Reportage à la centrale nucléaire de Fukushima : neuf ans plus tard, rien n’est résolu

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Neuf années se sont écoulées depuis le séisme et le tsunami de mars 2011 dans le nord-est du Japon. Pour de nombreux Japonais, la catastrophe n’affecte quasiment plus leur quotidien et l’accident nucléaire a cessé d’être une source de frayeur. Mais sur le terrain, rien n’est terminé pour autant. Où en est la centrale Fukushima Daiichi, neuf ans plus tard ? Reportage de Nippon.com.

Que faire de l’eau traitée ?

Grâce au système de retrait des radionucléides ALPS installé sur le site, l’eau contaminée est débarrassée du césium, du strontium et des substances radioactives. Pour Tepco, « l’eau contaminée » devient ainsi de « l’eau traitée », mais à vrai dire, cette eau traitée n’est pas totalement exempte d’éléments radioactifs. Dans l’état actuel des technologies, il est impossible d’en retirer le tritium.

Vue extérieure du système de retrait des radionucléides ALPS
Vue extérieure du système de retrait des radionucléides ALPS

Vue intérieure du système ALPS ; les éléments radioactifs sont retirés par adsorption de façon quasi automatisée
Vue intérieure du système ALPS ; les éléments radioactifs sont retirés par adsorption de façon quasi automatisée.

Le tritium, également produit par des centrales nucléaires en cours d’exploitation, peut être rejeté à la mer une fois suffisamment dilué pour répondre aux normes en vigueur, c’est accepté au niveau international. Mais l’impact du pire accident nucléaire de l’histoire sur la région de Fukushima a été énorme – certaines zones sont encore interdites aux habitants. L’agriculture et la pêche ont subi des dommages terribles. Pour ne pas ajouter à ces difficultés, au lieu d’être rejetée en mer, l’eau traitée est conservée sur le site, dans des réservoirs qui, à l’heure actuelle, abritent environ 1,2 million de tonnes d’eau.

Ces gigantesques réservoirs métalliques sont alignés un peu partout : il y en a déjà plus d’un millier. Alors que le démantèlement va nécessiter la construction de nouvelles installations, la place dévolue aux réservoirs n’est pas infinie ; même en limitant le plus possible la génération d’eau contaminée, la capacité maximale des réservoirs devrait être atteinte en 2022. Fin janvier 2020, le ministère de l’Économie a émis deux propositions présentées comme des « choix réalistes » : le rejet de l’eau traitée dans l’océan ou sa vaporisation dans l’atmosphère ; il va néanmoins être difficile d’obtenir l’accord de la communauté locale qui s’inquiète des dégâts en termes d’image.

La visite terminée, nous retournons au bâtiment administratif. En près de deux heures de reportage, j’ai été exposé à 30 microsieverts de radiations et, en fin de compte, l’alarme de mon dosimètre n’aura sonné qu’une fois. On m’explique que ce niveau d’exposition équivaut à une radio des poumons et je me sens soulagé. Mais neuf ans après l’accident, rien n’est résolu – cela m’apparaît avec clarté. Le corium continue d’émettre de la chaleur et les niveaux d’eau contaminée augmentent, remplissant les réservoirs après traitement.

Les réservoirs métalliques où est stockée l’eau traitée
Les réservoirs métalliques où est stockée l’eau traitée

Les réservoirs d’eau traitée s’alignent ; il reste peu de place pour en construire de nouveaux
Les réservoirs d’eau traitée s’alignent ; il reste peu de place pour en construire de nouveaux.

Immédiatement après l’accident, de nombreux Japonais – moi la première – ont compris qu’ils avaient cru aveuglément à un mythe, celui de la sécurité du nucléaire. Nous avons revu notre utilisation irréfléchie d’électricité, nous efforçant de faire des économies d’énergie. Mais au fil du temps, l’électricité a de nouveau été produite en quantité suffisante, même sans centrales nucléaires, et nous nous sommes convaincus que quelqu’un allait s’occuper de la centrale Fukushima Daiichi accidentée.

Le rejet de l’eau traitée dans l’océan ou dans l’atmosphère est une question cruciale pour les habitants, une question qui concerne directement leur quotidien. Les produits de l’agriculture et de la pêche de Fukushima, qui ont petit à petit réussi à retrouver une place sur les marchés grâce à des normes encore plus strictes que celles de l’État, adoptées par les producteurs pour redonner confiance dans leurs produits, pourraient en pâtir. Pour partager et faire nôtre leur souffrance, ne serait-ce qu’un peu, n’oublions jamais la date du 11 mars, quel que soit le nombre des années qui passent.

Engin de chantier destiné à découper un conduit d’aération
Engin de chantier destiné à découper un conduit d’aération

Les radiations sont fortes près des conduits d’aération ; l’engin de chantier est manipulé à distance, depuis un bus installé plus loin. Sur le flanc du bus, des dessins réalisés par les enfants des employés des entreprises impliquées, pour encourager leur papa
Les radiations sont fortes près des conduits d’aération ; l’engin de chantier est manipulé à distance, depuis un bus installé plus loin. Sur le flanc du bus, des dessins réalisés par les enfants des employés des entreprises impliquées, pour encourager leur papa.

(Photos de Nippon.com, sauf mention contraire. Photo de titre : sur le site de la centrale Fukushima Daiichi, alignement de réservoirs d’eau traitée)

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