Le Japon, un pays imprudent sur la protection des données personnelles ?

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Takahashi Akiko [Profil]

L’Expo universelle d’Osaka ouvre ses portes le 13 avril 2025. Or pour tout achat de billets numériques, il est nécessaire de se créer un profil « Expo ID » qui requiert une grande quantité de données personnelles. Dans quel but ? Qui peut y avoir accès et comment ces données sont-elles traitées ? Le flou entourant cette vaste collecte a fait l’objet de critiques sur les réseaux et l’inquiétude a gagné de nombreux internautes. Et si ces données personnelles étaient vendues ou divulguées ? Une fébrilité qui a poussé les organisateurs de l’événement à revoir leur dispositif de traitement des données personnelles. Alors que le concert des Nations a les yeux tourné vers le Japon, cette fausse note a révélé au monde entier que la protection des données personnelles était insuffisante sur l’Archipel.

Pourquoi collecter un si vaste éventail de données ?

Pour se créer le profil nécessaire à tout achat de billet numérique pour l’Expo, il faut tout d’abord accepter les conditions de la « Politique de protection des informations personnelles » de l’Association japonaise de l’Expo universelle (Association Expo). Or l’ampleur des données collectées a tout d’abord suscité une salve de critiques. Pourquoi exiger autant d’informations ?

Les acheteurs doivent en effet indiquer leur nom, adresse et numéro de carte de crédit mais ils doivent aussi préciser leur localisation, fournir des informations biométriques en envoyant une photographie d’identité et même donner leurs empreintes digitales, ils doivent aussi donner l’adresse de leur lieu de travail, le nom de l’entreprise et même le service dans lequel ils travaillent ; ils doivent également préciser s’ils sont en situation de handicap ; il leur est de plus demandé d’indiquer un compte de réseau social et son mot de passe ; il faut enfin préciser son état marital et indiquer si on a des enfants.

Les organisateurs ont expliqué collecter ces informations pour pouvoir organiser au mieux les divers moments forts de l’Expo et disposer les profils de tous les personnels ou organisateurs qu’ils soient japonais ou étranger. Mais sur les réseaux sociaux, les internautes ont fait part de leur inquiétude. Comment ces données seront-elles traitées, qu’en est-il de la protection de données personnelles collectées à si grande échelle ? Seront-elles divulguées ? Ils s’interrogent sur le « pourquoi » de cette vaste collecte et la trouvent « effrayante ». Itô Yoshitaka, qui est rapporteur pour l’organisation de l’Expo, a été convoqué par le Parlement et à dû s’expliquer sur ces points sensibles. Le 28 mars, il a finalement été annoncé que les organisateurs de l’Expo supprimeraient les empreintes digitales et les informations liées aux réseaux sociaux et il a été décidé que seuls les exposants pourraient avoir accès aux données collectées.

Dans l’ombre des pavillons

Le pavillon « Santé » tenu par la préfecture et la municipalité d’Osaka collecte des données relatives à l’état de santé des visiteurs, mais ces informations ne pourront être cédées à certains sponsors que dans le cas d’un consentement explicite des personnes concernées.

Le Bureau préfectoral et municipal de promotion de l’Expo considérait qu’il n’y avait aucun problème à céder ce type d’information aux entreprises, car les données seraient préalablement anonymisées. Cependant, certains ont souligné qu’il existait un risque et que la traçabilité des individus reste possible si les entreprises analysaient et comparaient les items collectés aux informations déjà enregistrées dans des bases de données existantes.

La clause traitant du « traitement des données personnelles » du pavillon a ensuite fait l’objet d’une modification. Il est désormais stipulé que « Sauf dans les cas autorisés par la loi portant sur la protection des données personnelles, les informations relatives aux participants ne seront utilisées que dans le cadre strict des besoins légitimes de l’organisation et pour le bon fonctionnement de l’Expo ». Une modification clairement en réaction aux craintes formulées sur les médias.

Ce faux pas montre bien combien le Japon n’est pas regardant sur la question de la protection des données personnelles et révèle que sa jurisprudence en la matière est insuffisante. Ce regrettable « impair » alors que le monde entier a les yeux tournés vers le Japon à l’occasion de cette Exposition universelle, pourrait générer un fort sentiment de méfiance de la part des pays occidentaux qui sont particulièrement sensibles à la protection des données personnelles.

Suite > Un dispositif qui fait tâche aux yeux des Occidentaux

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Takahashi AkikoArticles de l'auteur

Journaliste spécialiste des questions informatiques et professeure invitée à l’université Seikei. Elle enquête principalement sur la façon dont les adolescents utilisent Internet, sur les réseaux sociaux ainsi que sur la gestion éthique de l’information. Son expertise s’étend aux problèmes impliquant des smartphones ou Internet, ainsi qu’à l’éducation aux nouvelles technologies. Elle est l’auteure de plus de 20 ouvrages portant sur les réseaux sociaux. Citons « Accro aux réseaux sociaux » (Social media chûdoku, paru chez Gentôsha). Invitée sur de nombreux plateaux de télévision, elle a notamment participé aux émissions Asa-ichi ou Close-up Gendai+ diffusées sur NHK. Elle est aussi membre du comité d’évaluation des nouvelles technologies du ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et des Technologies qui travaille à faire de la prévention auprès des jeunes afin de leur garantir des environnements les moins nocifs possibles.

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