
Le mystère Yokota Megumi : où est la Japonaise enlevée par la Corée du Nord ?
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Une fille de 13 ans disparaît mystérieusement
Ce devait être une journée ordinaire. Le 15 novembre 1977, Yokota Megumi, 13 ans, élève de première année de collège, se rend à l’école après avoir pris son petit-déjeuner avec sa famille. La classe se déroule comme d’habitude. Après les cours, elle participe à l’entraînement de son club de badminton. Puis, sur le chemin du retour, elle disparaît.... Telle qu’une histoire de kamikakushi, un « enlèvement par les dieux », un motif bien connu des contes traditionnels japonais.
Megumi était une élève active, brillante, même. La police lance des recherches tout azimuts, ne négligeant aucune possibilité : accident, enlèvement, fugue… mais aucun indice n’apparaît. Son père Shigeru et sa mère Sakie ont le cœur brisé, mais continuent à marcher le long de la côte, le long de la mer du Japon, à la recherche d’indices. Lorsqu’un corps non identifié est retrouvé dans la mer du Japon, on cherche à savoir s’il s’agit de Megumi, mais il s’avère que non. Dans le livre qu’ont publié ses parents, bien longtemps après, Megumi e no Yuigon (« Testament pour Megumi » ; interviewer : Ishidaka Kenji / Gentôsha, 2012), sa mère Sakie, prise au piège, passait ses journées à penser à la mort.
Un espion nord-coréen passe aux aveux
Ce n’est qu’une douzaine d’années plus tard, dans les années 1990 que les choses commencent à bouger. L’élément déclencheur a été un entretien avec Ishidaka Kenji, producteur au bureau d’information de l’Asahi Broadcasting Corporation. Ishidaka avait enquêté et rendu compte de la disparition d’un grand nombre de personnes autour du programme de rapatriement vers la Corée du Nord des Coréens qui vivaient alors au Japon, programme qui avait commencé dans les années 1950. Au cours de son enquête, il avait eu l’occasion de parler avec des agents nord-coréens qui lui avaient raconté avoir enlevé des ressortissants japonais.
En 1995, la diffusion du documentaire « Vagues de ténèbres : Opérations nord-coréennes contre le sud » met en lumière le cas de Hara Tadaaki, cuisinier dans un restaurant chinois d’Osaka, enlevé en 1980 par un espion nord-coréen, Sin Gwang-su, qui s’est fait passer pour sa victime et s’est livré à des activités d’espionnage au Japon et dans d’autres pays asiatiques.
En février 1995, Ishidaka avait appris que Kim Kil-uk, un complice de Sin Gwang-su, avait été libéré sur parole et vivait sur l’île de Jeju, en Corée du Sud, où il l’a rencontré personnellement et l’a interviewé. Kim, en pleurs en pleine rue, a reconnu avoir participé à l’enlèvement de Hara. Le documentaire indiquait comme certain que 13 autres ressortissants japonais portés disparus, dont trois couples disparus sur la côte de la mer du Japon, et Arimoto Keiko, une étudiante disparue alors qu’elle étudiait à Londres, relevaient du même cas de figure.
Ishidaka a plus tard déclaré :
« Même après la diffusion nationale de l’émission, aucun autre média n’a donné suite à la question des enlèvements, et le gouvernement japonais ne s’y est pas intéressé. Cependant, un rédacteur d’une autre chaîne qui avait vu l’émission m’a recommandé d’écrire un livre sur le sujet, et j’ai donc continué à couvrir la question de mon côté. Ce faisant, j’ai obtenu des informations selon lesquelles une jeune fille en première année de collège avait été enlevée dans les années 1970 et était toujours en vie en Corée du Nord. L’information provenait d’une déclaration faite aux services de renseignement sud-coréens par un ancien agent nord-coréen qui avait fait défection en Corée du Sud. »
La jeune fille en question a été identifiée comme étant Yokota Megumi en janvier 1997. L’année précédente, Ishidaka avait écrit le premier article dans une revue sud-coréenne sur les informations relatives à son kidnapping, ce qui a constitué le premier lien avec la disparition de Megumi.
Lorsque Shigeru, le père de Megumi, a entendu l’histoire de Ishidaka, il a d’abord été sceptique. Un point le retenait, cependant : la personne qui avait été enlevée était décrite comme une « sœur jumelle ». Pour être précis, Megumi a un frère jumeau, fait qui n’avait jamais été mentionné par les médias. Sakie, qui a plus tard rencontré Ishidaka avec Shigeru, se souvient dans son « Testament pour Megumi » qu’elle « ne pouvait s’empêcher de trembler » en écoutant son récit.
La rencontre historique avec Kim Jong-il
Lorsqu’il est devenu clair que Megumi avait été arrachée à ses parents par la Corée du Nord, Ishidaka et quelques autres ont lancé un appel aux familles des autres personnes enlevées dans différentes régions et, en mars 1997, L’Association de liaison des familles des victimes d’enlèvement par la Corée du Nord (« Association des familles ») a été créée, avec Yokota Shigeru comme président. En août de la même année, 500 000 signatures ont été recueillies et soumises au bureau du Premier ministre, et les médias ont commencé à couvrir de façon répétée la question des enlèvements. Les preuves étaient déjà nombreuses. Néanmoins, la Corée du Nord a toujours maintenu que toute cette histoire était une invention.
La situation a changé radicalement avec la visite du Premier ministre Koizumi Jun’ichirô à Pyongyang le 17 septembre 2002. Kim Jong-il a reconnu la réalité des enlèvements et a présenté ses excuses. Cinq victimes ont été rendues au Japon.
Toutefois, le nom de Yokota Megumi ne figurait pas parmi les survivants signalés. À cette époque, la Corée du Nord a indiqué que sur les 13 personnes enlevées que le Japon avait identifiées comme telles à l’époque, 8, dont Megumi, étaient décédées et 1 n’avait jamais mis le pied dans le pays. Les 5 ressortissants japonais qui furent rendus au Japon à cette époque étaient les 4 survivants, plus Soga Hitomi, qui ne figurait pas sur la liste des personnes recherchées par le Japon.
La Corée du Nord a fourni des photos de Yokota Megumi après son enlèvement (© Yokota Shigeru/Jiji Press)