30 ans depuis l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo : une victime face aux séquelles

Société

Le 20 mars 2025 marque le 30e anniversaire de l’attentat au gaz sarin perpétré par des membres de la secte Aum Shinrikyô dans le métro de Tokyo. Cet attentat a causé la mort de 14 personnes et en intoxiqué plus de 6 000. Sakahara Atsushi, victime de l’attaque et réalisateur de films, revient sur ces 30 années de lutte contre les séquelles.

Le combat pour la reconnaissance des victimes

En 2010, quinze ans après l’attentat, j’ai publié mon autobiographie Sarin et Ohagi. Parallèlement, j’ai rejoint l’ONG Recovery Support Center (RSC), qui organisait des examens médicaux pour les victimes.

Ce jour-là, lors d’un événement commémoratif, j’ai révélé publiquement sur internet qu’en tant que victime, je ne pouvais pas souscrire à une assurance-vie en raison de mon syndrome de stress post-traumatique (PTSD). Non pas parce que les compagnies d’assurances refusent, mais plus insidieusement en fait, dès que vous le leur dites honnêtement votre condition, l’agent qui devait faire votre dossier devient injoignable... Les compagnies d’assurance redoutaient les effets retardés du sarin.

Finalement, une indemnisation de 5 millions de yens (environ 30 000 euros) a été versée par l’État aux victimes. Ce qui était nettement insuffisant, mais j’ai quitté l’ONG à la suite de désaccord avec le conseil d’administration du RSC sur la reconnaissance des séquelles à long terme. En mars, le RSC a été dissout.

Retour au cinéma avec un nouveau projet

Mes séquelles s’aggravaient de plus en plus, travailler devenait impossible. Un jour, un événement décisif est venu s’ajouter au reste.

Lors d’un tournage à Shikoku, j’ai perdu connaissance dans l’avion et je me suis fracturé une vertèbre. Je ne sais pas comment c’est arrivé. Incapable de poursuivre mon travail, je devais maintenant porter un corset. Sans argent, j’ai dû retourner vivre chez mes parents à Kyoto.

J’avais mis de côté mon rêve de cinéma, mais en enseignant dans une école de cinéma à Osaka, qui m’avait été présenté par le studio, je me suis dit : « Je veux réaliser un film qui répondra à la question de l’existence de la secte Aum Shinrikyô, il n’y a que moi qui puisse le faire. » Après un an de négociations, j’ai commencé à travailler sur le film AGANAI, l’attaque du métro au Sarin, et moi, à partir de mon voyage pour me rendre sur des lieux emblématiques de l’affaire et des interviews avec Araki Hiroshi, ancien directeur de la communication d’Aleph, l’entité qui a succédé à Aum Shinrikyô. J’ai également filmé le procès du dernier fugitif de la secte accusé d’avoir transporté personnellement le gaz sarin dans le métro, auquel j’assistais en tant que victime et observateur spécial.

Deux jours d’interview avec l’ancien directeur des relations publiques d’Aum Shinrikyô

En 2014, j’ai interviewé Jôyû Fumihiro, l’ancien directeur des relations publiques d’Aum Shinrikyô et actuel leader du groupe Hikari no Wa (Cercle de lumière). Deux jours d’interviews qui ont été publié l’année suivante sous le titre Chikatetsu Sarin Jiken 20-nen Higaisha no Boku ga Hanashi wo Kikimasu (« L’attaque au gaz sarin dans le métro, 20 ans plus tard : une victime pose les questions ») (ed. dZERO).

Dans la postface, j’ai écrit : « Après avoir, en tant que victime, passé deux jours à écouter leur version, y a-t-il quelque chose de plus à écouter ? M. Jôyû doit arrêter toute activité médiatique et toute intervention publique. » Mais, il a déclaré : « Des gens rejoindront Aum Shinrikyô après avoir vu ce film ». Cela m’a déterminé à faire tout ce qui est possible pour que cela n’arrive pas.

La post-production du film a pris du retard. Le monteur à qui je comptais m’adresser s’est trouvé indisponible, à court d’argent j’ai fait le montage moi-même, ce qui m’était physiquement très dur, car, du fait des séquelles de l’attentat, mes yeux fatiguent très vite, et je souffre de somnolence irrépressible quand mes mécanismes de défense se déclenchent. Cependant, je devais terminer mon film d’une manière responsable envers la société et l’histoire. Je n’ai fait aucun compromis même si la sortie du film a été retardée, parce que les paroles de M. Jôyû me restaient sur le cœur.

Alors que le processus de montage s’avérait difficile, j’ai entendu parler d’un événement qui permettrait de soutenir l’achèvement du film que je réalisais, j’ai donc postulé et j’ai remporté un prix. J’ai également eu la chance d’être présenté à un monteur japonais vivant à Paris, et mon film a commencé à se rapprocher de son achèvement.

En 2018, l’ancien gourou de la secte, Matsumoto Chizuo (Asahara Shôkô), et ses disciples condamnés à mort ont été exécutés. Après les exécutions, cependant, Jôyû a avoué qu’il avait été présent sur les lieux du meurtre d’une adepte au début de l’existence d’Aum Shinrikyô. En d’autres termes, tout en dissimulant les informations les plus cruciales qui pourraient retenir de nouveaux membres de rejoindre cette organisation religieuse, il a osé déclarer des choses telles que « certaines personnes parmi les spectateurs de votre film rejoindront Aum ». Aujourd’hui, il dirige Hikari no Wa, mais il a prouvé par inadvertance que ce qu’il dit n’a aucun sens. Le lavage de cerveau est une chose terrible.

Édition spéciale d’un journal annonçant l’exécution de l’ancien gourou de la secte Aum Shinrikyô, à Tokyo, le 6 juillet 2018. (Jiji)
Édition spéciale d’un journal annonçant l’exécution de l’ancien gourou de la secte Aum Shinrikyô, à Tokyo, le 6 juillet 2018. (Jiji)

Suite > Une nouvelle organisation est créée dans le but de soutenir les victimes

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