La pauvreté infantile au Japon [2] : la faute aux bas salaires des femmes

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La pauvreté des enfants pourrait se définir comme le problème économique des familles monoparentales. Alors qu'aujourd'hui le divorce n'est plus rare, le système salarial très spécifique du Japon explique pourquoi c'est le pays avancé où le taux de pauvreté des familles monoparentales est le plus élevé.

À travail égal, salaire égal

Par comparaison le taux de pauvreté des familles monoparentales en Europe est relativement bas, ce qu'Abe Aya, professeure à l'Université métropolitaine de Tokyo, attribue au fait que beaucoup de pays payent le même salaire pour le même travail. Étant donné qu'à la différence du Japon, les salaires en Europe sont basés sur une évaluation des emplois, et que selon elle, il n'y a pas d'écart de salaire horaire, les différences entre les rémunérations sont généralement dues à la durée du temps de travail. Selon une enquête de l'Institut japonais pour la politique du travail et de la formation, si le salaire d'un employé en CDI est 100 (sur la base de 2014, année où l'on dispose de chiffres comparables), il varie en Europe pour les travailleurs précaires, de 66,4 (Italie) à 86,6 (France), des niveaux de loin supérieurs à celui du Japon où il n'est que de 56,6.

Le 1er avril 2020, la loi « à travail égal, salaire égal » entrera en vigueur au Japon. Comme le dit Mme Abe, les chercheurs étrangers ont beaucoup de mal à comprendre la différence qui existe au Japon entre le statut « régulier » et « non-régulier » pour des travailleurs exécutant les mêmes tâches, et les écarts de salaire qu'elle engendre. La nouvelle loi vise à faire disparaître cet « écart de traitement irrationnel ». (Voir notre article : Pour une application du principe « à travail égal, salaire égal » au Japon)

Mais il ne sera probablement pas facile de le réduire, car selon l'Institut de recherche NLI, déterminer ce qui est rationnel ou non « sera effectué graduellement, en créant des règles entre les partenaires sociaux, et en accumulant les précédents de jugements rendus dans des affaires du droit du travail ». Mme Abe réserve son jugement sur cette nouvelle loi : « C'est un pas dans la bonne direction, elle est adaptée aux besoins de l'époque, mais on ne peut pas encore savoir si elle empêchera de fait la polarisation du marché du travail. »

Une société stratifiée

Le manque d’aides publiques est une des principales raisons du taux de pauvreté des familles monoparentales au Japon. S'il y a parmi les mères qui élèvent seules leurs enfants des femmes qui désirent accéder au statut d' « employés réguliers », beaucoup d'entre elles n'ont d'autre choix que de continuer à avoir un statut précaire, avec un temps de travail plus court, parce qu'elles doivent s'occuper de leurs enfants. Il est difficile de prévoir que l'application de la nouvelle loi conduira à une hausse des salaires des employés précaires par secteur, et Mme Abe estime qu'il est indispensable d'élargir les différentes allocations, notamment celles versées aux parents isolés, et de rendre leur accès plus facile afin de compenser leurs faibles salaires.

Mme Abe a étudié l'impact sur les enfants de l'environnement économique des familles. Pour elle, on peut dire que tout, qu'il s'agisse de l’absentéisme, des faibles résultats scolaires, du harcèlement, du manque de confiance en soi, d’un poids corporel bas ou de problèmes dentaires, est lié aux conditions matérielles des familles.

Le Japon d'aujourd'hui vit une époque où l'argent compte plus qu'avant. Cela a des conséquences sur les enfants, en les conduisant à des écarts de formation : il faut de l'argent pour aller dans les cours de préparation aux bonnes universités. « C'est exactement pour cela que l'impact de la pauvreté grandit. Pour moi, le Japon est une société de plus en plus stratifiée » dit-elle.

(Reportage et texte de Mochida Jôji, de Nippon.com. Photo de titre : lors de l'adoption de la Loi de promotion de mesures pour lutter contre la pauvreté enfantine par la Chambre basse, M. Katô Masashi (à gauche), qui travaille pour Ashinaga Ikueikai, une association de soutien financier aux étudiants, se réjouit avec d'autres spectateurs dans le public. Jiji)

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