L’ère Heisei en un coup d’œil

L’économie sous l’ère Heisei (1989-2019), quand la finance se débat après l’explosion de la bulle

Économie

Dans l’article qui suit, le premier de notre série consacrée à une analyse retrospective de l'ère Heisei (1989-2019), un spécialiste de l’économie se penche sur le combat mené par le secteur financier japonais pour se hisser au-dessus de la montagne de créances douteuses générée par l’effondrement des bulles spéculatives. En fin d’article, nous résumerons les principaux événements financiers de cette période.

La restructuration du secteur financier

La liquidation des créances irrécouvrables est une tâche ingrate qui, par les ponctions qu’elle opère sur le capital des banques, provoque un excédent de dettes qui peut conduire à l’insolvabilité.

Le tableau à la fin de cet article dresse la liste des principales faillites bancaires survenues au cours de l’ère Heisei et des conséquences qui en ont résulté en termes de réalignement du secteur financier. Peut-être l’événement le plus choquant – pour les gens qui sont actifs dans ce secteur ou sa supervision – a-t-il été enregistré en 1997, avec la faillite de la Banque Hokkaidô Takushoku et la fermeture de Yamaichi Securities, qui ont été perçues comme le signe avant-coureur d’un effondrement du système financier (voir notre article lié). La chute de ces établissements a été précipitée par la faillite de Sanyô Securities, qui a provoqué un sévère repli du marché monétaire et déclenché une cascade de faillites, dont, en 1998, celles de la Banque japonaise de crédit à long terme et de la Banque japonaise de crédit – qui étaient toutes deux nationalisées – et d’une profusion de banques régionales.

La nécessité de couvrir les coûts de la liquidation des créances irrécouvrables a incité nombre de banques à opter pour les fusions, qui permettent de regrouper les ressources en vue de constituer de plus grosses entités. Les autorités ont encouragé ce genre d’initiatives en mettant sur pied un dispositif d’injection de fonds publics (via l’expansion du régime de l’assurance des dépôts), qui a permis de mettre à disposition 13 000 milliards de yens pour la recapitalisation des établissements financiers en difficultés. 19 000 milliards supplémentaires ont été déboursés à titre de subventions et 6 000 milliards d’actifs non productifs ont été achetés, si bien qu’au total 38 000 milliards de yens ont été puisés dans les coffres de l’État. À quoi viennent s’ajouter les pertes provenant des prêts spéciaux consentis par la BoJ à Yamaichi Securities et à la Banque japonaise de crédit, soit 200 milliards de yens.

Pour qu’un mécanisme d’injection de fonds publics à destination du secteur bancaire soit mis en place, il aura fallu attendre la chute de la Banque japonaise de crédit à long terme en 1998, soit bien des années après l’éclatement des bulles spéculatives. On peut trouver une cause indirecte de ce retard dans la lutte acharnée qui sévissait entre les banques commerciales et celles affiliées aux coopératives agricoles japonaises, soutenues par les politiciens défenseurs du monde paysan, pour savoir à qui incombait le sauvetage de sept établissements de prêts hypothécaires. L’échauffourée a duré jusqu’en décembre 1995, quand le gouvernement a décidé de s’en mêler et d’injecter 685 milliards de yens dans les caisses de ces établissements qui n’avaient rien à voir avec des banques.

Mais cette décision a suscité une levée de boucliers dans la population, qui ne voyait aucune raison pour que l’argent des contribuables serve à sauver des établissements privés, après quoi les politiciens se sont montrés plus réticents à injecter des fonds publics dans le secteur bancaire, et le ministère des Finances s’est vu retiré son pouvoir de supervision des établissements financiers, lequel a été affecté à l’Agence des services financiers, une nouvelle institution indépendante.

Le manque d’empressement des dirigeants politiques japonais à remédier au chaos financier consécutif à la bulle est encore plus flagrant si on le compare à la décision prise par Washington de consacrer sans délai 700 milliards de dollars au renflouement des banques et des établissements financiers lors de la crise économique mondiale de 2008, décision qui a permis non seulement une prompte remise à flot du secteur financier mais aussi un redressement en douceur des investissements publics.

Suite > Faibles taux d’intérêt et marges de profit

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