Comment assurer la sécurité des enfants japonais face aux dangers des médias sociaux

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Suzuki Tomoko [Profil]

L’usage des smartphones au Japon se répand chez les enfants de plus en plus jeunes, ce qui suscite de sérieuses préoccupations quant aux dangers des médias sociaux. Un expert de la sécurité en ligne nous offre un aperçu sur l’usage que les adolescents japonais font des plates-formes actuelles et envisage les options qui s’offrent à nous pour protéger les enfants contre le cyber-harcèlement, l’exploitation et les contenus toxiques.

Les médias sociaux offrent un espace précieux pour une interaction qui, traversant les groupes d’âges et les frontières nationales, permet à des gens ayant des antécédents différents de partager leurs connaissances et leur culture. Depuis quelques années, toutefois, les dangers des médias sociaux suscitent de graves préoccupations à l’échelle planétaire. Les propos incendiaires, l’humiliation, le cyber-harcèlement, la fraude et la désinformation prolifèrent sur Internet, où des incidents troublants sont signalés pratiquement tous les jours.

L’un des facteurs clefs de cette escalade des problèmes réside dans l’évolution des fonctions des plates-formes, opérée dans le but de prolonger l’engagement des utilisateurs et de générer des recettes publicitaires. Particulièrement remarquable à cet égard est la pratique du suivi de l’historique de visionnage et de la recommandation de contenus attrayants fondée sur la probabilité de consultation par l’utilisateur. En réaction à cette tendance, un nombre croissant de sites des médias sociaux mettent délibérément en ligne des contenus sensationnels et incendiaires dans le simple objectif d’attirer le plus grand nombre possible de visites. Les adultes eux-mêmes sont vulnérables à cette inflation d’informations toxiques. Que se passe-t-il quand des enfants en plein développement émotionnel y sont exposés ?

Un mouvement mondial en faveur de la réglementation

En décembre 2024, l’Australie a adopté une loi exigeant des entreprises de médias sociaux qu’elles restreignent l’accès de leurs plates-formes aux personnes âgées de 16 ans et plus. Les sociétés qui ne se conforment pas à cette loi dans les 12 mois consécutifs à son entrée en vigueur risquent des contraventions pouvant aller jusqu’à 50 millions de dollars australiens. Le statut s’applique à des plates-formes d’un usage aussi répandu que Facebook, Instagram, TikTok et X, en précisant toutefois que YouTube n’en fait pas partie. Les enfants et les parents n’encourront aucune pénalité.

Les réactions à la rigoureuse nouvelle loi australienne ont été diverses. Elle jouissait certes du soutien d’une majorité des parents australiens, mais elle a provoqué une réaction brutale des géants de la technologie. L’UNICEF a signalé qu’elle risquait d’entraîner les enfants vers des recoins sombres et non réglementés de l’Internet. Nombre d’experts se sont interrogés sur l’applicabilité d’une telle interdiction.

Les enfants et les médias sociaux au Japon

Avant de nous demander quelles mesures le Japon devrait prendre pour protéger les enfants en ligne, tournons-nous vers les tendances récentes de l’implication des mineurs japonais dans les médias sociaux. Selon une étude de 2023 sur l’information électronique et l’usage des communications menée par le ministère des Affaires intérieures et des Communications, les plates-formes les plus appréciées des Japonais âgés de 10 à 19 ans sont, classées selon le taux d’utilisation, Line (95,0 %), YouTube (94,3 %), Instagram (72,9 %), TikTok (70,0 %) et X (65,7 %). Examinons de plus près ces plates-formes et la façon dont elles sont utilisées.

Les principales plates-formes de médias sociaux au Japon

Line est largement utilisée en tant qu’outil de communication (échange de messages et appels vocaux) au sein des familles et entre amis. Sur YouTube, l’activité se concentre sur les canaux des influenceurs populaires, que les fans et les adeptes consultent tous les jours pour visionner les dernières vidéos et partager leurs réactions.

Instagram, un service centré sur le partage de photos et de vidéos, s’est affirmée comme une plate-forme incontournable chez les adolescents et les jeunes adultes. Elle permet aux individus d’ouvrir de nombreux comptes, y compris des comptes auxiliaires sur lesquels le partage peut être restreint à un cercle désigné d’amis ou de suiveurs. La plupart des jeunes utilisateurs recourent à la fonction Stories de la plate-forme, qui supprime automatiquement les messages au bout de 24 heures, ce qui encourage les gens à en envoyer fréquemment et quand bon leur semble. Instagram offre en outre un service de diffusion en direct qui permet aux titulaires de comptes de diffuser des vidéos en temps réel et peut être utilisé pour des appels vidéos au sein de petits groupes d’amis.

TikTok, une plate-forme dédiée à la création et au partage de vidéos, est populaire chez les adolescents (moins dans les groupes plus âgés). Bien qu’elle soit surtout connue pour ses divertissantes vidéos de chant et de danse, elle diffuse aussi des flashes d’information et d’autres contenus internationaux. Les comptes TikTok sont ostensiblement limités aux utilisateurs âgés de 13 ans et plus, mais le bruit court qu’un grand nombre d’élèves de l’école primaire y ont accès. X est principalement considéré au Japon comme une source d’informations.

Selon l’étude menée par l’État mentionnée ci-dessus, les jeunes Japonais âgés entre 10 et 19 ans passent en moyenne 56 minutes à consulter ou à écrire des messages sur les médias sociaux les jours de la semaine et 80 minutes les samedis, les dimanches et les jours fériés. Dans le même groupe d’âge, l’usage quotidien moyen des services de partage de vidéos (diffusion et consultation) est de 112 minutes en semaine et de 174 minutes pendant les week-ends et les jours fériés. L’utilisation des sites et des applications de partage de vidéos est manifestement élevée chez les adolescents et les jeunes âgés d’une vingtaine d’années. L’usage excessif est un thème récurrent chez les parents qui viennent me voir pour me demander conseil, ce qui suggère que la dépendance au smartphone constitue une préoccupation sérieuse pour beaucoup de familles japonaises.

Utilisation moyenne d’Internet

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Suzuki TomokoArticles de l'auteur

Journaliste informatique et consultant en sécurité sur Internet. A travaillé comme ingénieur systèmes chez Hitachi Software Engineering (aujourd’hui Hitachi Solutions) avant de se mettre à son compte. En tant que conseiller en sécurité sur les smartphones, il aide les parents à protéger leurs enfants en ligne. Auteur de divers ouvrages, dont Oya ga shiranai kodomo no sumaho (Ce que les parents ne savent pas sur les smartphones de leurs enfants).

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