Vers une nouvelle ère impériale, vers un nouveau Japon

Comment assurer la pérennité de la lignée impériale japonaise : un problème crucial

Politique Société

L’empereur du Japon, Naruhito, intronisé le 1er mai 2019, est confronté à un certain nombre de problèmes complexes, notamment la diminution progressive du nombre des membres de la famille impériale et la santé de son épouse, l’impératrice Masako.

Des tentatives de réforme de la Loi de la maison impériale avortées

En mars 2019, Suga Yoshihide, le secrétaire général du Cabinet de l’époque, a annoncé à la Diète qu’après l’intronisation du nouvel empereur, au mois de mai, le gouvernement du Premier ministre Abe Shinzô commencerait à envisager des mesures pour que la lignée impériale puisse se perpétuer dans de meilleures conditions. Il devrait être notamment question de permettre aux princesses de garder leur statut après leur mariage avec un roturier, de fonder leur propre branche de la famille impériale et éventuellement de régner, de même que leurs enfants.

L’accession au trône d’une femme ne serait pas vraiment une nouveauté pour le pays. Au cours de son histoire, le Japon a eu au total huit empereurs féminins – dont deux ont régné à deux reprises – et qui étaient tous, comme l’ensemble des autres souverains de l’Archipel, issus d’un lignage patrilinéaire. En 2005, le Premier ministre Koizumi Junichirô avait déjà chargé le Comité consultatif pour la Loi de la maison impériale de faire un rapport sur ce sujet. Et cet organisme s’était prononcé en faveur d’une révision de la Loi de la maison impériale, notamment par l’adoption du principe de primogéniture qui permettrait à la princesse Aiko, la fille du prince héritier Naruhito, de succéder à son père. Mais en 2006, l’épouse du prince Akishino a mis au monde Hisahito, le premier héritier de sexe mâle né dans la famille impériale depuis 40 ans. Du coup, le projet de réforme n’a pas été présenté à la Diète comme il aurait dû l’être. Sans compter l’arrivée au pouvoir du premier gouvernement du Premier ministre Abe Shinzô immédiatement après, qui, opposant véhément à une réforme de la loi impériale, a mis ce sujet aux oubliettes. (Voir notre article lié : L’empereur du Japon versus le Premier ministre Abe : plus de dix ans de désaccords)

L'empereur Naruhito et sa fille la princesse Aiko (photo tirée de la page officielle de l'Agence de la maison impériale)
L’empereur Naruhito et sa fille la princesse Aiko (photo tirée de la page officielle de l’Agence de la maison impériale)

En 2011, Haketa Shingo, le directeur de l’Agence de la maison impériale avait déclaré que la création de branches de la famille impériale issues d’un lignage matrilinéaire était à l’étude afin de faciliter la succession au trône et de conserver un nombre suffisant de descendants susceptibles d’assumer des fonctions officielles. Le Parti démocrate du Japon (PDJ) alors au pouvoir avait réagi en demandant l’avis de spécialistes en la matière. Noda Yoshihiko, le Premier ministre de l’époque, avait même envisagé de soumettre un amendement dans ce sens à la Diète en 2013. Mais celui-ci n’a jamais abouti. En effet, Abe Shinzô est revenu au pouvoir en 2012 après la victoire du Parti libéral-démocrate (PLD) aux élections, et s’est chargé à nouveau d’enteriner ce projet. 

Le peuple japonais est partagé sur la question 

Les Japonais sont loin d’être d’accord sur la façon d’assurer la pérennité de la lignée impériale. Si une partie d’entre eux ne semble à priori pas hostile à l’accession au trône d’une femme, d’autres, en particulier dans le rang des conservateurs, sont encore très attachés aux règles de succession en vigueur surtout en ce qui concerne la filiation patrilinéaire. Ils redoutent en effet que la suppression de ce principe n’aboutisse à une mainmise des branches féminines de la famille impériale sur le trône. Ils préfèreraient que l’on rende aux branches collatérales de la maison impériale le statut dont elles ont été dépossédées peu après la Seconde Guerre mondiale.

Un sondage d’opinion effectué au cours de l’automne 2018 par le journal Yomiuri Shimbun a révélé que 40 % des personnes interrogées étaient favorables à la « création de branches féminines pour assister la maison impériale dans ses activités ». Dans le même temps, 16 % d’entre elles se sont déclarées opposées à cette idée et 43 % ne se sont pas prononcées. Les résultats de cette enquête montrent clairement à quel point le peuple japonais est partagé à cet égard. Le débat sur les branches féminines devra aussi porter sur l’accession éventuelle des époux des princesses à un statut impérial. Le problème, déjà très délicat en raison de l’absence d’un véritable consensus dans l’opinion, s’est encore compliqué après la révélation par les médias des démêlés financiers de Komuro Kei, le fiancé de la princesse Mako, fille aînée du prince Akishino et nièce de l’empereur Naruhito. Ce scandale est particulièrement malvenu dans la mesure où il risque de diviser complètement la population de l’Archipel. (Voir notre article lié : Le mariage de la princesse Mako du Japon : un geste concret est attendu de la part du prétendant)

Le débat sur la succession impériale est étroitement lié à l’avenir de la famille de l’empereur Naruhito et de celle de son frère, le prince Fumihito. Le moment est venu pour le Japon de se pencher sérieusement sur le problème de la lignée impériale et de choisir le système le plus approprié pour assurer sa pérennité. Le nouvel empereur ne peut pas s’exprimer directement sur le sujet mais son comportement et ses commentaires vont être suivis de très près.

Suite > Les effets contreproductifs d’une attente excessive

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