Qu’est-ce qu’un « hôte » ?
Définissons d’abord les termes. Un host club est un bar où de jeunes hommes, les « hôtes », servent des boissons à des femmes et les charment par leur conversation. Jusque-là, rien de répréhensible. Toutefois, il n’est pas rare que les dépenses d’une seule soirée s’élèvent à des centaines de milliers de yens, voire des millions. Ce type de commerce, où les clientes prennent du bon temps dans une atmosphère décontractée et frivole, est considéré comme un risque pour la moralité publique et est donc contrôlé par la Loi sur le contrôle et l’amélioration des activités de divertissement. En vertu de ce texte, les bars à hôtes doivent obtenir une approbation de la part de la commission préfectorale de sécurité publique pour exercer leurs activités.
Il faut savoir que ces host club ont des systèmes de tarification compliqués. Mais en général, les revenus des hôtes en eux-mêmes sont gonflés par la vente de bouteilles de champagne hors de prix. Bien sûr, ces établissements ne sont pas les seuls à pratiquer des prix exorbitants pour les boissons, les prix affichés sur les cartes des restaurants sont également plutôt élevés. Mais les bars à hôtes, eux, fixent des prix plusieurs fois supérieurs à la valeur du marché. Par ailleurs, ils encouragent également à la consommation par le biais de rituels tels que l'« appel au champagne », au cours duquel tous les hôtes finissent leur bouteille d’un trait, ou encore la « tour de champagne », où les coupes de champagne sont empilées pour former une tour. Le champagne est versé par le dessus et coule à la manière d’une cascade dans chaque verre. De quoi encourager la consommation d’alcool en grande quantité et promettre à l’hôte une belle somme en fin de soirée…
Initialement, le revenu des hôtes est peu élevé. Il dépend donc largement des sommes dépensées par leurs clientes. Dans les faits, il s’agit pour ces employés masculins d’inciter ces dernières à commander le plus de bouteilles de champagne possible.
Pousser à la dépense
Il n’est pas facile de pousser une cliente à commander une bouteille de champagne à un prix exorbitant. J’ai pu toutefois remarquer deux moyens utilisés pour y parvenir : jouer sur le plaisir avec la cliente, et sur ses relations personnelles avec elle.
Et rien n’est laissé au hasard. Une atmosphère accueillante, créée par un mobilier luxueux et une musique agréable, avec de l’alcool de qualité et des hommes au physique attrayant. Les clientes se détendent en compagnie de plusieurs hôtes qui prennent bien garde à maintenir une conversation divertissante. Ils écoutent tout en faisant preuve d’empathie et n’hésitent pas à flatter ; ils jouent également la carte de l’émotion, prétendant être tristes ou fâchés.
Les relations entre les hôtes et les clientes peuvent devenir complexes, en raison de la hiérarchie au sein même du bar, de conflits entre les assistants des hôtes et de rivalités entre les clientes elles-mêmes. Elles peuvent ainsi désigner leur hôte préféré pour les servir, ce qui rend la note encore un peu plus salée. Mais si cet employé rencontre un grand succès, il peut avoir moins de temps à consacrer à chaque cliente.
Lorsque l’hôte désigné n’est pas à la table qui lui a été attribuée, ce sont des hôtes assistants qui sont aux petits soins pour les clientes, veillant bien sûr à ce qu’elles ne se sentent pas négligées. Les boissons commandées par l’assistant sont ajoutées au chiffre d’affaires de l’hôte désigné ; de bonnes relations avec ses collègues sont donc de mise.
Des femmes impliquées dans des rivalités entre hôtes

Une « tour de champagne », un moyen classique de veiller à ce que de l’alcool hors de prix continue de couler à flot. (© Pixta)
Les hôtes sont communément classés en fonction des ventes qu’ils ont réalisées, attisant encore un peu plus les concurrents. Mieux vaut donc pour eux être persuasifs auprès de leurs clientes, qui à leur tour cèdent et se laissent entraîner dans leur jeu.
Parfois, les hôtes n’hésitent pas à envoyer des messages à leurs clientes régulières afin d’avoir une meilleure place dans le classement. « Si je peux vendre deux bouteilles de champagne de plus, je serai dans les trois premiers ce mois-ci. Demain, c’est la fin du mois, donc tout ce que vous pourrez faire pour m’aider sera le bienvenu. »
Ces petites demandes « innocentes » peuvent être efficaces et inciter les clientes à passer des commandes à des prix élevés, qu’elles ne passeraient pas en temps normal, pour « soutenir » leur hôte préféré. Si les clientes commandent une bouteille de champagne, le bar annonce leur nom et la marque par haut-parleur. L’hôte passe ensuite à la table pour les remercier et le champagne est rapidement consommé. Tout le monde sait qui a dépensé, combien et pour quel hôte, si bien que les hôtes peuvent se montrer plus agréables avec certaines clientes en fonction du montant de leurs dépenses.
Il n’est plus rare de recourir à la chirurgie esthétique
L’apparence joue un rôle primordial auprès des clientes, mais cela ne signifie pas nécessairement que la barrière est haute en termes d’exigence sur le physique. Le travail est dur, rendant le recrutement difficile. Lorsqu’un hôte désigné est occupé à servir d’autres clientes, des assistants hôtes prennent le relais et s’occupent des clientes à sa place. On comprend aisément que plus il y a d’hôtes, plus il est facile de combler les vides jusqu’à ce que l’hôte désigné par la cliente revienne à la table. Le salaire de base étant peu élevé, un nombre important d’hôtes ne représente donc pas une dépense considérable pour le bar.

Une conversation agréable, avec un hôte qui sait se montrer charmant, est aussi importante que l’apparence physique. L’objectif est que la cliente passe un bon moment, soit heureuse et surtout continue à dépenser de l’argent. (© Pixta)
Par ailleurs, ces dernières années, il n’est plus rare pour ces établissements de financer des opérations de chirurgie esthétique pour leurs hôtes, qu’ils présentent comme un « projet » officiel de leurs affaires. Cette tendance est favorisée par le fait que les préjugés nourris par les clientes comme par les hôtes vis-à-vis de la chirurgie ont largement diminué. D’autres hôtes consacrent du temps au choix de leurs vêtements, à leur coiffure, veillent à ce que leurs sourcils soient épilés avec soin, se rasent de près… tout un tas de petits détails qui les différencient clairement d’un homme lambda. Avec la chirurgie esthétique, l’apparence physique n’est plus un obstacle. Par ailleurs, les bars à hôtes « ne refusent jamais personne ». La position occupée par l’hôte dépendra simplement de sa motivation. Il suffit de faire une recherche en ligne pour trouver une infinité d’annonces de recrutement d’hôtes. Mais les hommes sont plus souvent amenés à postuler après avoir entendu des histoires d’amis et de connaissances.
Dettes et conséquences
La compétition entre les hôtes est telle que ces derniers sont prêts à faire quasiment n’importe quoi, à l’intérieur du bar comme à l’extérieur, pour obtenir un avantage. Ils peuvent ainsi en dehors de leurs heures de travail envoyer des messages à des clientes, les fréquenter, dîner ou prendre un verre avec elles avant ou après le travail.
Les hôtes décident eux-mêmes du temps, de la somme d’argent et des efforts qu’ils consacrent à ces activités. Tous les moyens sont bons, tant que leurs chiffres de vente le sont aussi. Et nombre de host club sont plutôt conciliants, ferment les yeux sur ces activités, et autorisent absences et/ou retards. En résumé, un hôte doit donc susciter l’intérêt du plus grand nombre de clientes possibles et les encourager à « investir » en lui.
L’une des techniques consiste par exemple à faire des crédits, et à permettre aux clientes de boire à crédit dans le bar. Ces dernières peuvent ainsi commander du champagne sous forme de prêt auprès de l’hôte, chiffre qui s’ajoute à ceux de ses ventes, lui permettant de monter dans le classement. Parfois, les hôtes incitent activement, et peuvent même forcer les clientes à commander du champagne à crédit. Mais les clientes qui s’endettent plus qu’elles ne peuvent rembourser disparaissent souvent. Dans ce cas, c’est à l’hôte de payer la différence. Pourtant risqué, les hôtes continuent d’utiliser ce système de crédit pour améliorer leur classement.
Des changements nécessaires
Certains hôtes ne se contentent pas de faire dépenser de l’argent à leurs clientes, ils peuvent également les manipuler, jouer sur la corde sensible et leur demander de se charger de travaux louches à leur place, comme par exemple travailler dans des bordels pour rembourser leurs dettes. Ces dernières années, la prise de conscience de la problématique des bars à hôtes malveillants a permis d’apporter des améliorations à la situation. Mais rien n’a changé en ce qui concerne la solitude des clientes due au manque de communication, ni le manque de morale des hôtes qui profitent de l’affection de leurs clientes ou de leur désir d’attachement émotionnel. Même si les consommations sur facture sont interdites, les clientes peuvent trouver d’autres moyens pour financer leurs dépenses, comme le crédit à la consommation : parfois des prêts à taux d’intérêt élevé à la limite de la légalité ou des prêts usuraires illicites. Une réglementation plus stricte des bars à hôtes pourrait contribuer à, si ce n’est mettre un terme, à ces tendances, tout du moins à les freiner.
Même en cas de modification de la loi, les bars à hôtes risquent seulement de voir leur nom changer. Non, ce qu’il faut, c’est un changement profond des valeurs et des problèmes rencontrés par tout un chacun dans la société moderne. Le problème n’est pas que les femmes travaillent dans des bordels pour financer leurs visites dans les bars à hôtes, mais plutôt qu’elles soient forcées de se prostituer contre leur gré. Et pour résoudre ce problème, une simple réforme juridique ne suffira pas. Non, la résolution de ce problème ne pourra se faire que par la création d’une société plus saine.
(Photo de titre : l’entrée du quartier de Kabuki-chô, havre de nombreux bars à hôtes, à Tokyo. Pixta)