JO de Tokyo : les organisateurs sont prêts à affronter les pires conditions climatiques
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Organiser les épreuves tôt le matin : une solution qui n’est pas sans inconvénients
Les problèmes posés par les fortes chaleurs aux Jeux olympiques d’été n’ont rien de nouveau. Ils ont été mis en évidence dès 1912, lors de la Ve olympiade de Stockholm, en Suède, où la température a atteint 32 °C à l’ombre dans l’après-midi, au moment du marathon. La moitié des 68 athlètes engagés dans cette épreuve ont abandonné en cours de route, à commencer par le Japonais Kanakuri Shisô qui s’est effondré en pleine course et a été secouru sur place. Le coureur portugais Francisco Lazaro, lui aussi victime d’un malaise, a été transporté à l’hôpital où il est décédé le jour suivant. C’est la première fois qu’un athlète mourait au cours d’une compétition des Jeux olympiques.
Plus d’un siècle après ce tragique épisode, Tokyo se prépare à accueillir la XXXIIe olympiade de 2020 avec des températures diurnes qui risquent d’être encore plus élevées si la vague de chaleur de 2018 se répète. Redoutant le pire, le comité d’organisation des Jeux a fixé l’heure de départ d’un grand nombre de courses de fond et d’épreuves d’athlétisme tôt le matin, afin d’éviter le plus fort de la chaleur. Les marathons masculin et féminin qui devaient débuter à 7 heures ont été avancés d’une heure et commenceront à 6 heures. De même, le départ du 50 km marche masculin sera donné non pas à 6 heures, mais 30 minutes plus tôt, à 5 heures 30. Et celui du 20 km marche masculin et féminin aura lieu à 6 heures.
Pour en savoir davantage sur les éventuels effets d’un départ anticipé, nous avons interrogé Asada Katsuo de Weathernews, une entreprise spécialisée dans l’information météorologique qui travaille en collaboration avec le comité d’organisation des JO de Tokyo.
D’après les données recueillies par Weathernews depuis dix ans, le thermomètre devrait atteindre 27 °C à 6 heures du matin, au moment du départ des marathons. « La température moyenne de la zone métropolitaine de Tokyo est de 30 °C avec des pointes à 33 °C pendant la journée. Un départ avancé de 60 minutes signifie donc qu’il fera moins chaud. » Asada Katsuo précise aussi que l’air sera plus humide parce que la chaleur et l’hygrométrie sont inversement proportionnelles. « La température sera inférieure de près d’un degré tandis que l’humidité augmentera de 3 % à 4 %. »
« La chaleur, l’humidité et l’exposition directe aux rayons du soleil sont autant de facteurs particulièrement propices aux coups de chaleur. Une course programmée plus tôt le matin a le mérite de réduire le temps passé au soleil. Mais pour les athlètes qui supportent mal l’humidité, cela pourrait constituer un handicap. »
Par ailleurs, il y a la question délicate de la préparation physique. « La plupart des athlètes sont au mieux de leur forme dans l’après-midi. Pour eux, un départ anticipé signifie que la compétition débutera sept à huit heures avant ce moment privilégié », déclare M. Asada. D’après lui, cela peut constituer un avantage pour les concurrents venus de pays caractérisés par un fort décalage horaire avec le Japon, car leur horloge biologique sera en retard par rapport à l’heure locale. En revanche, ceux qui vivent plus près de l’Archipel devront non seulement prendre garde à la chaleur mais aussi resynchroniser leur rythme circadien.
Tirer parti des différences de température entre les zones exposées au soleil et à l’ombre
Pendant les Jeux asiatiques qui ont commencé le 18 août 2018 à Jakarta, l’équipe de météorologie sportive de Weathernews a fourni des informations détaillées à l’Association des fédérations athlétiques du Japon (JAAF). M. Asada, qui en faisait partie, raconte que la température et le degré d’humidité dans la capitale indonésienne étaient proches de ceux auxquels on s’attend pour les JO de Tokyo. « Nous avons considéré cette manifestation sportive comme un entrainement en vue des JO de 2020. »
« Nous avons suivi les athlètes pendant les épreuves, étudié les conditions dans lesquelles celles-ci se déroulaient et donné des informations aux entraineurs », rapporte M. Asada. La température moyenne à Jakarta était de 30 °C, mais il lui est arrivé de grimper de façon inattendue, notamment durant le 50 km marche. « Quand l’épreuve a commencé à 6 heures du matin, il faisait plutôt frais. Nous ne nous attendions pas à ce qu’il fasse trop chaud, mais quand les concurrents sont arrivés à proximité de la ligne d’arrivée, le mercure avait atteint 33 °C et il y avait déjà eu de nombreux abandons. C’est dans ces conditions particulièrement pénibles que le marcheur japonais Katsuki Hayato a remporté la médaille d’or. »
Asada Katsuo et son équipe ont par ailleurs pris des photos et filmé des vidéos du parcours des épreuves pour aider les athlètes japonais à planifier leur course et ils ont prévus de faire de même pour le marathon des JO de 2020.
« Le trajet de la course empruntera des voies ouvertes à la circulation en temps normal si bien que les athlètes ne seront pas en mesure de faire des repérages au préalable. Nous utiliserons donc les données que nous aurons réunies pour faire une carte indiquant les zones situées à l’ombre et celles exposées à la lumière directe du soleil. »
D’après une étude effectuée à Tokyo le jour le plus chaud de 2018, la température à 7 heures du matin, au point de départ du marathon olympique de 2020, était de 31,7 °C et le taux d’humidité de 70 %. Deux heures plus tard, au kilomètre 35, ces chiffres étaient respectivement passés à 36 °C et 50 %. M. Asada dit avoir constaté une différence de deux degrés entre les parties du trajet à l’ombre et celles en plein soleil. Ce qui veut dire que les athlètes auront tout intérêt à courir à l’ombre, dans la mesure du possible.
Les courses organisées dans des conditions de chaleur et d’hygrométrie élevées augmentent les risques d’insolation pour les concurrents. M. Asada a testé le parcours du marathon de Tokyo avec l’indice de température au « thermomètre globe-mouillé » (WBGT). Le WBGT est un indicateur de stress thermique obtenu en combinant différentes données, notamment la température, l’hygrométrie, l’ensoleillement et le rayonnement solaire. La probabilité d’un coup de chaleur croît fortement quand l’indicateur de stress thermique atteint 28 °C. Pour Asada Katsuo, les coureurs du marathon de Tokyo seront en danger dès 7 heures 25. « Le WGBT dépassera les 28 °C depuis le kilomètre 8 jusqu’à la ligne d’arrivée. Les seules exceptions seront les zones situées à l’ombre des immeubles. »
D’après des données sur l’année 2018 fournies par le ministère de l’Environnement, l’indicateur de stress thermique de Tokyo a été supérieur à 28 °C pendant 27 jours au mois de juillet et durant 25 jours au mois d’août. Et il a dépassé les 31 °C pendant 20 jours en juillet, un record par rapport à toutes les autres grandes villes de l’Archipel.
Les risques spécifiques posés par les typhons et les pluies diluviennes
Outre une chaleur intense, les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo pourraient être perturbés par des typhons ou des pluies torrentielles. En août 2018, le Japon a été touché par deux typhons. Tokyo n’a certes pas été affecté directement, mais le 30 septembre, la compagnie de chemins de fer JR a décidé de suspendre le trafic sur l’ensemble de ses lignes à partir de 20 heures dans la zone métropolitaine de Tokyo, en raison de l’approche du typhon Trami. La capitale japonaise a relativement peu souffert en dépit de chutes d’arbres sur les routes et de quelques immeubles endommagés, mais la circulation des trains est restée perturbée jusqu’au lendemain matin, ce qui a posé de graves problèmes aux voyageurs.
Toutefois, Asada Katsuo considère les risques posés par les typhons comme relativement minimes. « La trajectoire d’un typhon n’est pas très difficile à calculer, explique-t-il. Certains ont tendance à s’attarder mais la plupart durent environ six heures. Nous pensons que nous serons en mesure de prévoir l’impact qu’un cyclone tropical pourrait avoir sur les Jeux olympiques et nous espérons que les informations que nous donnerons aux athlètes leur permettront d’ajuster leur préparation avec la programmation des épreuves. »
En revanche le problème des pluies torrentielles pourrait être plus difficile à gérer. D’après Weathernews, il y a eu moins d’épisodes pluvieux de grande ampleur dans l’ensemble du Japon en 2018 qu’au cours des quatre années précédentes. Toutefois lors du violent orage qui s’est abattu sur Tokyo le 27 août dernier, on a enregistré près de dix mille impacts de foudre. Et dans le même temps, il est tombé 110 millimètres d’eau en l’espace d’une heure dans l’arrondissement de Setagaya, et dans ceux de Suginami et de Nerima, les vents violents ont couché des arbres.
Asada Katsuo ajoute que son entreprise fait des recherches sur les conséquences possibles des pluies torrentielles sur les Jeux olympiques. « Nous sommes en train, en collaboration avec l’Université de Tsukuba, de mettre au point un modèle de prévision du temps dans la capitale avec une marge de précision de l’ordre de 5 mètres. Il s’agit d’un projet complètement novateur dans la mesure où la marge de précision des cartes actuelles les plus détaillées est au mieux de l’ordre du kilomètre. »
« Nous avon notamment comparé les prévisions que nous avions faites pour l’été 2018 avec les données météorologiques effectives que nous avons recueillies à l’aide de drones en prenant en compte divers paramètres, entre autres la hauteur des édifices. Cet été, nous allons faire une étude similaire encore plus pointue. Notre objectif est de fournir aux athlètes et aux spectateurs des informations et des prévisions détaillées sur les conditions météo dans les rues de Tokyo.
Se préparer à affronter les pires conditions
Les organisateurs des JO de Tokyo sont préoccupés plus encore par la canicule que par les pluies torrentielles. En août 2018, 2768 personnes ont été hospitalisées à cause de la vague de chaleur exceptionnelle qui s’est abattue sur l’Archipel et en particulier la préfecture de Tokyo où la température a dépassé pour la première fois les 40 °C.
« Les athlètes sont des professionnels qui savent comment s’y prendre pour éviter d’être victime d’une insolation. Nous sommes davantage inquiets au sujet des spectateurs et des équipes de bénévoles. Nous espérons que nos prévisions à 5 mètres près aideront les gens à trouver de l’ombre le long du parcours du marathon. » M. Asada conseille aussi d’utiliser un chapeau ou mieux encore une ombrelle, nettement plus efficace contre la canicule.
Le gouvernement métropolitain de Tokyo est en train d’envisager des moyens pour protéger le public des JO des coups de chaleur, y compris l’installation de brumisateurs d’eau et de tentes le long des voies piétonnes reliant les gares ferroviaires et les stations de métro aux sites des compétitions ainsi que la distribution d’éventails et de chapeaux. Toutes ces mesures feront l’objet d’une évaluation lors de simulations qui auront lieu cet été. Enfin, il a été prévu que les bénévoles de la capitale – city cast – qui contribueront au bon fonctionnement des JO se reposent pendant la moitié des cinq heures que durera leur journée de travail.
Il y a deux mois, Koike Yuriko, gouverneur de Tokyo, a révélé l’existence d’un prototype de chapeau-ombrelle conçu pour éviter les coups de chaleur. Le 31 mai, à l’occasion de sa conférence de presse mensuelle, elle a expliqué que les mesures pour lutter contre la chaleur seraient de type à la fois high-tech et ordinaires et que le « moyen traditionnel le plus simple consistait à arroser les rues ».
En ce qui concerne le personnel bénévole affecté aux lieux de compétition – field cast –, le comité d’organisation des JO envisage de limiter son temps de travail à l’extérieur et de mettre à sa disposition des zones de repos climatisées. Il est aussi question d’autoriser les spectateurs à apporter des boissons en bouteille avec eux, ce qui était formellement interdit jusqu’à présent.
Pour Asada Katsuo, le Japon a tout intérêt à se préparer au pire en terme de canicule pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2020 et à prendre toutes les précautions nécessaires en fonction des prévisions météorologiques.
(Reportage et texte : Kuwahara Rika, Power News. Photo de titre : L’athlète japonais Maruo Satoshi [le premier à partir de la droite] en train de prendre une bouteille d’eau au cours de l’épreuve du 50 km marche des Jeux asiatiques de Jakarta, le 30 août 2018. Jiji Press)