Le futur de la conduite autonome : le Japon donne le feu vert aux véhicules de niveau 4

Technologie

Ôtani Tatsuya [Profil]

En mai dernier, un service de transport autonome a été pour la première fois lancé au Japon. Si beaucoup de constructeurs automobiles investissent dans ces technologies, de nombreux obstacles subsistent toutefois avant de voir ce type de véhicules envahir les routes de l’Archipel.

L’avenir de la conduite autonome

La technologie actuelle de conduite automatisée a atteint le niveau 4 sur certains marchés. À l’exception de quelques rares cas spécifiques, les systèmes disponibles dans le commerce restent au niveau 2. En 2021, Honda a été le premier constructeur automobile à officiellement proposer des fonctionnalités de niveau 3 au Japon, notamment avec son système avancé d’aide à la conduite Sensing Elite. Il permet une conduite du véhicule sans les mains, sur autoroute, sur des voies encombrées. Le constructeur nippon a certes vanté le fait que le système est capable de conduire le véhicule dans les embouteillages, permettant ainsi au conducteur de vaquer à d’autres occupations plus récréatives telles que regarder la télévision ou même des films sur l’écran de la voiture. Toutefois, le système comporte encore un certain nombre de restrictions, notamment une vitesse maximale de 50 km/h et le fonctionnement du système uniquement dans le cas où le véhicule roule à moins de 30 km/h. Honda a équipé une série limitée de 100 exemplaires de son modèle de luxe Legend. Le système est commercialisé au prix de 11 millions de yens (70 000 euros), soit environ 4 millions de yens de plus que le modèle standard, et n’est disponible qu’à la location.

Le modèle Legend était vendu équipé du système Sensing Elite jusqu’en janvier 2022. (© Honda).
Le modèle Legend était vendu équipé du système Sensing Elite jusqu’en janvier 2022. (© Honda).

Le système Drive Pilot du constructeur allemand Mercedes-Benz est un autre système avancé de conduite automatisée, qui fonctionne sous certaines conditions. Depuis mai 2022, les modèles EQS et Classe S du constructeur allemand sont équipés de ces systèmes, respectivement pour un supplément de 7 000 et 5 000 euros, selon le modèle de véhicule. Toutefois, son utilisation reste limitée au réseau autoroutier allemand et s’accompagne d’autres restrictions de déploiement. La vitesse est par exemple limitée à 60 km/h.

Ce modèle de Mercedes-Benz EQS utilise une plateforme de conduite automatisée conçue spécifiquement pour les véhicules électriques. (© Mercedes-Benz)
Ce modèle de Mercedes-Benz EQS utilise une plateforme de conduite automatisée conçue spécifiquement pour les véhicules électriques. (© Mercedes-Benz)

Ayant obtenu l’autorisation du gouvernement allemand, Mercedes-Benz a déclaré que sa technologie de conduite automatique était la première au monde à être « approuvée à l’échelle internationale » pour la conduite de niveau 3, obéissant à la législation stricte R157 relevant des Nations unies, qui définit le cadre juridique des systèmes automatisés de maintien de la tenue du véhicule sur la route. Le système Sensing Elite de Honda présente un certain nombre de fonctionnalités communes avec le système Drive Pilot, mais l’approbation du constructeur automobile par le ministère japonais du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme ne comprenait pas les dispositions prévues par la législation UN-R157.

Les systèmes de niveau 3 ne doivent pas seulement être conformes aux réglementations des Nations unies, ils doivent également recevoir une autorisation nationale et régionale. Cette procédure particulièrement laborieuse, elle, a jusqu’à présent limité le déploiement du système Drive Pilot à l’Allemagne. La situation évolue toutefois peu à peu. À ce jour, le Nevada, aux États-Unis, a également approuvé la technologie, et la Californie devrait le faire prochainement.

Encore de nombreux obstacles

En comparaison, les technologies de niveau 2, telles que le régulateur de vitesse adaptatif (ACC) et le freinage actif, sont devenues des fonctions plutôt courantes sur les véhicules grand public dans le monde entier. S’agissant des fonctions de maintien de la tenue de route, les systèmes de niveau 2 et de niveau 3 présentent de nombreux points communs. Les système de niveau 2 permettent une gamme beaucoup plus large de vitesses et de conditions sur la route, mais restent abordables. Dans ce cas, qu’est-ce qui rend les systèmes de niveau 3 plus avancés que les systèmes de niveau 2 ?

La principale différence est qu’avec le niveau 3, la conduite est laissée au véhicule lui-même, permettant aux conducteurs de ne pas avoir, nécessairement, en permanence les yeux rivés sur la route. Il s’agit d’une différence majeure. Les systèmes doivent ainsi respecter des normes plus élevées de fiabilité et de sécurité pour être approuvés. Le développement d’une telle technologie est bien sûr coûteux, c’est pourquoi le prix des systèmes qui en sont équipés est lui aussi plutôt onéreux. Par ailleurs, la conduite autonome soulève des questions de responsabilité, notamment en cas d’accident, un dossier sur lequel les gouvernements et les experts planchent actuellement.

Le véhicule de mobilité e-Palette de Toyota, qui transportait des passagers à l’intérieur du village des athlètes lors des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo 2020, a dû être abandonné après avoir heurté un piéton malvoyant. Une enquête a révélé que l’accident avait été causé par une erreur humaine. (© Toyota)
Le véhicule de mobilité e-Palette de Toyota, qui transportait des passagers à l’intérieur du village des athlètes lors des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo 2020, a dû être abandonné après avoir heurté un piéton malvoyant. Une enquête a révélé que l’accident avait été causé par une erreur humaine. (© Toyota)

Ce que beaucoup reprochent au système de niveau 3, c’est son prix. De plus, il n’offre que peu d’avantages supplémentaires par rapport au système de niveau 2, à part permettre aux conducteurs de détacher leur attention de la route pendant de courtes périodes. Mais même cette caractéristique est remise en question. J’ai testé une Honda Legend équipée du système Sensing Elite. Je dois dire que j’ai trouvé le système plus contraignant que libérateur. Il a même déclenché une alarme si je ne regardais pas droit devant ou sur l’écran central de la voiture.

Cela montre que, malgré les nombreuses publicités à leur sujet, dans le cas du système de niveau 3, les conducteurs doivent toujours être en mesure de reprendre à tout moment le contrôle du véhicule. C’est pourquoi, rien de surprenant à ce que les consommateurs préfèrent le niveau 2 au niveau 3 en termes de coût et de fonctionnalités. C’est également la raison pour laquelle des systèmes tels que Drive Pilot et Sensing Elite n’ont pas été plus largement diffusés.

Les consommateurs peuvent s’attendre à ce que les coûts des systèmes de niveau 4 soient encore plus élevés que leurs homologues de niveaux 2 et 3, car ils nécessitent des données cartographiques plus précises et plus fiables que celles des systèmes de navigation plus conventionnels. En effet, les systèmes de conduite autonome de niveau 3 et plus étaient jusqu’à présent limités à des zones spécifiques ; en cause, l’obstacle important représenté par l’autorisation délivrée par les autorités régionales et nationales et la difficulté d’obtenir les données cartographiques de haute précision indispensables au fonctionnement du système.

Avec la nécessité pour les entreprises de transport de réduire les coûts de main-d'œuvre et de remédier à la pénurie de conducteurs, les systèmes de conduite autonome de niveaux 4 et 5, tels que les robotaxis et les services de navette, ont à n’en pas douter un avenir prometteur. Toutefois, cette technologie reste onéreuse, loin d’être à la portée du consommateur moyen. Selon moi, pas au moins avant une décennie.

(Photo de titre : le service de transport Zen Drive Pilot de niveau 4 déployé dans la ville d’Eiheiji, dans la préfecture de Fukui, en mai 2023. Les véhicules autonomes peuvent accueillir jusqu’à sept passagers et parcourent un trajet de 2 kilomètres le long d’une voie publique, à une vitesse maximale de 12 km/h. Jiji)

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Ôtani TatsuyaArticles de l'auteur

Journaliste indépendant. À l’issue de ses études universitaires, il a travaillé comme ingénieur-chercheur chez un fabricant de produits électroniques jusqu’en 1990, année où il a intégré l’équipe de rédaction de Car Graphic, une revue consacrée à l’automobile, dont il est par la suite devenu rédacteur en chef adjoint. En 2010, il a quitté Car Graphic pour entamer une carrière de journaliste indépendant, et depuis lors, il écrit sur toutes sortes de sujets, depuis les véhicules de luxe jusqu’aux voitures ultra-légères keisha, tout en publiant d’innombrables reportages sur le sport automobile et les plus récentes avancées de la technologie. Outre qu’il figure parmi les juges de Car of the Year Japan (voiture de l’année Japon) 2021-2022, Ôtani Tatsuya est membre de l’Association japonaise des journalistes automobiles et de la Société des journalistes automobiles du Japon.

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