La loi sur le peuple Aïnou : quelle déception !

Société Politique

Higashimura Takeshi [Profil]

La nouvelle loi de 2019 qui reconnaît les Aïnous comme un peuple indigène du Japon n’est pas aussi révolutionnaire que ses partisans le suggèrent. On remarquera notamment qu’elle ne contient aucune excuse pour la façon dont les Aïnous ont été traités tout au long de l’histoire, ni la moindre mention d’un éventuel rétablissement des droits des populations autochtones.

Un rôle à jouer pour les médias

Je me demande jusqu’à quel point les autorités se préoccupent du respect de la fierté des Aïnous. On entend beaucoup parler ces temps-ci de société japonaise multiculturelle incluant les Aïnous et les citoyens non japonais, mais je crois que c’est à ses propres fins que le gouvernement brandit la cause de l’inclusion. En ce qui concerne les Aïnous, cette inclusion est superficielle, axée sur le tourisme et exempte d’excuses et de garanties des droits. Le projet de Musée et de Parc national aïnou, lié aux Jeux olympiques de Tokyo 2020, n’était sans doute qu’une tentative du gouvernement en vue de redorer son blason et de détourner l’attention de problèmes actuels comme le scandale des statistiques du ministère du travail sur la main d'œuvre et le conflit à propos des bases militaires d’Okinawa.

J’ai entendu des Aïnous et des politiciens dire que la nouvelle loi constitue un important premier pas, mais ce genre de pensée à l’eau de rose est hors de propos. Bien évidemment, il existe des différences d’opinions chez les Aïnous, et j’admets volontiers que certains d’entre eux, quand bien même ils seraient membres de l’Association aïnou, placent de grands espoirs dans la loi. Mais, pour que le gouvernement accomplisse quoi que ce soit de substantiel en matière de droits des autochtones, il faudra que les groupes aïnous disposent d’une influence beaucoup plus forte qu’aujourd’hui sur les processus de décision politique.

Dans un éditorial du mois de février, le Hokkaidô Shimbun, qui a présenté la couverture la plus exhaustive de la loi, a parlé de l’importance de la première loi qui a reconnu les Aïnous comme peuple indigène ; mais, comme je l’ai montré, c’est une exagération. Il n’en reste pas moins que l’intérêt des médias japonais et internationaux pour les Aïnous nous offre une opportunité d’approfondir le débat. Comme on ne peut guère compter sur le gouvernement pour améliorer la compréhension du public, les médias ont un rôle essentiel à jouer. Il est temps que la politique japonaise s’aligne sur les normes internationales, et j’espère que la presse va garder un œil critique sur le gouvernement et fournir une couverture continue et approfondie.

Voir également nos autres articles sur les Aïnous :

(Photo de titre : des AÏnous expriment leur opposition à la nouvelle loi sur les Aïnous au Club japonais des correspondants étrangers, à Tokyo, le 1er mars 2019. Tsunoda Yoshio/Aflo)

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Higashimura TakeshiArticles de l'auteur

Membre du personnel enseignant de l’Institut de hautes études du développement international de l’Université de Nagoya. Né à Hokkaidô en 1963. Parmi ses publications, citons « Une introduction aux Aïnous d’après-guerre et à leur relation avec le peuple Yamato » (Sengoki Ainu minzoku : Wajin kankeishi josetsu) et diverses contributions à « Une encyclopédie culturelle de la bombe atomique » (Genbaku o yomu bunka jiten).

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