La pauvreté infantile au Japon [1] : des cantines au secours des enfants

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Le Japon, troisième économie mondiale, compte beaucoup d’enfants pauvres. Selon les dernières statistiques disponibles (elles datent de 2014), l’Archipel connaît le plus fort taux de pauvreté des familles monoparentales parmi les pays du G7. Cette pauvreté pèse directement sur des aspects indispensables à la croissance des enfants, comme l’alimentation et l’éducation. Des cantines gratuites gérées par des bénévoles sont un des moyens pour leur venir en aide. Nous y avons fait un reportage.

L’avenir des enfants

Madoka n’a actuellement pas d’argent de côté. Elle pense que sa fille ne pourra pas aller à l’université, et qu’il sera mieux pour elle de faire une formation diplômante courte.

Ayaka, une femme d’une quarantaine d’années qui vit dans le grand Tokyo, a divorcé en 2007. En 2016, son fils qui était en cinquième année d’école élémentaire, a commencé à ne plus aller en cours, sans qu’elle comprenne pourquoi. Encouragée par des femmes dans la même situation qu’elle, qui lui ont dit que si elle restait à la maison pour s’occuper de lui, elle courrait le risque de sombrer avec lui, elle a continué à travailler à temps partiel. Son fils est maintenant en deuxième année de collège. Pour l’inciter à devenir autonome, elle lui confie la tâche de faire les courses et de préparer le dîner.

Elle est reconnaissante de l’aide qu’elle reçoit, visites de travailleurs sociaux de la collectivité locale, et cours particuliers gratuits offerts par des organisations de bénévoles, mais il lui arrive encore de se faire du souci au travail quand elle pense à son fils seul à la maison.

Miki, une femme qui s’approche de la quarantaine et travaille dans la restauration, a deux fils. L’aîné qui est en troisième année d’école élémentaire souffre d’un léger retard de développement. Bien qu’elle ait un statut plutôt privilégié dans son travail, qu’elle exerce à plein temps, elle est inquiète de son avenir dans dix ans. Elle sait qu’elle perdra à ce moment-là les aides dont elle bénéficie actuellement, devra quitter son logement social au loyer très bas et ne touchera plus d’allocation pour son fils qui aura 18 ans. Elle n’est pas sûre qu’il sera autonome et capable de gagner de l’argent d’ici là, et cela la préoccupe.

Les trois manques

Selon la dernière enquête nationale sur les familles monoparentales effectuée en 2015 par le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, le revenu annuel moyen des mères vivant seules avec leurs enfants (y compris les aides et allocations) était de 2,43 millions de yens (20 260 euros). Les femmes dont nous venons de parler ne sont nullement des exceptions, mais correspondent à la moyenne. Une famille composée de deux parents et au moins un enfant est quant à lui d’environ 7 millions de yens (58 370 euros).

L’impact de la pauvreté n’est pas seulement financier. Yuasa Makoto, professeur à l’Université de Tokyo et président de Musubie, une ONG qui soutient les initiatives des cantines des enfants de tout le Japon, souligne que la pauvreté qui affecte les enfants les prive de trois choses : l’argent, les contacts, et la confiance en eux.

Dans les grandes villes où les relations de voisinage et les liens avec le quartier sont moins forts qu’autrefois, les enfants sont dépendants de leur famille et de l’école. Mais M. Yuasa regrette que les enfants de familles monoparentales, dont les mères travaillent tellement qu’elles n’arrivent pas à parler assez avec eux, aient du mal à créer des liens avec les autres, car ils ne sont pas assez exposés aux interactions sociales. À une époque où l’État et les collectivités locales resserrent les cordons de la bourse, il estime que les aides publiques ne suffisent pas pour s’occuper des enfants de familles pauvres, et souligne que l’entraide est indispensable. Les associations soutiennent ces enfants coûte que coûte, mais souvent aux limites de leurs forces...

(Reportage et texte de Mochida Jôji, de Nippon.com. Photo de titre : le président de « La cantine quotidienne », Rokugô Shinji, avec trois enfants de primaire)

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