Noda Seiko : œuvrer pour l’égalité des genres et devenir la première femme Premier ministre au Japon

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Noda Seiko a investi beaucoup d'énergie dans la lutte contre la baisse de la natalité, et a déclaré que son objectif était de devenir la première femme à occuper la fonction de Premier ministre. S’efforçant de faire progresser la participation des femmes dans la politique, elle partage avec nous ses vues sur la manière dont les femmes évoluent dans la société à dominante masculine qu’est le Japon.

Noda Seiko NODA Seiko

Députée, elle appartient au Parti libéral démocrate (PLD, parti au pouvoir). Née en 1960, elle commence à travailler en 1983 à l’Hotel Impérial après avoir étudié la culture comparée à l’université Sophia. Son élection en 1987 à l’assemblée départementale de Gifu fait d’elle la plus jeune élue. Élue à la Chambre basse pour la première fois en 1993, elle a toujours été réélue depuis et a occupé des fonctions ministérielles à plusieurs reprises depuis 1998, quand elle est nommée ministre des Postes et télécommunications. De 2017 à 2018, elle est ministre des Affaires intérieures et des communications, chargée de l'égalité hommes-femmes. Elle devient ensuite présidente de la commission budgétaire de la Chambre basse. Aujourd’hui, elle préside le centre pour la mise en œuvre de la réforme du système politique et des partis du PLD.

Les effets de la loi sur la parité homme-femme ?

Depuis sa première élection à la Chambre basse à l'âge de 32 ans, Noda Seiko a suivi un parcours de politicienne d'élite, en devenant notamment la personne la plus jeune à occuper un poste ministériel (celui de ministre des Postes et télécommunications). Sur le plan privé, les choses ont été plus compliquées pour elle. Devenue mère à 50 ans, à l’issue de longs traitements contre l’infertilité, son fils est en situation de handicap. Cela fait qu’elle partage les difficultés qu’ont les Japonaises à mener de front vie professionnelle et vie privée. Elle a investi beaucoup d'énergie dans la promotion de la participation des femmes à la vie politique et elle s’est portée candidate au poste de président du Parti libéral-démocrate (PLD, parti au pouvoir) dans le but de rendre les femmes plus visibles.

Dans le Rapport 2020 sur la parité entre les hommes et les femmes dans le monde publié par le Forum économique mondial en décembre 2019, le Japon se classe au 121e rang, le niveau plus bas qu’il ait jamais eu, et conserve sa place de dernier au sein des pays du G7. Le retard du Japon en matière de participation des femmes à la vie politique attire particulièrement l’attention, puisque le Japon occupe le 144e rang. Alors qu’en moyenne dans le monde 25,2 % des députés sont des femmes, au Japon, ce pourcentage n’est que de 10,1 %.

En 2019 ont eu lieu les premières élections après l’adoption de la loi de promotion de parité hommes-femmes dans la politique, qui exige que les partis soutiennent à parité des candidats hommes et femmes. Peut-être parce que cette loi ne prévoit pas de pénalités en cas de non-respect, elle ne s’est pas traduite par une progression importante du nombre de candidates ou d'élues. Le pourcentage de femmes au sein des candidats à la Chambre haute a été de 28 %, et il était particulièrement bas au PLD, avec 15 %. Noda Seiko, une des personnalités politiques qui a oeuvré pour l’adoption de cette loi, nous a fait part de ses réflexions à ce sujet.

« La politique japonaise de l’après-guerre a longtemps été dominée par le PLD, que ce soit un mal ou un bien. Et donc, pour changer radicalement la politique japonaise, il faut transformer le PLD de l’intérieur. Ces élections organisées dans le cadre de la nouvelle loi n’ont à cet égard produit aucun résultat. La raison en est que beaucoup des élus des partis au pouvoir sont des hommes, et qu’il n’y avait pas de place pour de nouvelles candidates. »

« Si cette loi a eu un impact, il s’est vu au niveau des médias qui ont traité plus amplement que jusqu'à présent le soutien apporté aux candidates. Le bureau de la parité hommes-femmes du secrétariat du gouvernement était jusqu'à présent le principal organe pour la participation des femmes à la politique, mais avant les élections le ministère des Affaires intérieures s’est aussi occupé de la communication sur la loi de promotion. Cela donne le sentiment qu'à cet égard, cette préoccupation commence à être considérée comme une politique nationale. La participation du ministère des Affaires intérieures à l’amélioration du niveau de connaissances des électeurs à ce sujet signifie que le gouvernement a rempli son obligation d’enseigner à la nation l’existence d’une loi destinée à promouvoir la participation des femmes à la politique, et cela fera date. »

Jusqu'à 40 ans, Noda Seiko se conduisait en « homme »

Pour Noda Seiko, la politique japonaise ne va pas immédiatement cesser d'être centrée sur les hommes. Son approche réaliste résulte de ce qu’elle a vécu pendant presque 30 ans en tant que femme politique appartenant à une « minorité » au sein du PLD.

« À l’époque où je suis entrée en politique, ce domaine était une affaire d’hommes. On dit souvent que mon grand-père, qui était politicien (Noda Uichi, qui fut ministre de la Construction), m’a choisie comme son successeur, mais il était fermement opposé à ce que je me lance dans cette carrière. Parce qu’il comprenait ce que sa petite-fille qu’il aimait beaucoup risquait si elle se lançait dans ce monde masculin... »

Ses soutiens et les personnes affiliées au PLD lui ont dit que si elle voulait faire carrière dans la politique, il fallait d’abord « cesser d’être une femme ».

« Je leur ai obéi, et j’ai renoncé à l’élégance voyante pour porter des tailleurs discrets. »

Combattant seule au milieu des hommes, elle est devenue ministre des Télécommunications à l'âge de 37 ans. À partir de ce moment, dit-elle, son entourage qui lui avait jusque là préconisé de « cesser d’être une femme » a changé radicalement de discours pour lui recommander de veiller à ne pas être rejetée par les femmes.

« On me disait que si les électrices avaient de moi l’image d’une femme adulée par les hommes, qui ignorait les difficultés de la maternité, une femme célibataire qui pouvait agir à sa guise, je perdrais les élections. Alors que depuis que j’avais 25 ans, on m’avait intimé de devenir un homme, de ne pas me marier, de ne pas avoir d’enfants… Sitôt que je suis devenue une épouse avec mon premier mari à 40 ans, j’ai ressenti que j’étais une femme. Je crois qu’avant ça, j’étais un politicien déguisé en femme », conclut-elle en riant.

Bien qu’elle ait atteint un âge où avoir un enfant devenait difficile, elle avait toujours aimé les enfants et a décidé d’en avoir, en s’infligeant à elle-même une forte pression.

« Pour moi, devenir mère est devenu la priorité absolue, et j’ai entamé les traitements contre l’infertilité. J’avais un fibrome, et j’ai alors pour la première fois à 40 ans été confrontée avec les problèmes du corps féminin, mais je me suis fait beaucoup de " camarades de lutte " dans ce combat contre la stérilité. J’ai entendu parler de choses qui n’étaient jamais mentionnées à Nagata-chō [le quartier du Parlement], de femmes qui avaient fait plusieurs fausses couches, et d’autres qui n’avaient pas pu avoir d’enfants à cause de leur travail, et j’ai pris conscience pour la première fois de ce que signifiait être femme dans la société japonaise. »

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