Les États-Unis de Trump et le Japon

Le Japon et la Corée du Sud à l’ère de la diplomatie trumpienne

Politique International

Kimura Kan [Profil]

Un expert japonais se penche ici sur le désaccord grandissant entre le Japon et la Corée du Sud avec, en toile de fond, les courants politiques à l’œuvre dans chacun des deux pays et l’érosion des alliances traditionnelles sous la présidence de Donald Trump.

Trump et l’essor de la diplomatie musclée

Mais on peut aussi voir dans cette évolution récente des relations entre le Japon et la Corée du Sud un reflet de tendances plus globales de la diplomatie internationale. Les médias étrangers ont établi un parallèle entre la courbe des exportations japonaises et les tactiques du président des États-Unis Donald Trump, qui a eu recours à de nombreuses reprises à la coercition économique pour contraindre d’autres pays à s’aligner sur ses positions.

Abe serait-il tout simplement en train de copier la stratégie de Trump ? La réalité me semble plus complexe. Par son approche coercitive et unilatérale des conflits économiques et politiques, Trump a sapé l’autorité d’instances internationales comme l’Organisation mondiale du commerce et instauré un climat dans lequel les autres gouvernements se sentent autorisés à se comporter de la même façon. En fait, l’OMC s’est aperçue que les pays du G20 avaient instauré un nombre record de nouvelles restrictions aux échanges en 2018, et ce genre de mesures unilatérales continue de proliférer à un rythme alarmant. À cet égard au moins, le gouvernement japonais semble être en phase avec les tendances internationales.

Mais à un autre égard, il est un aspect crucial de la diplomatie trumpienne qui a échappé à Tokyo comme à Séoul.

Dès le départ, il semble que l’idée ait prévalu parmi les Japonais que le gouvernement Trump allait prendre le parti de Tokyo dans le litige en cours. Le Japon et la Corée du Sud sont tous deux des alliés des États-Unis, mais en l’occurrence il est communément admis qu’Abe a pris l’avantage grâce à la forte relation personnelle qu’il a construite avec Trump, alors que le gouvernement Moon aurait manqué le coche et se trouverait de plus en plus isolé. D’où la perplexité des Japonais quand Séoul a ouvertement cherché la médiation de Washington dans le conflit commercial.

Mais le gouvernement Moon voit les choses tout autrement. Il se considère comme un partenaire vital de Trump dans sa tentative de résolution du problème du nucléaire nord-coréen. Cette initiative diplomatique est toujours à l’ordre du jour, comme en témoigne la rencontre de Trump avec Kim Jong-un le 30 juin (un jour avant la publication par le Japon de la courbe de ses exportations). Outre cela, il est des personnages au sein du gouvernement de Séoul qui tiennent des propos dédaigneux sur la relation entre Abe et Trump, en observant que Tokyo a été pris de court par la décision de Trump de rencontrer directement Kim. Bref, bien des Sud-Coréens restent sceptiques devant la prétention de Tokyo d’avoir surpassé Séoul dans la course pour les faveurs de Washington. Le résultat de tout cela, c’est que Séoul continue de faire de la surenchère dans l’espoir que Washington va finir par trancher en leur faveur.

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Kimura KanArticles de l'auteur

Professeur à l’Université de Kobe ; président du Forum Pan-Pacifique. Titulaire d’un doctorat de droit de l’Université de Kyoto. A été expert invité à l’Université Harvard, à l’Université de Corée et à l’Institut Sejong. Auteur de plusieurs ouvrages, dont Kankoku ni okeru « ken'ishugiteki » taisei no seiritsu (La mise en place du système autoritaire sud-coréen), qui a reçu le Prix Suntory pour les sciences sociales et humaines.

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