La cruelle réalité des idoles japonaises

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Au Japon, depuis les années 1970, on appelle « idoles » de jeunes garçons ou de jeunes filles qui dansent en chantant des chansons pop. Certains acquièrent une énorme popularité. Dans le passé, on ne qualifiait d’idoles que les plus célèbres d’entre eux, ceux dont on parlait à la télé, dans les magazines, que l’on voyait apparaître dans les plus grandes salles de concert et même jouer dans les films au cinéma. Mais plus récemment, la définition de l’idole s’est grandement élargie, il peut s’agir de modestes artistes, que l’on peut approcher dans de petites salles de concert, ou lors de séances où les fans viennent leur serrer la main. Cela peut d’ailleurs engendrer des problèmes d’exploitation humaine et de harcèlement, en particulier.

Des premières idoles à l’âge d’or du phénomène

Satô Eriko, exemple de « gravure idole » devenue actrice. Août 2005 (Jiji Press)
Satô Eriko, exemple de « gravure idole » devenue actrice. Août 2005 (Jiji Press)

À l’origine, dans les années 70, le terme d’idole était essentiellement employé pour parler de chanteurs pop masculins, pour lesquels se pâmaient d’amour des collégiennes ou lycéennes qui criaient leur nom d’une voie suraiguë et collectionnaient tous les articles de magazines dans lesquels paraissaient leur nom.

Dans les années 80, l’appellation a gagné les filles, dont le succès était corrélé à leur délicieux angélisme plutôt qu’à leur charme physique.

Dans les années 90, l’agence d’artistes exclusivement masculins Johnny’s (depuis fin 2023, rebaptisée en Smile-Up) a lancé les uns après les autres des boys bands, groupes de garçons spécialisés dans la danse. À partir de ce moment-là, l’appellation « idole » appliquée à des garçons s’est quasiment restreinte à ces groupes affiliés à Johnny’s, et c’est encore le cas aujourd’hui.

AKB48, ou l’émergence du marketing de liste

Le groupe Morning Musume a connu le succès entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, après avoir été formé et effectué ses débuts dans une émission d’auditions télévisuelles. Quand la popularité du groupe, dont les membres avaient toutes l’apparence de jeunes filles ordinaires, commença à baisser, le flambeau fut repris par un groupe encore plus nombreux, AKB48. Lors de leurs débuts en 2005, le succès ne fut pas immédiatement au rendez-vous, et ce n’est qu’en 2009, lors du lancement de leur quatorzième single, qu’elles atteignirent la première place dans les charts. La profession, à ce moment, déclara que « Avec AKB48, le business model des idoles intègre pour de bon le list marketing ». Le list marketing, est une technique marketing qui permet d’élargir le champ d’une activité commerciale par une gestion rationnelle d’une liste de clients (en l’ocurrence les fans).

L’équipe B des AKB48, le 6 septembre 2018, à Tokyo (Jiji Press)

Cette technique du list marketing était mise en œuvre depuis bien longtemps déjà par Johnny’s. En effet, à l’époque où les idoles féminines individuelles brillaient de mille feux, Johnny’s lançait déjà des groupes de garçons composés d’un savant amalgame de personnalités différentes, couplés à des fanclubs pour fidéliser les membres.

La constitution d’AKB48, comprenant une cinquantaine de membres (aujourd’hui plus de cent), permet de donner des concerts dans une salle permanente et d’organiser des sessions au cours desquelles les fans peuvent serrer la main de leurs idoles, en mettant en avant le concept « d’idoles que l’on peut approcher ». Le mérite essentiel de cette technique, pour une entreprise de divertissement, c’est de pouvoir faire des prévisions précises sur les ventes de CD et de places de concert ou d’admission aux événements. AKB48 s’est révélé un produit très puissant, qui peut booster des audiences télé ou des ventes de magazines.

Les 48 membres des AKB48, invitées à une contemplation des cerisiers en fleurs, parrainée par le Premier ministre de l’époque, Asô Tarô, le 18 avril 2009, au parc Shinjuku Gyôen à Tokyo (Jiji Press).
Les 48 membres des AKB48, invitées à une contemplation des cerisiers en fleurs, parrainée par le Premier ministre de l’époque, Asô Tarô, le 18 avril 2009, au parc Shinjuku Gyoen à Tokyo (Jiji Press).

Un acteur de l’industrie du divertissement a déclaré : « Pour mettre en place une stratégie de list marketing, il faut d’abord découvrir des talents en grand nombre, et former un groupe. Pour en faire un groupe d’idoles leader sur le marché, il faut adjoindre à ce groupe des enseignants de première force, qui puissent enseigner le chant, la danse etc, engager du personnel et gérer tout cela avec une extrême précision. Cela demande des investissements énormes qui ne sont à la portée que des grandes agences de divertissement. »

Suite > Le business des « idoles souterraines »

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