Vers une nouvelle ère impériale, vers un nouveau Japon

Les derniers mois de l’empereur Akihito avant son abdication : des cérémonies remplies d'émotion

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Saitô Katsuhisa [Profil]

L’empereur Akihito abdiquera le 30 avril. Les cérémonies accomplies depuis un an sont donc les dernières de son règne. Nous revenons sur celles qui ont rythmé les cinq mois qui viennent de s’écouler.

... et 30 ans de règne d’Akihito

Le 24 février a été organisée au Théâtre national de Tokyo une cérémonie pour célébrer le 30e anniversaire de l’intronisation de l’empereur, à laquelle ont assisté 1 100 invités, à commencer par le Premier ministre Abe Shinzô, ainsi que les représentants des pouvoirs législatif et judiciaire, et bien d’autres personnalités.

Le 12 mars dernier, l’empereur a entamé le premier des 11 rites liés à son abdication . À l’exception du dernier d’entre eux, à savoir la cérémonie officielle d’abdication, les frais sont couverts par les fonds privés de la maison impériale. Le souverain a clairement exprimé son désir de limiter le fardeau financier de la nation jusqu’au bout de son règne. Pour lui, rien ne justifie de dépenser des fonds publics pour des cérémonies à forte teneur religieuse.

La remise des Trésors sacrés

Le caractère unique de l’ensemble de ces manifestations qui marquent la fin de l’ère Heisei leur vaut une grande attention. C’est en effet la première fois depuis plus de deux siècles qu’un empereur abdique, le dernier à l’avoir fait étant l’empereur Kôkaku, qui a régné de 1779 à 1817. Dans les autres cas, les souverains restaient sur le trône jusqu’à leur mort.

Revenons sur l’avènement de l’empereur Akihito. L’état de santé de son père, l’empereur Hirohito, déjà bien dégradé, s’est détérioré davantage dans les premiers jours de l’année 1989 : il est tombé dans le coma le 5 janvier. Deux jours plus tard, le 7 janvier, à 6 heures 33 minutes, le combat contre la maladie qu’il menait depuis 111 jours s’est achevé. L’empereur s’était éteint.

À 10 heures du matin, la cérémonie de remise des insignes impériaux, le premier et le plus important rituel de la succession, a eu lieu dans le salon Matsu-no-ma, la pièce d’apparat de plus haut rang du palais. Pendant celui-ci, le nouvel empereur a reçu deux des Trois Trésors sacrés, à savoir l’épée Kusanagi  et le joyau Magatama, que les souverains se transmettent depuis des temps anciens, ainsi que le Sceau privé du Japon et le Grand Sceau du Japon qu’il appose sur les documents publics de la nation. En raison de cette dimension officielle, cette cérémonie revêt un caractère national.

Cérémonie de transmission des insignes impériaux
Cérémonie de transmission des insignes impériaux (Photo tirée du site officiel de l'Agence de la maison impériale)

Funérailles de Hirohito en présence de réprésentants de 164 États

Trois heures et demie à peine après avoir vu son père expirer, c’est le visage grave et rempli d'affliction que le nouvel empereur a marché jusqu’au centre du salon. Les chambellans qui avaient servi l’empereur Hirohito ont placé devant lui les coffrets contenant les Trois Trésors sacrés. Cette cérémonie n’avait pas été accomplie depuis 62 ans, après le décès de l’empereur Taishô en 1926. Je n’oublierai jamais la silhouette du nouvel empereur qui regardait droit devant lui, pénétré de sa nouvelle responsabilité. Le même jour, un peu après 14 h 30, le nom de la nouvelle ère, Heisei, a été annoncé à la résidence officielle du Premier ministre. La place devant le palais impérial était remplie d’une foule venue signer le registre de condoléances de l’empereur Hirohito.

La cérémonie à la cour après l’accession au trône
La cérémonie à la cour après l’accession au trône (Photo tirée du site officiel de l'Agence de la maison impériale)

Deux jours plus tard, le 9 janvier, a eu lieu une autre cérémonie d’État, la « Première audience de Sa Majesté à la cour » avec la participation des chefs des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et d’autres représentants du peuple japonais. Dans la brève allocution que le nouvel empereur a tenue en utilisant les mots et les tournures de la langue japonaise telle qu’elle est parlée aujourd’hui, il a déclaré ceci : « Je jure de protéger à vos côtés la Constitution japonaise, et de remplir le rôle qu’elle m’assigne, sans jamais cesser d’espérer la poursuite du développement de notre pays, la paix dans le monde, et les progrès du bien-être de l’humanité. »

Le 24 février 1989 ont eu lieu les funérailles de l’empereur Hirohito dans le parc de Shinjuku Gyoen. Il faisait froid ce jour-là, dans les 3 degrés, et il tombait de la neige fondue. Empreinte de la tradition japonaise, elle a commencé sous le regard d’environ 10 000 invités, qui représentaient différents corps japonais, et de nombreux chefs d’État étrangers, dont François Mitterrand et George Bush, ainsi que des représentants de 164 pays, un total surpassant de loin les 119 pays représentés aux funérailles du président Tito de Yougoslavie en 1980.

Les membres de la Garde impériale en costume traditionnel portent le palanquin funéraire pour conduire l’empereur Hirohito à sa dernière demeure. (Jiji Press)
Les membres de la Garde impériale en costume traditionnel portent le palanquin funéraire pour conduire l’empereur Hirohito à sa dernière demeure. (Jiji Press)

Le bâtiment construit pour les funérailles du 24 février 1989 dans le parc Shinjuku Gyōen à Tokyo (Jiji Press)
Le bâtiment construit pour les funérailles du 24 février 1989 dans le parc Shinjuku Gyoen à Tokyo (Jiji Press)

(Photo de titre : le couple impérial quitte le Théâtre national de Tokyo à la fin de la cérémonie commémorant leur 30 ans de règne, le 24 février 2019. Jiji Press)

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Saitô KatsuhisaArticles de l'auteur

Journaliste. Né à Tokyo en 1951. Diplômé du département politique et économie de l’université de Waseda. Il intègre le quotidien Yomiuri Shimbun où il s’occupe de la rubrique justice d’une part, et, de 1986 à 1989, devient envoyé spécial auprès de l’Agence de la maison impériale. Free-lance depuis 2016.

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