
Rejet en mer de l’eau traitée de la centrale de Fukushima : qu’est-ce que le fameux tritium ?
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Le tritium fait peur parce qu’on ne comprend pas ce que c’est
Avant que le rejet en mer de l’eau traitée de la centrale de Fukushima ne débute le 24 août, peu de gens connaissaient sans doute le nom du tritium.
La série télévisée animée Mobile Suit Gundam, qui a commencé à être diffusée quand j’étais au collège, est à l’origine de mon désir de devenir chercheur. Ces « Mobile Suits » [un nouveau type d’arme humanoïde] fonctionnaient grâce à de petits réacteurs à fusion nucléaire très efficients, alimentés par du tritium. Aujourd’hui, l’un de mes thèmes sur lesquels portent mes travaux est la manière la plus sûre sûre de traiter le tritium. Quand j’ai du temps libre, je me rends sur des lieux où se trouvent des sources, j’en prélève des échantillons et je mesure leur densité en tritium.
Parce que ce corps simple occupe mes pensées, tant sur le plan professionnel que privé, j’aimerais à présent transmettre mes connaissances à ce son sujet de la façon la plus compréhensible possible.
Les fantômes nous terrifient parce que nous ne savons pas ce qu’ils sont vraiment. Il en va de même avec le tritium qui nous inspire des craintes excessives, car nous en savons trop peu à son sujet.
Une eau traitée avec un niveau de tritium extrêmement bas
À la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, on se sert de l’eau pour refroidir les débris de combustible fondu, ce qui produit de l’eau polluée, notamment par des matériaux hautement radioactifs. L’eau souterraine et l’eau de pluie qui coulent à l’intérieur des réacteurs s’y mêle, pour un total quotidien d’environ cent tonnes. L’eau polluée est prioritairement débarrassée du césium et du strontium grâce à des dispositifs de filtration, et passe ensuite par le système avancé de traitement des liquides (connu sous son acronyme anglais ALPS), avant d’être stockée dans des réservoirs d’entreposage, débarrassée de la majorité de ses substances radioactives, à l’exception du tritium. C’est cela qu’on appelle l'« eau traitée ».
Le système avancé de traitement des liquides ALPS. Il permet de supprimer 62 substances radioactives différentes, mais pas le tritium. Une fois qu’il a été mis en œuvre, on obtient de l’ « eau traitée ».
Le tritium est un isotope de l’hydrogène. Il lui est semblable sur le plan chimique, mais il possède deux neutrons alors que l’hydrogène ordinaire n’en a pas. En raison de l’instabilité que cela crée, l’un des neutrons émet un électron et se transforme en proton qui à son tour se transforme en hélium. À ce moment, il émet un rayon bêta, un électron à grande vitesse. Mais l’énergie du rayon bêta du tritium étant extrêmement faible, elle peut être bloquée par une feuille de papier. Autrement dit, il ne peut pas pénétrer dans la peau ou les parois des récipients : il n’y a aucune inquiétude à avoir quant à une exposition externe.
Mais s’il y a du tritium dans l’eau à l’intérieur du corps humain, celui-ci sera irradié de l’intérieur. C’est probablement ce qui inspire des craintes à propos des rejets d’eau traitée. Une concentration de tritium élevée poserait bien sûr problème. Cependant, d’après les directives de l’OMS, on peut boire sans risque de l’eau ayant une densité de 10 000 becquerels par litre.
Il est prévu que l’eau traitée de Fukushima Daiichi soit rejetée avec une densité inférieure à 1 500 becquerels/litre, c’est-à-dire moins qu’un sixième du plafond établi par l’OMS pour l’eau potable. Ce qui revient à dire que cette eau pourrait être bue si elle n’était pas salée. Même si une personne ne devait boire pendant un an que cette eau tritiée (en sachant bien entendu que l’eau de mer n’est pas de l’eau potable), elle ne serait pas exposée à la radioactivité de manière significative.
De plus, cette eau traitée est rejetée en mer. L’effet de dilution de l’eau de mer étant très important, il sera très difficile de détecter à plusieurs kilomètres du voisinage du point de rejet une augmentation de la concentration en tritium de la mer ou des poissons due à ce rejet.
Partout dans le monde des centrales nucléaires ne cessent de rejeter du tritium
Étant donné que le tritium est produit par la réaction de fission nucléaire, toutes les centrales nucléaires et installations de retraitement de combustible nucléaire du monde en rejettent, même en fonctionnement normal. Et ce en quantité de loin supérieure à la quantité de tritium qui sera émise par l’eau traitée de Fukushima Daiichi. Malgré cela, la concentration de tritium de l’eau de mer n’augmente pas.
Concentration de tritium (Bq/l) | Dose d’exposition pendant un an d’absorption continue (mSv/an) | |
---|---|---|
Recommandation de l’OMS pour l’eau potable | 10 000 | 0,15 |
Limite de concentration canadienne pour l’eau potable | 7 000 | 0,10 |
Limite de concentration pour l’eau traitée de la centrale de Fukushima | 1 500 (valeur maximum) | 0,022 |
Standard fédéral pour l’eau potable (États-Unis) | 740 | 0,011 |
Concentration dans l’eau de pluie dans les années 1960 | 110 | 0,0016 |
Eau potable européenne | 100 | 0,0015 |
Eau de pluie aujourd’hui | 0,5 | 0,0000074 |
Eau de mer aujourd’hui | 0,1 | 0,0000015 |
Les quantités d’exposition annuelle sont calculées sur la base de 2,25 litres d’eau par jour, conformément aux directives pour la prévention des catastrophes.
D’importantes quantité de tritium ont été rejetées dans l’environnement dans des expériences nucléaires réalisées de 1945 aux années 1980.
Si la densité en tritium de l’eau de mer n’a pas augmenté alors que les centrales nucléaires du monde en ont rejeté dans l’environnement, c’est parce que la quantité de tritium rejetée lors des essais nucléaires était si importante que la quantité de tritium au moment de la diminution des essais nucléaires était supérieure à celle des nouveaux rejets.
Enfin, dans les années 1960, à l’époque où les essais nucléaires étaient fréquents, la densité de tritium dans l’eau de pluie était très élevée, avec un niveau record de 110Bq/l en 1963. Comme l’eau potable au Japon est issue à 90 % de l’eau des rivières et des fleuves, l’eau du robinet à cette époque avait une forte densité en tritium. Je suis né en 1966, ce qui signifie, que j’ai bu beaucoup d’eau riche en tritium dans ma petite enfance.
Quantité de tritium rejeté par les grands complexes nucléaires
Nom | En mille milliards de becquerels |
---|---|
Usine de retraitement de La Hague (France, 2018) | 11 460 |
Usine de retraitement de Sellafield(Angleterre, 2019) | 479 |
Centrale nucléaire de Darlington(Canada, 2018) | 430 |
Centrale nucléaire de Qinshan(Chine, 2019) | 238 |
Centrale nucléaire de Wolsong(Corée du Sud, 2019) | 141 |
Eau traitée de la centrale de Fukushima (maximum en une année) | 22 |
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politique environnement centrale nucléaire Fukushima nucléaire mer pollution