Vers une nouvelle ère impériale, vers un nouveau Japon
Le dernier discours pour la paix de l’empereur, sur les traces de son père Hirohito
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Un rôle public important en tant que symbole
En plus de son rôle symbolique, de nombreuses autres activités publiques de l’empereur sont définies par l’article 7 de la loi fondamentale. Tant l’empereur Hirohito (appelé empereur Shôwa au Japon) que le souverain actuel (Akihito) ont toujours accordé une importance particulière à la cérémonie à la mémoire des victimes de guerre, organisée tous les ans le 15 août.
Ce jour marque l’anniversaire de l’annonce par l’empereur Hirohito, en 1945, de la fin de la guerre. Cette cérémonie a pour objectif d’honorer la mémoire des 3,1 millions de personnes mortes pendant la guerre – 2,3 millions de soldats et environ 800 000 civils –, et de prier pour la paix. De nombreux Japonais, sans assister à la cérémonie, observent une minute de silence à midi et écoutent le discours du souverain.
La 73e cérémonie, le 15 août 2018, était la trentième et dernière à laquelle assistait l’empereur actuel. Depuis son accession au trône en 1989, le couple impérial n’en a manqué aucune. L’empereur et l’impératrice, qui ont connu les années de guerre dans leur enfance, ont toujours prié avec ferveur pour la paix.
Le poids d’un message de 300 caractères
À cette occasion, en point d’orgue, il a évoqué « la longue période de paix qui a suivi la guerre », une longue paix de 73 années sans conflits qui n’a pas été si aisée à maintenir.
Nous avons vécu, en effet, l’une des périodes les plus tendues de l’ère Heisei l’année précédente, à cause des missiles nord-coréens qui avaient survolé le Japon. Le dossier nord-coréen n’a pas débouché sur le pire mais, pour autant, le Japon n’est pas à l’abri de se trouver entraîné dans un conflit tiers. Le message de l’empereur et son « espoir que les leçons du passé éviteront une nouvelle guerre », s’il ne fait que 300 caractères, a toujours un poids aussi important (voir notre article sur le discours en question).
L’empereur Hirohito il y a trente ans
Les images du souverain actuel me rappellent celles de la dernière cérémonie à la mémoire des victimes de guerre de l’ère Shôwa, il y a trente ans, en 1988. Car son pas lent et solennel évoquait en tout point celui de son père, l’empereur Hirohito, ce jour-là. Agé de 87 ans, ayant subi une intervention chirurgicale du côlon l’année précédente, il avait perdu 7 kilos et était visiblement affaibli. L’Agence de la maison impériale avait envisagé d’annuler sa participation à la cérémonie, mais l’empereur en personne avait insisté pour la maintenir.
La veille au soir, dans son bureau, il s’était entraîné à lire son allocution, paraît-il. Ce discours, il l’avait déjà lu des dizaines de fois, mais il l’avait tout de même répété jusqu’à être satisfait.
Et le jour J, il a pris place sur la scène du Budôkan à 11 heures 54. Lorsqu’il s’est dirigé vers le pupitre dressé sur la scène, son pas était si lent qu’il n’est pas arrivé à son poste avant les douze coups de midi. Pendant la minute de silence observée ensuite en compagnie des 6 400 proches des victimes, il a vacillé par trois fois. Une minute particulièrement longue.
L’empereur a ensuite prononcé son discours. « Nous souffrons encore en pensant aux nombreuses personnes mortes au combat et ailleurs pendant la dernière guerre. Nous prions, en compagnie de notre peuple, pour le développement de notre pays et la paix dans le monde et exprimons nos plus sincères condoléances. » La teneur est quasiment la même tous les ans, mais les paroles de l’empereur Hirohito, qui n’a pu éviter la guerre et dont le cœur saigne pour les nombreuses victimes, lorsqu’il s’engage une nouvelle fois à ne plus faire la guerre, sont un réconfort pour les Japonais et les proches des victimes, et un rappel de la grandeur de la paix.
Le souverain se savait condamné. Pourtant, le 15 août, il a tenu à s’adresser directement aux Japonais, quoi qu’il arrive, car il était convaincu que c’était sa mission. Cette conviction s’enracinait dans l’annonce de la capitulation du Japon faite de sa propre bouche, 43 ans plus tôt.
Ce fut sa dernière apparition publique. Un mois plus tard, il s’alitait, crachant le sang. Il avait, au pied de la lettre, consacré ses dernières forces à cette cérémonie.
Pour les jeunes générations
À partir de 2019, la cérémonie à laquelle participera le nouveau couple impérial sera entre les mains d’une génération qui n’a pas connu la guerre. C’est un défi pour le nouveau souverain qui, avec son épouse, devra la façonner à l’image d’une nouvelle époque, comme son père et sa mère l’ont fait avant lui.
(Article écrit à l'origine en japonais. Photo de titre : l'empereur Akihito prononce son ultime discours en mémoire des victimes de la guerre, à Tokyo. Le 15 août 2018. Jiji Press)