Autour de l’incendie criminel de Kyoto Animation, entre préjugés et mauvaises simplifications

Société Anime Catastrophe

Okamoto Takeshi [Profil]

L’incendie criminel du studio Kyoto Animation (KyoAni), qui a fait un nombre important de victimes le 18 juillet 2019, a profondément choqué les fans d’anime du monde entier. Un spécialiste des animes, qui a été interviewé par de nombreux journaux à la suite de cette tragédie, nous explique la mauvaise couverture médiatique entourant le drame et les conséquences que cela continue d’entraîner.

Un biais médiatique qui encourage les préjugés contre les fans d’anime

Un second point m’a préoccupé dans la couverture médiatique de l’incendie. Une caméra de surveillance avait filmé le pyromane lorsque celui-ci était venu faire une sorte de repérage. Or, les médias ont tourné ça en « pèlerinage à l’avance ». Est-il vraiment passé devant le studio avec ce sentiment-là ? Il n’y a que lui qui pourrait le dire. Et pour ma part, pour autant que je sache, son parcours me paraît très différent de celui des fans accomplissent leur seichi junrei...

Il a également été rapporté que le pyromane était un passionné d’anime. Il est malheureusement probable que cela renforce un préjugé contre les fans de dessins animés, sur le même modèle que celui qui avait qualifié d’« otaku » Miyazaki Tsutomu, assassin d’une mineure en 1989. En d’autres termes, les fans de dessins animés vont encore passer pour un bataillon de réserve de criminels, enclins à un comportement anormal ou asocial, et après avoir dû lutter longtemps contre ce préjugé, les voilà repartis pour un tour.

Dès qu’un fait divers se produit, il suffit que la perquisition du domicile du suspect mette au jour des animes, des jeux vidéo, des mangas, des DVD de films d’horreur, etc. pour que les médias de masse en fassent leurs choux gras. Ce qui est pour le moins étrange, c’est que jamais vous ne verrez un tabloïd titrer : « Le criminel adorait la pêche à la ligne », ni : « C’était un fan de baseball ! ». De même, la couverture médiatique de l’incendie de Kyoto Animation présentait un biais qui faisait considérer les amateurs de seichi junrei comme des gens potentiellement dangereux.

Kyo Ani, chantre du Bien et de l’humanisme

T-shirts des organisateurs de l’événement en soutien à Kyo-ani sur le campus de l’Université Kinki à Higashi-Osaka. Les personnes qui ont fait un don se sont vus remettre un plan des « lieux saints » de l’animé Free ! sur le campus.
T-shirts des organisateurs de l’événement en soutien à KyoAni sur le campus de l’Université Kinki à Higashi-Osaka. Les personnes qui ont fait un don se sont vus remettre un plan des « lieux saints » de l’animé Free ! sur le campus.

Les 24 et 25 août 2019, une collecte de fonds a été organisée avec les étudiants du campus de Higashi-Osaka de l’Université Kinki en soutien à KyoAni. Plus de 600 personnes y ont participé, dont certains venaient même de Tokyo et de Nagasaki. Le campus de Higashi-Osaka possède le statut de seichi junrei de l’animé Free !, depuis qu’il a servi de modèle pour l’endroit où se déroule l’action. Les donateurs ont exprimé leurs remerciements et leur soutien à KyoAni par des messages sur des cartes. Beaucoup pleuraient d’émotion.

Les œuvres produites par KyoAni sont très diverses, il est difficile de définir son style en un seul mot. Mais je crois qu’on peut dire que tous leurs titres s’attachent à dépeindre l’humain sous un jour minutieux et clair, en mettant le focus sur le Bien. La tragédie m’a anéanti. Je suis inconsolable, mais quand je constate le grand nombre de messages de donateurs où il y est écrit qu’ils se sentent dans le devoir de « rembourser une dette de reconnaissance » en retour du courage et de l’espoir que leur ont donnés telle ou telle série produite par KyoAni, c’est pour moi comme une lumière de salut.

(Photo de titre : messages des fans de Kyoto Animation dans le hall de la Convention Mondiale de Cosplay 2019, à Nagoya, 4 août 2019. Jiji Press)

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Okamoto TakeshiArticles de l'auteur

Né à Nara en 1983. Maître de conférences à l’Université préfectorale de Nara depuis avril 2015. Diplômé de psychologie cognitive de l’Université de Hokkaidô (2007). Titulaire d’un doctorat en sciences du tourisme de cette même université (2012). Auteur de différents ouvrages dont Zonbigaku (Les recherches sur les zombies, Jinbun sho in, 2017).

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