Le retour de Donald Trump : le Japon n’a rien à craindre
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Une alliance nippo-américaine bien solide
Sur le plan géopolitique, l’alliance entre les deux pays est d’une très grande stabilité. Pour les États-Unis qui définissent la Chine comme leur premier rival géopolitique, le Japon joue un rôle de premier plan. De par sa position, l’archipel nippon est le premier obstacle à l’avancée de la Chine dans le Pacifique, sans compter qu’il abrite des bases américaines.
L’administration Trump a été la première à faire de la Chine le rival des États-Unis sur le plan géopolitique. Dans la stratégie de défense nationale de 2017, on peut lire : « Notre pays est confronté à des puissances rivales, la Russie et la Chine, qui cherchent à défier l’influence, les valeurs et la richesse de l’Amérique. » Et plus loin : « Pour que soit préservé un équilibre solide et avantageux pour les États-Unis, il faut des alliances solides avec les pays alliés qui sont nos partenaires, et une coopération étroite avec eux. » Il ne s’agit cependant pas là de déclarations de Donald Trump, mais du NSC (Conseil national de sécurité) de l’époque.
Trump lui-même a tendance à adopter une posture très sévère vis-à-vis des pays alliés qui veulent bénéficier des capacités de défense américaine sans payer. Mais en bon homme d’affaires, il l’est moins avec ceux qui prennent en charge leur partie du fardeau. Dans une déclaration faite en février en Caroline du Sud, qui a fait couler beaucoup d’encre en Europe, il a répondu à un chef d’État d’un pays de l’OTAN qui lui avait demandé si les États-Unis défendraient un pays qui n’aurait pas payé sa contribution à l’organisation et que la Russie attaquerait : « Non, je ne vous protégerai pas. En fait, je les encouragerai à faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes. »
L’important ici est sans aucun doute l’accent mis sur le devoir que chacun a de payer sa part. Et à cet égard, nous pouvons être rassurés, puisque le Premier ministre Kishida a déjà lancé une amélioration drastique des capacités de défense du Japon, en définissant l’objectif de faire passer d’ici à l’exercice 2027 le budget consacré à la défense de son niveau actuel de 1 % à 2 % du PIB.
Un élément notable pour prédire la relation bilatérale Japon-États-Unis avec une nouvelle administration Trump est lié aux personnalités qui seront chargées de la défense. Les noms de Robert O’Brien, conseiller à la sécurité nationale sous la présidence Trump, Elbridge Colby, ancien secrétaire adjoint de la Défense, ou encore de Michael Pillsbury, directeur de recherche au think-tank Hudson Institute, qui sont tous des partisans de la fermeté vis-à-vis de la Chine et favorables à TaÎwan, ont été mentionnés. Cela aussi contribue à la sécurité de l’alliance nippo-américaine.
Quelles seront les priorités de Donald Trump ?
Les priorités du président Trump, s’il est réélu, sont aussi importantes. Pour parler d’une manière quasiment grossière, il cherchera probablement, en se servant des privilèges présidentiels, à limiter au maximum les effets des quatre actions intentées en justice contre lui personnellement ainsi que contre la Trump Organization. La raison en est que s’il ne le fait pas, une fois qu’il ne sera plus président après son second mandat, il risque de perdre la richesse qu’il a accumulée ainsi que ses opportunités commerciales futures.
Lorsqu’il était président, il a dit qu’il avait le droit de se pardonner lui-même. Mais le point de vue du ministère de la Justice lorsque l’ancien président Nixon était poursuivi en lien avec le scandale du Watergate était qu’un président n’a pas ce pouvoir.
Nixon a cependant démissionné avant de faire l’objet d’une procédure de destitution, et en septembre 1974, l’ancien vice-président Ford qui lui a succédé après sa démission lui avait accordé son pardon afin de « préserver l’unité de la nation », avant même que l’ancien président puisse faire l’objet de poursuites judiciaires. À l’époque, ce pardon avait été très critiqué, mais avec le temps et la réévaluation des résultats obtenus par le président Nixon sur le plan diplomatique, les voix qui le défendaient se sont multipliées. Richard Nixon et Henry Kissinger, son conseiller à la sécurité nationale, avaient en effet réussi à sortir leur pays du bourbier de la guerre du Vietnam. Kissinger a reçu le prix Nobel de la paix le 23 janvier 1973 pour avoir réussi, en tant que représentant spécial de l’administration Nixon, à négocier les accords de Paris avec le gouvernement nord-vietnamien. Si le scandale du Watergate ne s’était pas produit, il n’y aurait rien eu d’étrange à ce que Nixon partage le prix Nobel de la paix avec Kissinger.
Trump lui-même est très attaché au prix Nobel pour la paix, et il y pense indéniablement. La priorité diplomatique de son nouveau gouvernement sera sans doute de parvenir à une réussite qui pourrait lui valoir le prix Nobel de la paix, ce que serait « un cessez-le-feu en Ukraine au bout de 24 heures », comme il l’a annoncé. S’il parvenait à obtenir un résultat de ce genre, dont le monde entier se réjouirait, la voie d’un pardon présidentiel s’ouvrirait à lui par exemple si son vice-président accédait à la présidence.
On peut par conséquent s’attendre à ce que la priorité de la nouvelle administration Trump pour les quatre ans après son élection soit de produire des résultats substantiels en politique étrangère. Les efforts se tourneront sans doute d’abord vers un cessez-le-feu en Ukraine et un accord sur le nucléaire avec la Corée du Nord, tandis qu’un deal avec la Chine sur la position de Taïwan, qui prendra probablement plus de temps en raison des résistances internes, sera une moindre priorité.
L’alliance nippo-américaine qui est aussi importante pour faire pression sur la Chine sera un outil essentiel pour le président Trump qui souhaite que l’économie américaine l’emporte dans la compétition qui l’oppose à l’économie chinoise. Enfin, l’administration Trump ne disposera que de quatre ans, étant donné que le président a déjà eu un mandat. Quatre ans, cela passe vite. Il faudra donc s’attaquer aux priorités sans perdre de temps.
De nouvelles relations personnelles sont-elles possibles ?
Feu le premier ministre Abe Shinzô avait réussi à créer un lien personnel avec Donald Trump. Le dirigeant japonais actuel sera-t-il capable d’en faire autant ? Abe, qui avait le soutien des conservateurs japonais, avait réussi à garder le pouvoir longtemps et de manière stable. De plus, il considérait que le maintien d’une alliance nippo-américaine forte était essentiel pour le Japon et il était prêt à construire une bonne relation individuelle avec le leader des États-Unis, quel qu’il soit.
Un de mes amis qui travaille au ministère des Affaires étrangères m’a dit que si Abe avait réussi à avoir de bonnes relations avec le président Trump, c’était parce qu’il l’avait abordé en lui montrant du respect. Ce qui voudrait a contrario dire que les dirigeants européens n’ont pas montré de respect au président Trump quand celui-ci est entré en fonction...
Par exemple, lors du sommet de l’OTAN de décembre 2019, des enregistrements de Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, et de Justin Trudeau, son homologue canadien, en train de plaisanter à propos de la longueur de la conférence de presse du président Trump ont fuité. Ce dernier est ensuite reparti aux États-Unis après avoir annulé la conférence de presse prévue à la fin du sommet, et il a traité Trudeau d' « hypocrite ».
On peut imaginer que Trump ne partageait non seulement pas les valeurs démocratiques et la signification de cette alliance avec les autres pays de l’OTAN, mais qu’il n’a pas réussi à se fondre dans l’ambiance européenne de club de l’élite, et qu’il ne s’est pas senti à l’aise lors du sommet.
Mais environ deux ans avant cet événement, le 5 novembre 2017, le Premier ministre Abe avait joué au golf avec le président Trump pendant sa visite au Japon. Un autre de mes amis du ministère des Affaires étrangères m’a confié que l’ancien dirigeant américain qui n’avait guère d’expérience en matière de sommets internationaux lui avait posé de nombreuses questions sur l’ambiance lors du sommet du G7. Sans doute n’avait-il pas envie de les poser à un chef d’État européen élitiste.
Le Premier ministre Kishida ou son successeur ont beaucoup à apprendre de ces situations vécues par Abe Shinzô. Montrer du respect au président Trump n’est pas difficile pour un politicien japonais conservateur. Mais se contenter de faire preuve de politesse ne permettra probablement pas de créer une relation de confiance avec lui. Il faut pour cela du capital politique au Japon.
L’administration Trump a fait ses débuts en janvier 2017, quatre ans après la formation du deuxième cabinet Abe, à un moment où le Premier ministre bénéficiait d’un taux de soutien élevé. Cette base de support stable a donné à Abe le capital politique qui lui a permis de repousser les critiques de l’opposition et des médias « libéraux ».
Il est peu probable que le Premier ministre japonais, dans le cas d’une nouvelle administration Trump en 2025, bénéficie d’un capital politique semblable à celui qu’avait Abe Shinzô. Le Premier ministre actuel, Kishida Fumio, qui était ministre des Affaires étrangères du gouvernement Abe, occupe ce poste depuis octobre 2021, ce qui est plutôt long, mais son taux de popularité est aujourd’hui faible, et sa réélection au poste de président du Parti libéral démocrate cet automne n’est pas certaine.
Pour l’instant, nul ne saurait dire si l’homme qui sera alors le dirigeant du Japon pourra créer avec Donald Trump une relation personnelle comme l’avait fait Abe. Mais la bonne nouvelle pour le Japon est que son existence en tant que pays allié est plus importante que jamais sur le plan géopolitique, et qu’il est très probable que les responsables de la politique de défense de l’administration Trump 2.0 le comprendront.
(Photo : Donald Trump donne un discours dans un meeting à West Palm Beach en Floride, à l’occasion de son soixante-dix-huitième anniversaire. AFP/Jiji)
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