La communauté kurde dans le viseur des xénophobes de Saitama

Société

Les migrants kurdes résidant au sud de la préfecture de Saitama, près de la capitale, sont dans le viseur des groupes xénophobes qui utilisent les réseaux sociaux pour les harceler, diffuser des discours de haine et de la désinformation. Nous avons mené l’enquête auprès des habitants pour dresser le profil de la communauté kurde de la région et analyser la récente montée de l’hostilité envers elle.

Semer la peur sur les réseaux

Nukui Tatsuhiro est à la tête d’une association à but non lucratif basée à Warabi appelée « Zainichi Kurudojin to Tomoni » (Ensemble avec les Kurdes du Japon) qui vient en aide aux migrants kurdes. Les députés ont été appelés à se prononcer à la Diète en 2023 sur un projet de loi visant à modifier les conditions d’obtention du statut de réfugié, Nukui nous explique que ces délibérations ont joué un rôle majeur dans l’émergence du mouvement anti-Kurdes. L’enjeu était d’instaurer un plafond afin qu’un immigré sans papiers ne puisse plus déposer à répétition un dossier en vue d’obtenir le statut de réfugié, et qu’au-delà d’un certain seuil il puisse être expulsable du territoire. Les partisans de cet amendement souhaitaient empêcher les migrants non éligibles au droit d’asile de prolonger leur séjour par des demandes répétées.

« Le débat a jeté la lumière sur la présence de migrants kurdes au Japon qui étaient nombreux à demander le statut de réfugié, explique Nukui. Certains médias se sont concentrés sur le cas de sans-papiers, suscitant l’ire des opposants à l’accueil des réfugiés et des immigrés. »

En d’autres termes, les débats à la Diète ont braqué les projecteurs sur la communauté kurde qui n’avait guère fait parler d’elle jusque-là. Ils ont géneré un élan xénophobe dans une certaine partie de la population sensible à ces problématiques. La haine en ligne visant les Kurdes a gagné en ampleur et sur les réseaux sociaux de nombreuses voix se sont levées pour appeler de leur vœu une réforme législative facilitant l’expulsion des étrangers demandeurs d’asile. (La réforme est entrée en vigueur en juin 2024 et les demandeurs d’asile sont désormais trois fois ou plus susceptibles d’être expulsés, NdE).

Mauvais timing

Certes, certains ressortissants de la communauté kurde du sud de Saitama ont eu maille à partir avec les autorités locales suite à des problèmes de voisinage, tapage, ou non-respect des règles complexes de ramassage des ordures ou de recyclage. Des infractions (conduite sans permis, dont un accident mortel avec délit de fuite) ont assurément fait la une.

En juin 2023, l’assemblée municipale de Kawaguchi a adopté une pétition favorable à la « répression des crimes commis par certains étrangers » (sans mentionner spécifiquement les Kurdes). Cette votation qui a ensuite été relayée aux gouvernements préfectoral et national, a sans doute conforté les xénophobes dans leurs positions et contribué à donner de Kawaguchi l’image d’une ville aux mains de Kurdes sans foi ni loi.

Malheureusement, un mois après, un incident venait conforter ces préjugés. À la suite d’un différend concernant une liaison extra-conjugale, deux Kurdes en sont venus aux mains. Blessés et transportés dans le même hôpital, leurs amis et parents ont fini par se battre et une rixe a eu lieu sur le parking de l’hôpital. L’incident, largement relayé par certains médias, a suscité un déferlement de haine en ligne générant in fine de nouvelles manifestations anti-kurdes.

« Si l’on se fie à ce que l’on peut voir sur Internet, on pourrait croire que Kawaguchi et Warabi sont des zones de non-droit à la Mad Max où règne la violence.», explique Nukui.

Or la réalité du quotidien ne saurait être plus éloignée de cette image d’épinal.

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