
La pauvreté infantile au Japon [1] : des cantines au secours des enfants
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« Cela m’aide vraiment »
« La cantine des enfants », ou Kodomo Shokudô, est le nom d’une initiative lancée par des bénévoles dans tout le Japon. Elle offre dans 3 700 endroits à travers le pays des repas gratuits et des lieux qui accueillent les enfants. L’une d’entre elles est « La cantine quotidienne » (Mainichi shokudô). Elle est située dans un appartement d’un immeuble du quartier de Takashima-daira, tout près d’un grand ensemble de HLM de l’arrondissement d’Itabashi à Tokyo.
En cette fin d’après-midi au début du mois d’août, son président, Rokugô Shinji, est en train de préparer le dîner lorsqu’une femme entre dans la cuisine. « Je suis venue voler ! » lance-t-elle en riant. Elle sort ensuite de son cabas des récipients qu’elle remplit de riz et de plats cuisinés. La quarantaine, Fumiko (tous les prénoms ont été changés) est divorcée et vit seule avec sa fille de trois ans. Elle ne travaille pas en raison de problèmes de santé et survit grâce aux aides sociales. À « La cantine quotidienne », une modeste salle d’une dizaine de mètres carrés, les repas sont gratuits pour les enfants, et coûtent 300 yens pour un adulte. « Cela m’aide beaucoup », dit-elle.
Au menu ce soir à « La cantine quotidienne », un plat à base de tofu et de viande
Ce soir-là à « La cantine quotidienne », huit enfants en âge d’être en école primaire attendent le dîner. Au menu ce soir, du tofu accommodé à la viande, accompagné de riz, de soupe miso et d’une salade verte. Les enfants sont gais, en pleine forme, mais pourquoi viennent-ils ici prendre le dîner qu’ils devraient normalement manger chez eux ?
Beaucoup d’entre eux appartiennent à des familles monoparentales, et leurs mères travaillent tard, explique M. Rokugô. Cela doit être bien plus agréable pour un enfant de partager un repas avec des camarades que de le manger seul en attendant le retour de sa mère. « La cantine quotidienne » cherche à soutenir ces enfants sur le plan économique mais aussi en leur offrant un endroit où se retrouver. Ici, ils jouent ensemble et font aussi leurs devoirs. Les petits enfants s’attachent à Rokugō qui est pour eux une figure paternelle.
Toutes ces cantines spéciales n’ouvrent souvent que deux fois par mois, mais « La cantine quotidienne » l’est 7 jours sur 7, de 7 heures du matin à 20 heures, afin de faire partie de la vie des enfants. Sa fréquentation mensuelle est d’environ 800 enfants par mois.
Un budget alimentation quotidien de 660 yens
L’ONG Single Mothers Forum qui soutient les familles monoparentales met l’accent ces derniers temps sur l’aide alimentaire. Pendant l’année 2019, elle a envoyé des colis alimentaires (d’une valeur de 4 000 à 5 000 yens) à 1 785 familles monoparentales.
Madoka, une mère seule qui a une fille en deuxième année d’école élémentaire, en reçoit environ un tous les deux mois. Elle travaille à temps partiel dans un centre logistique, pour un salaire mensuel d’environ 120 000 yens (1 000 euros), et perçoit des aides sociales (allocation familiale, aide aux familles monoparentales) pour un montant d’environ 65 000 yens (540 euros). Elle change souvent d’employeur. Certains d’entre eux lui permettent de s’affilier à une caisse de retraite, mais pas tous. Elle n’a aucune certitude sur ce qu’elle percevra plus tard, et cela lui pèse.
Une fois payés le loyer, l’électricité, l’abonnement de téléphone et les autres assurances nécessaires, il lui reste environ 20 000 yens par mois, ce qui revient à 660 yens par jour (5,5 euros). Le colis alimentaire que l’ONG Single Mothers Forum lui envoie, qui contient cinq kilos de riz, des gâteaux secs, des conserves et du café, lui est indispensable (surtout le riz, dit-elle) pour cuisiner au quotidien.
Son bas salaire ne limite pas seulement ses dépenses alimentaires, il pèse aussi sur l’équilibre entre son travail et son rôle de mère. Le premier consiste à aller chercher sur des étagères qui contiennent des milliers de références les articles commandés afin de remplir des colis. Sa journée de travail dure 7 heures 30, pendant lesquelles elle marche plus de 20 000 pas dans un vaste entrepôt, habitée en permanence par le stress car elle n’a pas droit à l’erreur. Quand elle quitte son lieu de travail, elle passe chercher sa fille au centre de loisirs de l’école, et il est 18 h 30 quand elle arrive chez elle. Elle prépare ensuite le dîner. Le soir, elle est épuisée, et trop fatiguée pour jouer avec sa fille.
Elle ne peut lui consacrer du temps que les samedis et les dimanches. Comme elle ne veut pas que sa fille se sente pauvre, elle veille à ce qu’elle soit bien vêtue en achetant des vêtements d’occasion en ligne.
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