L’impopulaire Premier ministre Suga jette l’éponge : comment a-t-il causé sa propre perte ?

Politique

Le Premier ministre Suga Yoshihide a annoncé le 3 septembre qu’il ne se représenterait pas à la présidence du Parti libéral-démocrate (PLD). Certes, il était devenu globalement impopulaire auprès de la population, mais on peut néanmoins s’étonner qu’il baisse les bras si facilement, après avoir un temps tenté de s’accrocher. Un journaliste politique explique.

Déroute politique

Le Premier ministre Suga Yoshihide s’était pourtant donné du mal au-delà du raisonnable en vue de se faire réélire le 29 septembre à la présidence du PLD (parti libéral-démocrate, au pouvoir).

C’est son rival Kishida Fumio, ancien responsable politique du parti, qui a frappé le premier. Celui-ci a annoncé sa candidature dès le 26 août, dès que la date de l’élection à la présidence avait été fixée. Kishida, qui ne passait pourtant pas pour un foudre de guerre jusqu’à présent, surprit lors de sa conférence de presse : il a dénoncé sans ambiguïté la méfiance généralisée envers la politique de l’administration Suga, affirmant que la voix du peuple n’était pas entendue, ce qui mettait en danger la démocratie japonaise.

Le programme de réforme interne proposé par Kishida a fait sensation : il s’agirait de limiter la durée du mandat des cadres du parti à 1 an, avec 3 mandats consécutifs maximum, l’objectif étant d’empêcher la concentration du pouvoir. Nikai Toshihiro, secrétaire général depuis déjà plus de cinq années consécutives, la plus longue durée de l’histoire du parti, était clairement visé ici.

La réaction de M. Suga ne s’est pas faite attendre. Dès le 30 août, celui-ci rencontrait M. Nikai à la résidence officielle du Premier ministre pour lui signifier qu’il comptait renouveler le bureau du parti et remanier le cabinet sans attendre les élections. L’idée étant que remplacer Nikai avant les « réformes » de Kishida lui donnerait un avantage dans l’élection présidentielle. Une stratégie qui fait jouer l’antagonisme des « 3A », les grosses pointures que sont Abe Shinzô (l’ancien Premier ministre), Aso Tarô, vice-Premier ministre et ministre des Finances et Amari Akira, responsable de la politique fiscale au sein de PLD, avec Nikai.

Mais un remaniement aussi rapproché des élections aurait été par trop inhabituel. L’autre option de M. Suga serait alors de dissoudre la Chambre des Représentants immédiatement après la date butoir pour la fin de l’état d’urgence, le 12 septembre, et d’organiser des élections générales le 17 octobre. Cela aurait reporté automatiquement l’élection pour la présidence du PLD. Les questions internes seraient alors passé au second plan. Son calcul ici était qu’en admettant que le PLD remporte les élections, même avec une perte de quelques sièges, mais avec un renouvellement de personnel et de nouvelles têtes populaires auprès de la population, M. Suga pouvait lui-même se faire réélire à la tête du parti et ainsi rester Premier ministre.

Une défaite douloureuse dans son fief de Yokohama

Mais dès le 1er septembre, quand les journaux ont rapporté ces projets, le monde politique s’est alarmé de ce « tabou » envisagé par Suga. Le caractère de pures manœuvres destinées à se maintenir était évident. Même M. Abe s’y est opposé et Suga s’est retrouvé sans plus aucun atout dans son jeu.

Pour comprendre cette manœuvre désespérée du Premier ministre, il faut revenir à la lourde défaite de Okonogi Hachirô que soutenait Suga aux élections municipales de Yokohama le 22 août. Okonogi Hachirô, fils de l’ancien ministre de l’Industrie et des Transports Okonogi Hikosaburô, avait même démissionné de ses postes de président de la Commission nationale de la sécurité publique et de membre de la Diète pour se présenter à la mairie de Yokohama. Or, malgré le soutien de M. Suga, Okonogi a perdu les élections par plus de 180 000 voix, au profit d’un candidat d’opposition inconnu qui a fait campagne sur l’insuffisance des mesures contre le coronavirus.

Il devenait dès lors de plus en plus évident que le niveau d’impopularité de Suga allait l’empêcher de mener une campagne nationale en tant que chef du PLD. Le 2 septembre, la fédération de la préfecture de Kanagawa du PLD (préfecture dont Yokohama est la capitale) a annoncé, dans un communiqué très inhabituel, qu’elle ne soutiendrait pas Suga s’il briguait un nouveau mandat à la tête du parti.

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