Le Japon est-il prêt à affronter la menace croissante des cyberattaques?

Technologie International

Nawa Toshio [Profil]

En juin 2021, un think tank britannique a placé le Japon dans le dernier tiers de son classement des pays en termes de cyberdéfense. Que pourrait donc faire le Japon pour remédier à ses grosses failles ? Le plus grand expert japonais de cybersécurité enquête sur le fond du problème.

L’évolution inexorable des cybermenaces

Au vu de ce que cette étude de l’IISS semble prédire pour l’avenir, mon interprétation est la suivante : les problèmes conjoncturels et structurels rencontrés par chaque nation sont forcément et causalement liés aux problèmes de diplomatie et de défense auxquels chacun fait face quand il intéragit avec ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs. Cela veut dire, en quelque sorte, qu’il est garanti que les pays verront leurs intérêts de plus en plus confrontés aux cybermenaces...

Compte tenu de cette situation, les grandes nations ont, pour la plupart, pris des initiatives pour répondre à l’évolution de ces dangers comme, par exemple, l’établissement d’une agence nationale de cybersécurité possédant un mandat juridique et les capacités de mettre en place une défense nationale face aux cybermenaces.

Pour que le Japon se bouge réellement...

Avec les problèmes de société auxquels le Japon est confronté en ce moment, il lui est difficile de mettre en place une agence nationale de cybersécurité puissante et compétente. En conséquence, certains ministères développent leurs propres mesures de cybersécurité. Le National Center of Incident Readiness and Strategy for Cybersecurity (NISC) du cabinet a pour fonction de coordonner une partie de cette initiative, mais on ne voit pas vraiment d’efforts unifiés conséquents.

Au début des années 2010, chaque ministère et agence gouvernementale avait commencé à mettre en place ses propres mesures face à l’évolution de la situation et des recommandations extérieures. Toutefois, la confusion a été telle que la NISC a essayé de coordonner toutes ces politiques en 2017, mais en vain : l’année suivante, un rapport du NISC sur la cyberstratégie montrait qu’aucune mesure concrète n’avait été décidée et que le gouvernement « réfléchirait à plus de coordination ». Pour moi, cela traduit tout simplement le fait que les mesures indépendantes adoptées par chaque ministère étaient restées bloquées au sein de leurs services respectifs, et que le gouvernement n’a pas examiné la question de façon rigoureuse. Il semble difficile dans ce pays de faire bouger des structures organisationnelles solidement ancrées...

Je crois fermement que la formation d’un personnel capable d’améliorer les capacités du Japon au niveau de la diplomatie, de la sécurité, et des questions militaires devient de plus en urgent face à la montée de cybermenaces contraires aux intérêts du pays. En parallèle, il faudrait de même établir une entité centrale d’exécution qui définirait clairement les responsabilités et les rôles de chacun, et qui répondrait à la question de « Qui est le chef ? ».

La Force de réserve de la police a été établie en 1950, et ses responsabilités n’ont fait que de croitre par la suite. Son évolution s’est poursuivie dans la création du ministère de la Défense et des Forces d’auto-défense (FAD) : ce sont les ultimes armes de recours quand les agences gouvernementales ou les organisations privées sont incapables de protéger les vies et assurer le bien-être des citoyens. Le ministère de la Défense et les FAD ont dû procéder à des efforts considérables pour obtenir le budget leur permettant de s’acquitter de leurs responsabilités et de leur rôle.

Je suis convaincu que le seul moyen de surmonter les « vulnérabilités considérables » du Japon en terme de cyberpuissance serait de créer une agence nationale de cybersécurité qui pourrait défendre les intérêts du pays l’espace informatique, comme le font d’autres pays.

(Photo de titre : Pixta)

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Nawa ToshioArticles de l'auteur

Directeur et chercheur principal au Cyber Defense Institute. Grâce à son expertise et son expérience qui ont fait de lui le plus grand spécialiste de la gestion des incidents au Japon, il soutient la création d’équipes qui interviennent lors des incidents de sécurité informatique. En ce moment, il développe son activité en matière de cyber-intelligence et défense active.

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