30 ans après le séisme de Kobe : la réponse du Japon aux catastrophes s’est-elle améliorée depuis ?

Catastrophe

Il y a de cela trois décennies, en janvier 1995, le séisme de Kobe a rasé une grande partie de la ville et tué plus de 6 000 personnes. Le Japon a-t-il réussi à tirer les leçons de cette tragédie et des catastrophes ultérieures de façon à se préparer pour la prochaine qui frappera l’Archipel ?

Des mesures basées sur le vécu, plutôt que sur le respect de la procédure

Le tremblement de terre qui a sévi au large du littoral oriental de la région du Tôhoku le 11 mars 2011 a généré un gigantesque tsunami qui a causé d’énormes pertes humaines, avec près de 19 000 morts ou disparus, et provoqué des dégâts considérables dans une vaste région, dont l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi. La différence avec les dégâts provoqués par le séisme de 1995 était aussi qualitative, dans la mesure où le tsunami a fait beaucoup plus de mal que le séisme lui-même. Cela rappelle le tremblement de terre Jôgan survenu à Sanriku en 869, il y a plus de mille ans. Ce fut vraiment un tsunami d’une gravité inimaginable.

C’est aussi devenu une source d’inspiration majeure pour une autre importante révision de la loi fondamentale sur les mesures de gestion des catastrophes.

Juste après le drame du 11 mars 2011, j’ai été envoyé de Kobe vers les zones frappées par la catastrophe et j’ai puisé dans mon expérience de 1995 pour offrir des conseils. J’ai alors eu l’occasion d’avoir accès aux plans régionaux d’urgence adoptés par les autorités locales et eu la surprise de m’apercevoir que leur contenu ressemblait à une copie pure et simple de celui de Kobe. Rien n’avait été rédigé via une coopération avec les citoyens locaux, en enquêtant et en ouvrant un débat sur l’histoire de ces zones en matière de catastrophes, dans l’idée de créer quelque chose qui réponde aux besoins des collectivités locales. Ce que j’ai eu sous les yeux n’était vraiment qu’une simple copie de la publication précédente d’experts en catastrophes opérant ailleurs, intégrée ici à titre purement formel.

Je pense que la principale raison de cette tendance réside dans le fait que les réformes administrative et financière ont entraîné une réduction de l’effectif des fonctionnaires, à tel point qu’il ne reste plus qu’une poignée de gens pour s’occuper des mesures de réponse aux catastrophes destinées à de vastes étendues de territoire. Mais aussi parfait sur le papier qu’un plan puisse sembler, s’il ne reflète pas les réalités de la vie locale, il n’est qu’un geste vide.

Je me demande aujourd’hui si cela valait aussi pour les zones frappées en janvier 2024 par le tremblement de terre de la péninsule de Noto. Je réfléchis aussi à la meilleure façon de transmettre l’expérience des victimes de catastrophes au reste du Japon ; je me demande si nous pouvons contribuer à réduire les dégâts provoqués par de futurs épisodes, et m’interroge sur la meilleure façon de guider les gens qui cherchent à se rétablir des catastrophes qu’ils subissent. Toutes les personnes qui ont fait l’expérience du tremblement de terre de Kobe ont le devoir d’apporter ce genre d’aide.

Visions à long terme et besoins locaux

Aujourd’hui, trois décennies après le séisme de 1995 qui a ravagé Kobe et l’a plongée dans l’obscurité, la beauté des paysages nocturnes fait ressembler tout cela à un rêve.

Kobe, qui avait une population de 1,52 million d’habitants avant le désastre, en a perdu 100 000 par la suite. Cinq ans plus tard, toutefois, ce chiffre était remonté à 1,49 million, et revenu à 1,52 million au bout de cinq années supplémentaires. Il reste aujourd’hui approximativement à ce niveau, et l’activité industrielle a elle aussi repris, en partie grâce à la demande de reconstruction apparue peu après le séisme. Par la suite, de nouvelles demandes de produits médicaux ont alimenté le redressement via la restructuration de l’industrie.

La ligne d’horizon nocturne de Kobe vue de la mer. La luminosité propre à l’époque antérieure au tremblement de terre est revenue. (© Sakurai Seiichi)
La ligne d’horizon nocturne de Kobe vue de la mer. La luminosité propre à l’époque antérieure au tremblement de terre est revenue. (© Sakurai Seiichi)

J’attribuerais la rapidité du redressement de Kobe à une vision à long terme, fondée en grande partie sur des facteurs préalables au séisme, tels que la reconnaissance de la nécessité de modifier la structure industrielle de la ville. Dans sa substance, le plan de redressement élaboré après la catastrophe intègre la vision à long terme de la ville, et la rapidité de son adoption a été un facteur décisif. On dit qu’une catastrophe est révélatrice de la faiblesse d’une ville. Je pense quant à moi que la rapidité d’un redressement post-catastrophe est dans une large mesure le fruit de la réflexion plutôt que de la force d’une ville — l’existence d’une vision axée sur des questions préexistantes à la catastrophe.

Toutefois, le Japon dans son ensemble est désormais confronté à la baisse de son taux de natalité et au vieillissement de sa population, ainsi qu’à une concentration excessive de l’économie et de la population à Tokyo. En 2022, on recense 885 municipalités désignées comme « sous-peuplées » conformément à la loi sur les mesures spéciales de soutien au développement durable des zones dépeuplées, ce qui représente plus de la moitié des 1 719 municipalités du Japon. Le chiffre inclut les zones sinistrées de la péninsule de Noto. Nous devrons nous confronter à ces questions lorsque nous réfléchirons à l’atténuation des catastrophes et à la reprise ultérieure.

L’État a créé un bureau chargé de préparer l’ouverture d’une Agence de gestion des catastrophes. Lors du lancement de son gouvernement, le Premier ministre Ishiba Shigeru a émis des directives au nombre desquelles figuraient l’établissement d’un poste ministériel à part entière consacré à la gestion des catastrophes, l’amélioration radicale des capacités de planification des opérations de préparation aux catastrophes et la mise en place d’un organisme qui s’appuie sur l’apport des experts en gestion des catastrophes à mesure qu’il se prépare pour l’avenir. Cette nouvelle agence nourrit nos espoirs, mais par-dessus tout, nous voulons qu’il s’agisse d’un organisme fondé sur une vision nationale à long terme prenant en compte tout l’éventail des problèmes régionaux.

(Photo de titre : photo prise le 17 janvier 1995 dans le quartier Higashi-Nada de Kobe, montrant les ruines de l’autoroute Hanshin détruite. Jiji)

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