Tokugawa, en particulier Edo – qui n’allait pas tarder à prendre le nom de Tokyo –, Osaka, Kyoto, Hakodate, Nagasaki ou encore Nara. Il a défini le mot fu comme un « centre militaire et administratif », ce qui montre à quel point ces unités territoriales étaient importantes pour les autorités de Meiji.
Un an plus tard, sept de ces préfectures ont pris le nom de ken, et seules les villes de Tokyo, le centre du pouvoir politique, d’Osaka, la grande métropole marchande, et de Kyoto, l’ancienne capitale impériale, ont conservé le statut de fu. En août 1871, le gouvernement de Meiji a décrété la « suppression des fiefs et la création des préfectures » (haihan chiken) et il a aboli de ce fait le système des fiefs (han) gérés par des vassaux des Tokugawa qui prévalait jusque-là. Il a ainsi créé environ 300 « préfectures ». Mais leur nombre s’est rapidement réduit, si bien que vers 1888, le Japon comptait à quelque chose près 47 grandes divisions administratives, comme à l’heure actuelle. Voyons maintenant en quoi consiste le statut particulier de Tokyo, Osaka, Kyoto et Hokkaidô.
Évolution du statut administratif de Tokyo
1868 | Reddition du château d’Edo et création de la préfecture d’Edo (Edo-fu) |
1868 | Edo change de nom et prend celui de Tokyo. Edo-fu devient Tokyo-fu. |
1889 | Création d’une « ville de Tokyo » (Tokyo-shi) à l’intérieur même de la « préfecture » de Tokyo (Tokyo-fu). Cette nouvelle ville correspond aux 23 arrondissements (ku) actuels de la capitale. |
1943 | Le ministère de l’Intérieur retire à Tokyo son statut de « ville » (shi) et lui donne celui de « métropole » (Tokyo-to) afin de se doter d’une administration renforcée pour les activités liées à la guerre, la défense aérienne et les distributions de vivres entre autres. |
1947 | Les 23 arrondisssemnts de Tokyo (ku) obtiennent le statut d’« arrondissement spécial » (tokubetsu ku) dans le cadre de la Loi sur l’autonomie des collectivités territoriales. |
Le statut de Tokyo en tant que « métropole » (to) est unique dans la mesure où ses 23 arrondissements spéciaux, comme ceux de Shinjuku, Shibuya ou Minato, sont des municipalités avec un maire et un conseil municipal élus au suffrage universel par leurs habitants et disposant d’un pouvoir de décision dans plusieurs domaines, notamment ceux de l’éducation et de l’aide sociale. Leur statut correspond donc à celui d’une ville, contrairement aux autres arrondissements appartenant aux 20 grandes villes de plus de 500 000 habitants.
Évolution du statut administratif de Hokkaidô
1869 | Ezo est rebaptisée Hokkaidô. Création d’une « mission pour le défrichement » (Hokkaidô kaitakushi) du nord de l’île, que le régime des Tokugawa (1600-1868) n’avait jamais réussi à coloniser. Ce projet est placé directement sous l’autorité du gouvernement de Meiji et il a le même statut qu’un ministère. |
1882 | Fin de la « mission pour le défrichement d’Hokkaidô ». Division de l’île en trois ken : Hakodate, Sapporo et Nemuro. |
1886 | Suppression des trois ken et réunification de l’île sous l’autorité du secrétariat d’État de Hokkaidô (Hokkaidô-chô). |
1947 | En vertu de la Loi sur l’autonomie des collectivités territoriales, Hokkaidô devient une préfecture autonome (ken) comme les autres, mais sans que le suffixe ken ne vienne s’ajouter à son nom. |
Évolution du statut administratif d’Osaka et Kyoto
1868 | Osaka et Kyoto font partie des dix « préfectures » (fu) crées par les autorités de Meiji et elles prennent le nom de Osaka-fu et Kyoto-fu |
1869 | Les deux villes sont, avec Tokyo, les seules unités territoriales à conserver le statut de fu. |
1947 | Après l’adoption de la Loi sur l’autonomie des collectivités territoriales, seules les villes d’Osaka et de Kyoto ont encore le statut de fu. |
En avril 2019, les habitants d’Osaka avaient élu deux candidats du « Parti pour la restauration d’Osaka » (Osaka Ishin no Kai) aux postes de gouverneur préfectoral et de maire d’Osaka. La proposition la plus importante de ce parti, qui a largement battu le Parti libéral-démocrate (PLD), consistait à réorganiser la préfecture d’Osaka en tant que « métropole » (to), comme l’est actuellement Tokyo, en remplaçant la ville d’Osaka par quatre arrondissements spéciaux (tokubetsu ku).
Les partisans de ce projet souhaitaient supprimer la double structure administrative d’Osaka et définir clairement les responsabilités respectives de chaque entité. La préfecture (fu) serait ainsi chargée du développement des infrastructures tandis que l’éducation et l’aide sociale seraient du ressort des mairies d’arrondissement.
Cependant, le réferendum du 1er novembre 2020 avait rejeté de peu la proposition de supprimer la municipalité d’Osaka et de la remplacer par quatre arrondissements spéciaux au sein d’un district métropolitain. Matsui Ichirô, leader du parti Nippon Ishin no Kai et maire d’Osaka a pris la responsabilité de cette défaite et avait annoncé qu’il se retirerait de la scène politique à la fin de son mandat de maire en avril 2023.
(Voir également notre série de présentation des 47 préfectures du Japon)
(Photo de titre : Pixta)