L’ère Heisei en un coup d’œil

L’économie sous l’ère Heisei (1989-2019), quand la finance se débat après l’explosion de la bulle

Économie

Dans l’article qui suit, le premier de notre série consacrée à une analyse retrospective de l'ère Heisei (1989-2019), un spécialiste de l’économie se penche sur le combat mené par le secteur financier japonais pour se hisser au-dessus de la montagne de créances douteuses générée par l’effondrement des bulles spéculatives. En fin d’article, nous résumerons les principaux événements financiers de cette période.

Faibles taux d’intérêt et marges de profit

Confrontées à l’éclatement de la bulle, les entreprises ont cherché par tous les moyens à réduire leur endettement. Il en a résulté une atrophie des prêts bancaires, qui ont diminué de 8 % par an entre 2002 et 2004. Le retour à la hausse des prêts, qui s’est amorcé en 2006, a coïncidé avec la fin du déclin des prix du foncier. La chute de la demande de financement a exercé des pressions à la baisse sur les taux d’intérêt, pressions que la politique monétaire expansionniste de la BoJ n’a fait qu’aggraver. Dans ce contexte, la baisse des marges de profit des banques s’est encore accentuée.

L’Association des banquiers japonais a calculé que l’écart entre les taux d’intérêt perçus sur les prêts et ceux versés sur les fonds collectés est tombé de 1,8 % avant l’éclatement de la bulle à 0,2 % aujourd’hui. Prêter est une fonction essentielle des banques, si bien que toute réduction de l’écart entraîne nécessairement un amaigrissement des résultats des entreprises. Les très grandes banques japonaises ont pu compenser la baisse de leurs profits dans l’Archipel en cherchant des opportunités d’investissement à l’étranger, mais les banques régionales, dont les opérations se limitent au territoire national, ont eu bien du mal à joindre les deux bouts. Et de fait, 54 banques régionales – la moitié du total pour l’ensemble du pays – déclarent des pertes dans leurs activités de prêt et dans les redevances et commissions qu’elles perçoivent, certaines d’entre elles pour plusieurs années consécutives. Les actifs non productifs ne constituent plus un gros problème pour elles, et les risques d’insolvabilité sont faibles. Mais si l’économie venait à se détériorer, avec les faillites d’entreprises qui en résulteraient, les banques régionales pourraient connaître de graves difficultés à mesure que les prêts deviennent irrécouvrables.

Il n’est pas exclu que le secteur financier soit sur le point d’entrer dans une nouvelle ère post-Heisei de réalignement.

Date Principaux événements financiers de l’ère Heisei
Décembre 1989 Le cours moyen de l’indice Nikkei bat tous les records le 29 décembre, à 38 915.
Juillet 1991 La Banque Tôhô Sôgo, devenue insolvable, est la première à recevoir une assistance de la Société d’assurance des dépôts.
Décembre 1994 Deux associations de crédit, Tokyo Kyôwa et Anzen, deviennent insolvables.
Décembre 1995 Le gouvernement approuve l’injection de 685 millions de yens dans sept établissements de prêt.
Avril 1996 La Banque Mitsubishi et la Banque de Tokyo fusionnent et deviennent la Banque Tokyo-Mitsubishi.
Novembre 1997 Sanyô Securities, la Banque Hokkaidô Takushoku et Yamaichi Securities deviennent insolvables.
Mars 1998 1 800 milliards de yens de fonds publics sont injectés dans 21 grandes banques.
Octobre 1998  La Banque de crédit à long terme du Japon devient insolvable.
Décembre 1998 La Banque de crédit japonaise devient insolvable.
Lancement de la Commission de reconstruction financière.
Janvier 1999 Chûô Trust Bank et Mitsui Trust Bank annoncent leur fusion au sein de la société Chûô Mitsui Trust and Banking.
Mars 1999 7 500 milliards de yens de fonds publics sont injectés dans des grandes banques.
Août 1999 La Banque industrielle du Japon, la Banque Dai-Ichi Kangyô et la Banque Fuji annoncent leur fusion (rebaptisée Mizuho Holdings en septembre 2000).
Octobre 1999 Les banques Sumitomo et Sakura fusionnent (l’établissement s’appelle désormais Sumitomo Mitsui Financial Group).
Juillet 2000 Création de l’Agence des services financiers.
Octobre 2000 Les banque Sanwa, Tôkai et Tôyô Trust Bank annoncent leur fusion (rebaptisée UFJ Holdings en avril 2001).
Septembre 2001 Les banques Daiwa et Asahi annoncent leur fusion (aujourd’hui Banque Resona).
Octobre 2002 Le ministre d'État aux Services financiers Takenaka Heizô annonce le plan de restructurations bancaires.
Juillet 2004 La Banque Tokyo-Mitsubishi et UFJ annoncent leur fusion (aujourd’hui Mitsubishi UFJ Financial Group).
Avril 2005 Lancement à plein régime du dispositif « remboursement », qui finalise la garantie du montant total des dépôts en cas de faillite.
Janvier 2006 Privatisation des services postaux via la création de Japan Post Holdings.
Septembre 2008 Lehman Brothers devient insolvable, ce qui déclenche une crise financière mondiale.
Octobre 2008 L’indice Nikkei tombe à 6 994, son plus bas niveau de l’ère Heisei.
Septembre 2010 L’Incubator Bank of Japan devient insolvable, ce qui constitue la dernière faillite bancaire en date.
Mars 2011 Le Grand tremblement de terre de l’est du Japon secoue la région du Tôhoku. La crise européenne de la dette propulse la valeur du yen à 75 yens pour un dollar.
Avril 2012 Sumitomo Trust and Banking, Chûô Mitsui Trust and Banking et Chûô Mitsui Asset Trust and Banking fusionnent pour former Sumitomo Mitsui Trust Bank.
Avril 2013 Le gouverneur de la BoJ Kuroda Haruhiko annonce la mise en œuvre d’une politique de stimulation monétaire sans précédent via l’accroissement des achats de créances.
Avril 2014 La taxe à la consommation est portée de 5 % à 8 %.

 

(D’après un original en japonais. Photo de titre : le dernier jour de transactions à la Bourse de Tokyo en 1989, quand l’indice Nikkei a culminé à 38 915, un record absolu. Jiji Press)

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