« Nous vivrons avec la mer » [1] : comment Kesennuma se protège du tsunami

Catastrophe

Imakawa Satoru [Profil]

Kesennuma, au nord-est du Japon, est l’une des nombreuses communes côtières à avoir été touchée de plein fouet par le gigantesque tsunami il y a tout juste dix ans. La population s’est alors déchirée sur une question cruciale : faut-il oui ou non construire des digues un peu partout pour se protéger du prochain désastre, et devoir en contrepartie détruire la nature et s’éloigner de la mer ? Aujourd’hui enfin, les solutions ont été trouvées.

Construire des digues contre les tsunamis : une question complexe

Kesennuma est une ville d’environ 60 000 âmes située sur la côte nord-est du Japon (le Tôhoku), dans la préfecture de Miyagi. Depuis le gigantesque tsunami qui s’est produit il y a tout juste dix ans, le relèvement des habitants s’est basé sur un point essentiel, à savoir la question de la construction de digues pour contrer le prochain désastre. En décembre 2017, la ville avait prévu d’ériger un brise-lames de 9,8 mètres au-dessus du niveau de la mer sur le petit port de pêche du quartier de Kusakizawa. Mais le projet a finalement été annulé suite à une seconde enquête de nécessité. Juste à côté, cependant, la commune limitrophe de Minami-Sanriku a choisit de bâtir une digue. On a beaucoup parlé de cette situation où deux villes voisines ont adopté des solutions opposées alors qu’elles avaient vécu la même expérience dramatique.

De toutes les villes sinistrées, Kesennuma comptait le plus grand nombre de projets de digues, et le plus gros budget alloué à ce type de protection. C’est aussi le lieu où la controverse sur la pertinence des digues comme protection des tsunamis a été la plus intense. Il ne faut pas s’en étonner. L’attachement des habitants à la mer est extrêmement puissant. Et même si tout le monde espère que la vie pourra repartir le plus rapidement possible, cette passion a fait qu’il a fallu sept ans pour que tous les projets de digues sur le territoire communal soient validés.

Un port de pêche dans le district de Kusakizawa, où le projet de digue de 1,28 milliard de yens a été annulé. La ligne JR Kesennuma en arrière-plan a été transformée en une route réservée aux bus.
Le port de pêche du quartier de Kusakizawa, de la ville de Kesennuma, où le projet de digue de 1,28 milliard de yens (9,9 millions d’euros) a été annulé. La ligne JR Kesennuma en arrière-plan a été transformée en une route réservée aux bus.

Juste à côté du quartier de Kusakizaki, la ville voisine de Minami-Sanriku, elle, a choisi de construire une digue, comme il était prévu. Le coût a été de 450 millions de yens (3,4 millions d’euros).
Juste à côté du quartier de Kusakizawa, la ville voisine de Minami-Sanriku, elle, a choisi de construire une digue, comme il était prévu. Le coût a été de 450 millions de yens (3,4 millions d’euros).

Le plan de réhabilitation de Kesennuma s’appuyait en premier lieu sur le concept de « Zéro mort », impliquant que le tsunami — qui avait alors emporté environ 1 200 personnes — ne ferait aucune victime même s’il frappait la nuit pendant que la ville dormait. Toutefois, les normes gouvernementales ont interdit les digues d’une hauteur supérieure à 15 mètres, ce qui ne pourrait pas contenir un tsunami de l’ampleur de celui de mars 2011, qui a dépassé 25 mètres par endroits, et pourrait se reproduire dans des intervalles de temps allant de quelques décennies à plusieurs siècles. La solution passait donc nécessairement par l’établissement des zones inondables comme des zones à risque et de limiter le développement des habitations sur ces terrains. Afin de réduire autant que possible de telles zones à risque, des travaux de terrassement ont été planifiés pour surélever les espaces urbains et y construire des complexes de logements.

En d’autres termes, tant qu’un projet de digue ne serait pas établi, il était impossible de déterminer la zone à risque et choisir les populations à déplacer pour des logements sur des terrains surélevés. Des réunions d’explication et de présentation de ce plan et la nécessité de ces nouvelles protections ont été organisées en urgence dès l’été qui a suivi le tsunami.

Le pla, qui a été présenté aux citoyens à cette étape était incroyable. Si, avant le tremblement de terre, les brise-lames mesuraient essentiellement entre 2 et 4 mètres de haut, et certaines plages en étaient entièrement dépourvues, il s’agissait maintenant de construire des digues de 14,7 mètres de haut. Pourtant, protègeraient-elles des tsunamis à venir ? Pas du tout, 75 % des zones qui ont été inondées par le tsunami de mars 2011 demeureraient malgré tout en zone à risque... Des habitants qui avaient vécu la catastrophe souhaitaient même que les digues soient encore plus hautes. D’autres, en revanche, se sont opposés à un tel projet : « Ce serait comme vivre en prison, au milieu de murs en béton », « nous ne verrons même plus la mer », « il n’y a aucune nécessité de combler les plages et les rivages ».

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Imakawa SatoruArticles de l'auteur

Né en 1975 à Kesennuma. Il a effectué sa carrière au journal local Sanriku Shimpo comme reporter pendant 15 ans jusqu’en mars 2014. Après la catastrophe de Fukushima, il s’est porté candidat et a été élu au conseil municipal afin de contribuer à la reconstruction.

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