Quand des jeunes volontaires japonais s’envolent vers Noto après le séisme [2]
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Passer par les associations et ne pas venir seul
En 1995 après le séisme de Hanshin-Awaji (ou séisme de Kobe), comme en 2011 lors du Grand tremblement de terre de l’Est du Japon, le volontariat pour porter secours aux victimes s’est répandu au Japon, de même que la sensibilisation aux catastrophes et la culture du don. Certaines bénévoles toutefois deviennent une gêne aux secours, car bien que de bonne volonté, ils se rendent dans les zones sinistrées sans avoir fait la moindre recherche pour savoir où et dans quelle mesure leur présence peut être utile. Dans d’autres situations, ils étaient même en surnombre. « Les amateurs, ne venez pas ! », est le genre de message que l’on peut entendre désormais.
Kawashima Hiroyoshi de Rescue Assist, qui a dirigé les opérations sur le terrain, explique : « On est tous débutants pour commencer, et il y a beaucoup de choses très utiles à faire dans les zones sinistrées qui ne requièrent aucune compétence particulière. Nous appelons donc toutes les personnes qui veulent aider à venir par l’intermédiaire des associations qui gèrent l’aide publique, telles que la Nippon Foundation, qui sauront où dispatcher l’aide en fonction des besoins locaux. »
Certains travaux dans les zones sinistrées requièrent l’aide de volontaires jeunes et costauds, tels que des étudiants. Un exemple typique est celui des pédiluves dans les centres d’évacuation.
Les pédiluves, qui améliorent la circulation sanguine, sont efficaces pour éviter les rhumes et favoriser le sommeil, ainsi que pour prévenir les phlébites, un syndrome fréquent dans les centres d’évacuation. La vie dans les abris, y compris l’environnement des bains, n’est pas toujours confortable, et à Noto, où les hivers sont rudes, ces installations ont été particulièrement appréciées.
Un bain de pieds pour s’ouvrir davantage
Les pédiluves présentent d’autres avantages.
De nombreux évacués sont angoissés par l’avenir, mais trop gênés pour en parler. Le fait de tremper leurs pieds dans l’eau chaude et de discuter avec des jeunes gens énergiques les détend naturellement et leurs véritables sentiments s’expriment, permettant de comprendre leurs besoins. Les tweets recueillis par les étudiants sont partagés avec les organisations concernées par l’intermédiaire du personnel de la Nippon Foundation. Le soutien peut ainsi devenir plus spécifique et précis.
Ainsi, une septuagénaire déclarait avec le sourire : « Les jeunes quittent Suzu lorsqu’ils obtiennent leur diplôme de fin d’études secondaires. Je n’ai pas pu voir mes petits-enfants qui devaient venir pour les vacances du Nouvel An à cause du tremblement de terre, alors ça me détend de discuter avec les étudiants de l’université. »
Après une journée de travail, une étudiante, de retour à la chambre d’hôtes, déclarait : « Les femmes nous ont parlé de leurs difficultés, ce qui a permis de nous rapprocher. Et elles aiment aussi écouter nos histoires à nous. » De leur côté, un garçon a jugé comme très importante « l’expérience de serrer la main de ceux avec qui il a parlé pour la première fois. Cela nous a fait chaud au cœur. »
On est tous débutants pour commencer
Les derniers travaux sur le terrain consistaient à retirer des affaires d’un entrepôt fragilisé et incliné par le séisme, sur un terrain élevé de la commune de Noroshi-machi.
La réparation de l’entrepôt nécessitant du temps, toutes les affaires qui en ont été retirées ont été triées afin de conserver les produits encore utilisables et utiles. Le reste a été éliminé comme dégâts de la catastrophe.
Les étudiants retirent rapidement les affaires de l’entrepôt, en vérifiant auprès du propriétaire ce qui doit être conserver. L’un des objets particulièrement volumineux était une chaîne hi-fi ancienne, très lourde.
Le propriétaire, âgé de 70 ans, a déclaré : « Je l’ai achetée quand j’avais 17 ans, elle m’a coûtée six mois de salaire. Je ne peux pas la jeter ! » Il a demandé à ce qu’elle soit mise à l’abri dans un autre bâtiment. Pour respecter son sentiment, trois étudiantes l’ont transportée avec précaution.
« Même ceux qui ont été déconcertés par cette première visite dans une zone sinistrée sauront prendre des initiatives dorénavant, à leur retour chez eux », nous dit Kawashima, qui a assisté aux travaux. « J’espère que ces jeunes qui ont vécu cette expérience reviendront un jour ».
Une grande partie des étudiants bénévoles lors du grand séisme du 11 mars 2011 s’étaient éloignés du volontariat parce qu’entrés dans la vie active. Mais pour le désastre du 1er janvier 2024, certains sont revenus et ont de nouveau retroussé leurs manches, mettant à profit ce qu’ils avaient appris il y a 13 ans. « L’expérience acquise à Noto devrait également trouver son utilité lors de catastrophes futures. », affirme Kawashima.
Lui-même n’était pas un professionnel des secours en zone sinistrée à l’origine. C’est l’accumulation de son expérience après plusieurs participations à diverses campagnes qui lui a donné cette autorité. Tout le monde peut désormais compter sur lui.
« Je fais simplement ce que je peux faire, mais les victimes me sont tellement reconnaissantes. C’est la force motrice de toutes nos activités. »
Le bénévolat permet aussi de gagner en maturité
Le dernier soir de leur séjour, les étudiants ont offert un bain de pieds à la propriétaire de la maison d’hôtes Muroya, chez qui ils logeaient. Celle-ci a alors versé des larmes en faisant ses adieux aux jeunes. Lorsqu’elle leur a dit « revenez quand Suzu ira mieux », les membres du sixième groupe ont hoché la tête et ont déclaré qu’ils n’y manqueraient pas.
À la fin de la journée, tout le monde s’est réuni pour discuter de ce qu’il avait ressenti et pensé.
« On hésite toujours de toucher des objets chargés de souvenirs personnels, tels que des livres, des albums de photos et des diplômes… », notait un jeune.
« J’ai fait de mon mieux, en me disant que chaque maison a sa propre histoire à raconter », déclarait un autre.
Ainsi, en moins d’une semaine, en réfléchissant à ce qu’ils pouvaient et voulaient faire et en le mettant en pratique, les débutants sont devenus plus expérimentés. Ils semblent avoir gagné en maturité.
(Reportage et texte de Hashino Yukinori, de Nippon.com. Photos : Kodera Kei. Photo de titre : des étudiants bénévoles lavent les pieds des réfugiés.)