Les virus, ennemis mortels de l’humanité
Pourquoi la Chine n’a pas réussi à arrêter l’épidémie de coronavirus à son stade initial
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Épidémie de SRAS : la leçon qui n’a pas été retenue
De 2002 à 2003, la Chine a été touchée par l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Au même moment, le pays passait par une profonde période de transition politique, avec la succession de Hu Jintao à Jiang Zemin au poste de président de la république. Et tout comme cela a été le cas avec le nouveau coronavirus en 2019, des informations ont été dissimulées au stade initial de l’épidémie : alors que le SRAS se propageait rapidement dans la province du Guangdong, le véritable état de l’épidémie n’avait pas été communiqué correctement à Pékin. Par la suite, la situation s’est aggravée et la maladie infectieuse a fini par atteindre la capitale chinoise.
En mars 2003, Zhu Rongji vient juste de terminer son mandat de Premier ministre (à qui succède Wen Jiabao), mais ayant encore autorité sur la nomination des membres du gouvernement, il décide d’entreprendre un vaste plan de remaniement aux plus hauts échelons de l’État. Il décide de communiquer des informations sur la situation de l’épidémie et s’active pour trouver rapidement des solutions. Il limoge le ministre de la Santé, qui est remplacé par la vice-première ministre Wu Yi (considérée à l’époque comme l’une des plus puissantes femmes du monde), qui occupe simultanément les deux postes. Le maire de Pékin est également démis de ses fonctions ; c’est le secrétaire du Parti à Hainan, Wang Qishan, qui est choisi pour gouverner la capitale. En parallèle, les efforts du nouveau Premier ministre Wen Jiabao pour renforcer les mesures contre l’épidémie permettent finalement d’enrayer la propagation du SRAS.
La Chine, qui vient juste de surmonter cette grave crise sanitaire, renforce ses mesures de prévention contre les épidémies en prenant comme modèle les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC, Centers for Disease Control). Une institution similaire est créée, des succursales sont établies au niveau local et les capacités des laboratoires médicaux du pays sont accrus. En 2019, le dirigeant de cette version chinoise du CDC déclarait, confiant : « une situation comme celle du SRAS ne se produira plus en Chine ».
Un agenda politique plus important que la prévention de l’épidémie
L’épidémie de SRAS de 2003 a pris une ampleur très importante car la Chine n’y était pas préparée et passait pas une période délicate de transition de politique. Mais malgré cette expérience et le système de prévention qui a été créé en conséquence, le pays fait aujourd’hui de nouveau face à une crise similaire. Cette situation met en lumière les limites de l’organisation politique chinoise.
Le système politique de la Chine se fonde sur la diffusion rapide des ordres venant du haut de la hiérarchie vers le bas. Même aujourd’hui, le gouvernement de Xi Jinping s’efforce de renforcer ce système. Mais le problème avec ce type d’organisation est que si un incident grave se produit au niveau local, les autorités en bas de la hiérarchie n’ont pas les moyens d’y faire face de manière autonome. Les acteurs politiques, qu’ils soient au milieu ou en bas de l’échelle, ne peuvent pas agir sans ordre venant des échelons supérieurs. En d’autres termes, l’épidémie du SRAS, tout comme celle du nouveau coronavirus, ont révélé la grande faiblesse de l’organisation politique chinoise, à savoir la difficulté de faire remonter les informations du bas vers le haut.
Un autre problème est que la politique prime sur tout autre domaine en Chine. Elle est tellement prépondérante que la littérature chinoise ne traite en grande partie que de sujets politiques. Pour les autorités de la ville de Wuhan, épicentre de l’épidémie de coronavirus, ainsi que la province du Hubei, le sujet le plus important dans leur agenda politique était l’organisation de l’Assemblée nationale populaire prévue pour début mars 2020. Les provinces devant tenir en amont une assemblée similaire au niveau local, les autorités de Wuhan et de Hubei l’ont organisé en janvier, alors même que le nombre de personnes infectées explosait.
Comme l’évènement serait annulé si l’épidémie était jugée grave, les autorités de Wuhan et du Hubei n’ont eu d’autre choix que de qualifier la situation de « pas préoccupante ». C’est ainsi que le coronavirus a pu continuer de se propager en Chine. Par ailleurs, les vacances du Nouvel An chinois commençant à la fin janvier, près de la moitié de la population de Wuhan, soit environ 5 millions de personnes (chiffre confirmé par le maire de la ville), a quitté la municipalité et s’est déplacée à travers toute la Chine et à l’étranger. Quelque temps plus tard, l’Organisation mondiale de la santé élevait l’épidémie au rang de pandémie.
Le système de surveillance en Chine, un atout pour contenir l’épidémie
Mais alors que la situation s’aggravait au niveau mondial, le gouvernement chinois avait entrepris la conception d’un système pour endiguer la propagation de la maladie. Comme expliqué plus tôt, la Chine excelle lorsqu’il s’agit de lancer des ordres du haut de la hiérarchie politique vers le bas. Au sein du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping a établi une vaste politique contre le nouveau coronavirus et a ensuite formé une équipe de travail dirigée par le Premier ministre Li Keqiang. Les membres de l’équipe ont été envoyés dans toutes les provinces de Chine, mettant en place un mécanisme de surveillance des provinces par le gouvernement central.
Ces mesures ont permis à la Chine d’agir avec efficacité pour ralentir très vite la diffusion du virus. Il faut également souligner le fait que le système de surveillance en masse du pays a grandement contribué à améliorer la situation. La Chine utilise un système de reconnaissance faciale qui permet de pour savoir qui fait quoi, où et quand. Il est donc très facile de savoir si une personne ne se plie pas aux directives du gouvernement central. Ce système peut également déterminer si quelqu’un a été en contact d’une personne infectée, permettant de recréer facilement l’itinéraire de transmission du virus. Ce qui est ironique, c’est que le système de surveillance de masse, souvent décrié, a joué un rôle important dans la gestion de cette crise.
Ralentir la diffusion du coronavirus est une question de vie ou de mort ; c’est pourquoi les citoyens chinois coopèrent avec les autorités. La décision du PCC de confiner non seulement la ville de Wuhan et ses 11 millions d’habitants, mais aussi les 60 millions de personnes vivant dans la province du Hubei, n’aurait pas été possible sans la coopération des citoyens.
L’efficacité du voisin taïwanais face à l’épidémie
Le PCC a présenté ses excuses au peuple chinois pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires au stade initial de l’épidémie. Peut-être que la Chine devrait se tourner vers Taïwan pour tirer des leçons en matière de prévention car c’est un pays qui a réussi à répondre efficacement à la situation dès les premiers signes. Cette réactivité est à attribuer au vice-président de Taïwan, Chen Chien-jen, un spécialiste de la santé publique et en particulier de l’épidémiologie. Il a notamment occupé le poste de ministre de la Santé lors de l’épidémie du SRAS.
Le pays avait fait face à une flambée des cas de contamination au SRAS dans les milieux hospitaliers, causant au total plus de 70 décès. Cette expérience douloureuse a incité le pays à revoir en profondeur sa législation sur les mesures de prévention contre les maladies infectieuses. Dans le cas du nouveau coronavirus, Taïwan a établi des restrictions d’entrée des citoyens chinois sur son territoire dès la fin janvier et a totalement interdit leur entrée au début du mois de février. Ces décisions prises très tôt par les autorités taïwanaises ont été largement saluées à travers le monde.
(Interview effectuée par le journaliste Saitô Katsuhisa, de Nippon.com, le 12 mars 2020. Photo de titre : le président chinois Xi Jinping visitant un hôpital de Wuhan dans la province de Hubei, épicentre du nouveau coronavirus, le 10 mars 2020. Photo : Xinhua/Aflo)