
Qui est-il et que veut-il ? Les défis du nouveau Premier ministre Suga Yoshihide
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On peut d’ores et déjà voir les grandes lignes de ce que le gouvernement Suga va accomplir, et même quand il s’effondrera pour une raison ou pour une autre.
Tout d’abord, il procèdera à la dissolution de la Chambre basse du parlement avant que l’écho du gouvernement précédent n’ait totalement disparu, et appellera à de nouvelles élections générales (celles-ci devraient se tenir autour du 25 octobre). Le défi le plus important du nouveau Premier ministre sera de ne surtout pas laisser Abe Shinzô, Asô Tarô (qui reste vice-Premier ministre et ministre des Finances) et Nikai Toshihiro (Secrétaire général du parti Libéral-Démocrate, le parti au pouvoir), c’est-à-dire les trois grandes figures qui ont fait la carrière de M. Suga, faire la pluie et le beau temps au Parlement...
Un Premier ministre qui n’oublie pas son origine provinciale
De ce point de vue, tout dépendra de la manière dont Suga Yoshihide s’y prendra pour contenir sans les brusquer ses trois mentors, Abe, Asô et Nikai, qui ne manqueront certes pas de lui rappeler « N’oublie pas qui t’a fait Premier ministre ! »
C’est la seule voie viable qui s’offre à lui, et d’ailleurs, il devrait s’en sortir haut la main. Il est probable que ce dernier jure ses grands dieux de ne vouloir rien d’autre que « poursuivre la politique Abe », mais il est non moins clair que son véritable objectif est de mettre sur pied une « politique Suga » suffisamment forte pour ne rien devoir à celle de son prédécesseur.
Ce que Suga souhaite sincèrement, c’est « rendre les régions plus fortes ». Il ne fait aucun doute qu’il a encore en tête cette promesse qu’il s’est faite en débarquant à la gare d’Ueno avec un simple sac de voyage, son diplôme de fin d’études secondaires en poche. Natif de la préfecture d’Akita, au nord-est du Japon (une région appelée le Tôhoku), il a à l’évidence toujours au fond de sa tête le succès musical de l’époque Ah, Ueno-eki (« Ah, la gare d’Ueno »). C’est un trait qu’il partage avec tous les jeunes montés de leur Tôhoku natal et débarquant sur le quai 17 du terminus, à Tokyo pour la première fois autour de 1965, vingt ans après la fin de la guerre.
Une pratique des réseaux qu’il tient de son mentor
La règle d’or de l’attitude politique de Suga Yoshihide est « Être cohérent ». Même dans le gouvernement Abe, il s’est à plusieurs reprises heurté au vice-Premier ministre Asô et au Secrétaire général du PLD Nikai. La confrontation avec Asô au sujet de la dissolution du parlement a été sévère. Suga sait dire clairement ce qu’il a à dire, aussi bien face au Premier ministre que devant les fonctionnaires du Bureau du Cabinet. Et puis, il est attentif aux autres. Une attitude qu’il tient de Kajiyama Seiroku (1926-2000), ancien Secrétaire général du Cabinet, qu’il considère comme son maître en politique.
En juin 2000, quand Kajiyama est décédé, un homme pleurait à ses obsèques à Ibaraki. Cet homme, c’est Okamoto Yukio, ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, décédé lui-même tout récemment du coronavirus. Suga et Okamoto ont entretenu une amitié virile d’une grande force, qui dépassait les clivages entre le politicien et le haut fonctionnaire. Suga est riche de nombreuses relations de cette qualité. Il n’est pas impossible que ces individualités fassent une apparition en pleine lumière pendant le mandat du gouvernement Suga.
Les connexions de Suga sont également très fortes à travers des réseaux locaux spécifiques, ceux du parti politique « Osaka ishin no Kai », ou à Okinawa. Quand il était Secrétaire général du Cabinet, Suga faisait du réseautage trois fois par jour, matin, midi et soir, avec des personnalités de tous les domaines de la société, pour collecter des informations. Il y a de la grandeur dans la seule possession d’un tel réseau.