
Comprendre et entendre la génération Z, l’avenir de la société japonaise
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Une section virtuelle dans la plus grande agence de pub japonaise
« Wakamon », la division recherche jeunesse de Dentsû, la plus grande agence de publicité du Japon, a été créée il y a une dizaine d’années et agit comme une sorte de think-tank interne. Voici ce qu’en dit Yômaru Masaya, rédacteur publicitaire et planificateur chez Dentsû.
« Les jeunes ont toujours un demi-pas d’avance sur leur époque. Il est donc important de saisir leur réalité pour avoir une vision d’avenir proche. C’est à cette fin que la division Wakamon a été créé. Les données qu’elle a emmagasinées ont conduit au développement non seulement de publicités, la principale activité de Dentsû, mais aussi de produits et de projets dans de nombreuses sociétés. »
Les membres de cette division peuvent être de nouvelles recrues comme des employés présents chez Dentsû depuis une vingtaine d’années. C’est une division « virtuelle », car ceux qui y appartiennent font partie d’autres sections, comme Yômaru, où ils travaillent parallèlement à leurs activités au sein de Wakamon.
« Comme des gens de divers horizons s’y retrouvent, nous y gagnons des connaissances dont nous nous servons ensuite dans nos propres divisions. Les données d’enquêtes sont régulièrement partagées avec le reste de l’entreprise. Nous nous efforçons aussi de contribuer à des magazines ou des médias externes, et communiquons aussi en interne à travers une publication appelée Dentsûhô, et en diffusant des informations à l’extérieur. »
Des ateliers étudiants pour prévoir le futur
L’expression « génération Z » est née aux États-Unis. Elle correspond aux personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, et suit la « génération X », née entre 1960 et 1974, et la « génération Y », née entre 1975 et le milieu des années 1990.
La génération Z est la première génération de digital natives, c’est-à-dire née dans une société où Internet existait déjà, et l’on considère que ses valeurs sont très différentes de celles des générations précédentes.
Yômaru Masaya explique que Wakamon utilise divers moyens pour observer ces valeurs et ces insights (motivations à l’origine des comportements).
Cela se fait d’abord par une enquête qui porte sur environ 10 000 personnes, conduite une fois tous les deux ans. De plus, Dentsû se sert de « Circle App », son application de communication destinée aux cercles d’étudiants, pour effectuer une enquête tous les mois et collecter des données.
Wakamon organise aussi des ateliers avec des étudiants afin de comprendre les véritables ressentis, auxquels les données seules ne donnent pas accès. Des thèmes (comme par exemple l’amour, la santé, ou les repas) sont fixés chaque mois, et l’on demande aux membres de soumettre des rapports sur les tendances à venir. Ces documents sont discutés par les membres de Wakamon et ceux des ateliers, puis systématisés en tant qu’informations de valeurs pour l’organisation.
Yômaru explique comment ces connaissances acquises grâce à ces enquêtes lui donnent le sentiment d’obtenir ce demi-pas d’avance sur l’époque.
« Par exemple, nous avions demandé aux participants leur opinion sur le thème des nouveaux types de divertissements à venir. En récapitulant nos observations, nous avons pu prévoir que l’on passerait de la forme commune d’un divertissement, dans lequel les spectateurs observent de leur siège ce que font sur scène des personnes ayant un talent spécial, à une forme de « scénarisation » de chaque siège, d’où chaque spectateur apprécierait de sa propre initiative un événement. Les jeunes discutent aujourd’hui sur les réseaux sociaux de ce qu’ils sont en train de voir : c’est devenu pour eux une manière naturelle de jouir d’un divertissement. Nous avons vu une augmentation du nombre d’événements organisés par des individus, parce que les gens qui partagent des goûts particuliers peuvent se rassembler plus facilement. »
Ateliers d’étudiants organisés par Wakamon (avec l’aimable autorisation de Dentsû)
Yômaru explique que si les activités de Wakamon étaient à l’origine centrées sur la publicité, de plus en plus d’entreprises font appel à cette division parce qu’elles souhaitent revoir leur méthode de recrutement de nouveaux diplômés. En 2020, année où le mode de recrutement a dû changer en raison de la crise sanitaire, les « 47 Internship », des stages en ligne offerts dans chacune des 47 préfectures japonaises à un étudiant à la fois, ont été organisés. Les étudiants ont pu avoir des contacts directs avec des entreprises sans avoir à se déplacer, les entreprises ont obtenu de nouveaux feedbacks de la part d’étudiants à coloration locale, et cela a été apprécié par les deux parties.
Deux expressions qui caractérisent la génération Z
Selon Yômaru, les deux expressions qui rendent la génération Z définitivement différente des autres sont « incertitude » et « manque de temps ».
« La génération Z a toujours vécu dans l’incertitude. Alors que les générations précédentes ont pu ressentir jusqu’à un certain degré la bonne conjoncture au Japon, la génération Z a vécu depuis la naissance dans la récession. Elle a grandi en voyant non seulement le terrorisme et les désastres naturels mais aussi l’effondrement de choses qui paraissaient immuables, comme le système de l’emploi à vie et la chute d’entreprises de premier plan, ce qui lui donne une perception acérée des risques inhérents à la vie. C’est pour cette raison qu’elle s’est attachée à développer son propre mode de vie, en développant ses compétences et ses propres forces, tout en commençant très tôt à mettre de l’argent de côté. »
Cela se reflète directement dans la manière de penser des étudiants au moment de chercher leur premier emploi. Selon un enquête Circle App réalisée en 2020, 94,1 % des étudiants ont indiqué qu’ils étaient d’accord avec la réponse : « Je souhaite connaître avant mon embauche la section à laquelle je serai affecté », 58,9 % avec : « Je projette de quitter cet employeur pour un autre dans les cinq ans après mon embauche », 84,3 % avec : « Si je perçois une incompatibilité entre l’employeur et moi, je le quitterai dans les trois ans, et 35,1 % avec : « Je pense que l’entreprise dans laquelle j’entrerai n’existera plus quand j’atteindrai les 65 ans ».
Une telle adhésion à ce genre de propos n’aurait-elle pas été impensable de la part de générations considérant comme évident l’emploi à vie ?
La seconde expression-clé est « le manque de temps »
« Avec la généralisation des smartphones et des réseaux sociaux, la quantité d’informations quotidiennes a considérablement augmenté. Pour la génération Z, les informations et les contenus sont toujours choisis. On remarque aussi une tendance à privilégier le rapport temps/performance sur le rapport coût/performance. Pour elle, la télévision est un média qui continue à passer pendant longtemps des images qui ne sont que partiellement utiles, et ses membres préfèrent les œuvres visibles en épisodes de vingt minutes plutôt que des fictions télévisées de soixante minutes. On peut donc penser que l’on verra davantage de contenus plus courts, plus adaptés. »
Par ailleurs, beaucoup de tavernes offrent des formules permettant de boire à volonté pendant deux heures, mais la génération Z trouve cela long.
« Nous pensions déjà avant la crise sanitaire que les apéritifs en ligne se diffuseraient, mais personne à l’époque n’y croyait », explique Yômaru en riant. Il ajoute : « Bien sûr, leur succès est lié à cet élément extérieur qu’est la crise sanitaire, mais les apéros en ligne, qui commencent à l’heure choisie et se terminent de la même manière sont par essence une forme de communication rationnelle pour la génération Z. »