Sous l’asphalte, des bombes à retardement : le danger du vieillissement des réseaux d’égouts au Japon

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Hashimoto Junji [Profil]

En janvier 2025, le trou béant qui s’est ouvert dans la chaussée au carrefour de Yashio, dans la préfecture de Saitama, a englouti un camion et son chauffeur. Une canalisation d’eau s’est rompue, puis le gouffre s’est élargi impactant près de 1,2 million d’habitants. Un expert en gestion de l’eau alerte sur l’imminence d’accidents similaires car les infrastructures sont vieillissantes. Il nous explique comment réfectionner les égouts du Japon.

S’attaquer au problème grâce aux nouvelles technologies ?

Tout n’est pas négatif. Pour renforcer son arsenal d’outils de surveillance, le Japon envisage d’augmenter la fréquence et l’efficacité des contrôles grâce à des caméras spéciales pouvant scanner l’intérieur des bouches d’égouts ou des robots sachant contrôler l’intérieur des canalisations. Ces technologies devraient permettre aux équipes d’évaluer plus rapidement et plus facilement l’état des canalisations depuis la surface.

Le Japon souhaite également mettre à profit les technologies de pointe (capteurs, drones et IA) pour détecter les tronçons de canalisations détériorés ou endommagés. Tirer parti de ces outils permettrait de mieux surveiller l’état des canalisations et aiderait les exploitants à identifier plus rapidement les zones sensibles. Grâce à l’IA par exemple, les ouvriers peuvent analyser les données anciennes, repérer les sites potentiellement atteints par la corrosion et réagir efficacement, avant que les problèmes ne surviennent.

De nouvelles techniques, moins chronophage et plus rentables que le remplacement pur et simple, devraient permettre de rénover plus efficacement les canalisations anciennes et prolonger leur durée de vie. On peut en effet « chemiser » des canalisations déjà en place (une méthode qui consiste à venir gonfler et durcir un dispositif spécialement traité à l’intérieur d’un conduit déjà existant pour le consolider) ou opérer un « chemisage en spirale » qui consiste à insérer une longue bande rigide de polychlorure de vinyle posée en spirale pour former une nouvelle couche protectrice à l’intérieur d’une canalisation usagée. Grâce à ces méthodes, il n’est plus nécessaire de creuser ou d’excaver. Mais la portée de ces recours de fortune reste limitée puisqu’ils ne sont pas adaptés aux canalisations les plus détériorées et sont effectifs seulement 10 ans .

Pose d’un égout (© Pixta)
Pose d’un égout (© Pixta)

Un partenariat pour l’avenir

Le développement de nouvelles technologies n’y suffira donc pas, le gouvernement doit prendre en charge la protection et la rénovation des canalisations des eaux usées vieillissantes plutôt que de déléguer cette tâche aux municipalités. À cette fin, le 5 février 2025, le gouvernement a convoqué des experts en vue d’élaborer un nouveau plan de renforcement des infrastructures au niveau national. Cette consultation a permis de faire passer au premier plan la réparation et la reconstruction des canalisations d’eau potables et usées, et d’en faire une priorité nationale.

Les autorités locales ont demandé que l’accès aux subventions soit facilité et que leur octroi soit assoupli. Elles ont également exprimé leur inquiétude face au fait que, malgré le soutien financier, la pénurie de main-d’œuvre reste un frein majeur à la construction de nouvelles canalisations ou à la réparation de celles déjà en service. Ce dernier point reste un verrou important pour les prochaines améliorations et bloque l’avancée des projets en cours.

Le gouvernement et les municipalités doivent absolument collaborer afin de consolider le financement du traitement des eaux usées et former les techniciens et personnels spécialisés. Les citoyens ont également un rôle à jouer. Il faut sensibiliser l’opinion publique à la cause des égouts.

(Photo de titre : vue aérienne des opérations à Yashio à Saitama, alors que les secours tentent d’atteindre le chauffeur de camion piégé dans le trou. Photo prise le 6 février 2025. Kyôdô)

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Hashimoto JunjiArticles de l'auteur

Journaliste spécialisé dans les questions de l’eau, de l’environnement, du changement climatique, des catastrophes et des infrastructures. Directeur de l’organisme de recherche Aqua-Sphere mais aussi directeur de recherche à la Tokyo Foundation. Il est professeur invité et enseigne le développement durable à l’université de Musashino. Il a également été professeur associé invité à l’université Gakugei de Tokyo et travaillé comme expert pour l’Agence japonaise de coopération internationale. Cet ancien chercheur au premier bureau de recherche spécial de la Chambre des conseillers est notamment l’auteur de « 6,7 milliards d’humains et l’enjeu de l’eau : des conflits au développement durable » (67 oku nin no mizu : sôdatsu kara jiizoku kanô he) mais aussi de « Privatiser l’approvisionnement en eau, quel impact ? » (Suidô min’eika de mizu wa dô naru).

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