Comprendre le Japon sous l’angle de la religion
François Xavier et son prosélytisme à l’origine du christianisme au Japon
Histoire Société- English
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François Xavier amène le christianisme au Japon
Le prêtre jésuite François Xavier (1506–1552) débarque au Japon le 15 août 1549, à Kagoshima, sur l’île de Kyûshû, au sud-ouest du pays. Il est dit qu’en ce lieu, le missionnaire espagnol aurait réussi à convertir au christianisme une centaine de Japonais, en découvrant notamment des points de similitude entre les enseignements chrétiens et le bouddhisme.
Cependant, après avoir appris qu’un navire portugais était arrivé à Hirado, une petite île rattachée à celle de Kyûshû, qui appartient à l’actuelle préfecture de Nagasaki, il s’y rend l’été de l’année suivante. Il est accompagné du père Cosme de Torres et d’un autre missionnaire, Juan Fernandez. La mission à Kagoshima est alors confiée au premier converti chrétien du Japon, Anjirô (également connu sous le nom de Yajirô, et plus tard sous le nom de Paulo de Santa Fé), qui avait contribué à donner l’impulsion au voyage de Xavier au Japon. Les deux hommes se sont rencontrés à Malacca (en Malaisie), une ville fortifiée qui était à l’époque une plaque tournante du commerce international. Bien qu’il existe peu d’informations fiables sur la vie d’Anjirô, il aurait fui à l’étranger sur un navire portugais après avoir commis un meurtre à Kagoshima. Il revient avec Xavier en 1549.
Un terrain fructueux
Xavier aurait alors converti plus de personnes en seulement 20 jours de prosélytisme à Hirado qu’en une année entière à Kagoshima. En janvier 1551, la première église du Japon est construite sur l’île, et ses restes se trouvent aujourd’hui au sein du parc Sakigata, près de la maison de commerce hollandaise (reconstruite).
Le prêtre décide de se rendre ensuite à Kyoto, à l’époque capitale du Japon. Il laisse à son compagnon Cosme de Torres la charge de rester à Hirado. En octobre 1550, Xavier cherche à obtenir une audience avec l’empereur pour obtenir la permission de prêcher le christianisme dans tout le pays. Il est particulièrement confiant en ses chances de réussite, suite à son succès à Hirado. Il voyage vers Kyoto en passant par la région de Yamaguchi, mais le tumulte de la période des Royaumes combattants (1467-1568) avait laissé l’ancienne capitale en ruines. En découvrant que l’empereur n’était plus alors qu’une figure symbolique impuissante, Xavier, désabusé, retourne à Yamaguchi.
Il y est alors autorisé à utiliser un temple bouddhique abandonné, où il prêche pendant plusieurs mois. Des documents historiques indiquent qu’il réussit à convertir plus de 500 Japonais pendant six mois jusqu’en mars 1551. Sa nouvelle visite à Hirado le mois suivant est sans doute liée à la construction d’une nouvelle église.
Vers l’Inde et la Chine
En septembre 1551, un navire portugais arrive dans la province de Bungo (aujourd’hui préfecture d’Oita) à Kyûshû. Xavier s’y rend pour entendre les nouvelles des missions jésuites en Inde. Concluant que sa présence était davantage nécessaire dans cette contrée qu’au Japon, il monte immédiatement à bord du bateau.
Cet événement marque la fin du séjour de Xavier au Japon, mais sa trace y reste indélébile. Constatant l’influence de la culture chinoise sur le Japon, il décide de faire route vers la Chine et d’y chercher des convertis. Avant d’arriver à destination, Il pose pied sur l’île de Shangchuan en septembre 1552, mais y décède le 3 décembre à 46 ans d’une maladie exacerbée par son épuisement physique et mental, sans parvenir à atteindre le continent.
Certains des missionnaires qui se sont rendus au Japon avec Xavier ont tenté de continuer leurs activités d’évangélisation, mais c’est seulement quelques années après sa mort que les persécutions et les massacres des chrétiens portugais, espagnols et japonais ont commencé.
Le jésuite japonais Sébastien Kimura
Au fur et à mesure de l’importance du christianisme au Japon, son influence est venue menacer la domination du bouddhisme et le pouvoir même du gouvernement central, ce qui l’a conduit à être traité avec hostilité, puis à être réprimé et combattu. Le premier martyr chrétien au Japon serait Maria Osen, une femme de Hirado exécutée en 1559 après avoir désobéi à l’ordre de son mari de cesser d’adorer la croix.
Toutefois, le plus célèbre des martyrs de Hirado est Sébastien Kimura (1565-1622), le premier prêtre catholique japonais. La famille Kimura avait été chargée par le seigneur de Hirado d’offrir l’hospitalité à Xavier à son arrivée sur l’île en 1550. Une traduction de certains passages bibliques, achevée pendant que Xavier était à Kagoshima, a fait forte impression sur le chef de la maison Kimura, qui a été parmi les 100 premiers habitants de Hirado à être baptisé, recevant le nom chrétien d’Antonio.
Les descendants d’Antonio Kimura étaient étroitement liés à l’histoire ultérieure du christianisme dans la région. Le petit-fils d’Antonio, Sebastian, naît en 1565 et est baptisé très jeune. À l’âge de 12 ans, il devient l’assistant d’un prêtre catholique, jouant un rôle similaire à celui des novices bouddhistes de l’époque.
Malgré la réticence initiale des jésuites à nommer des prêtres japonais, vers 1580, ces derniers finissent par comprendre l’importance de créer un clergé local pour poursuivre leur mission d’évangélisation. En 1585, à l’âge de 19 ans, Sebastian Kimura rejoint la Compagnie de Jésus.
Juste deux ans plus tard, le 24 juillet 1587, peu de temps avant l’achèvement de la réunification du Japon, le shogun Toyotomi Hideyoshi publie l’édit d’expulsion des chrétiens, forçant les croyants à quitter Kyoto et d’autres endroits. Si certains d’entre eux choisissent l’Inde pour exil, d’autres se retirent à Hirado ou à Nagasaki, où le christianisme était particulièrement fort. Ici, les dirigeants régionaux et même les daimyô (seigneurs féodaux) avaient été baptisés, et ce n’est qu’après de nombreuses années que l’édit d’expulsion a été mis en application avec succès dans ces régions.
C’est dans ces circonstances que Sebastian Kimura poursuit son apprentissage du christianisme dans des refuges tels que Shimabara et Amakusa. En 1595, il devient le premier Japonais à fréquenter le collège jésuite de Macao.
Arrêt et exécution
En 1600, année durant laquelle Tokugawa Ieyasu prend le contrôle du Japon suite à la bataille de Sekigahara, Sebastian Kimura retourne dans son pays natal depuis Macao. En septembre 1601, à l’âge de 36 ans, il est ordonné prêtre.
Il est d’abord affecté à Kawachi-no-ura, à Hirado. Mais en 1614, la persécution des chrétiens s’intensifie et de nombreux prêtres sont chassés du pays, bien qu’un nombre considérable de fidèles continuent à adorer le Christ en secret. Le 29 juin 1621, Sebastian Kimura est dénoncé aux autorités par une servante qui avait été amenée au Japon depuis la Corée en tant qu’esclave, et qui croyait qu’en le trahissant, elle gagnerait sa liberté. Kimura et d’autres croyants sont appréhendés avant d’être exécutés sur la colline de Nishizaka en septembre 1622 (le pape François s’y est rendu en novembre 2019). Malgré la persécution, de nombreux chrétiens sont restés cachés, pratiquant secrètement pendant des siècles. Ces chrétiens ont été finalement découverts en mars 1865 par le prêtre français Bernard Petitjean. (Voir notre article à ce sujet : Les îles Gotô : sur les traces des « chrétiens cachés » du Japon)
Le retour du christianisme
En 1873, le gouvernement Meiji nouvellement établi après la Restauration autorise de nouveau la pratique du christianisme. Cependant, il a fallu plusieurs décennies pour que des églises catholiques soient à nouveau construites sur le terrain raboteux de Hirado. Les jésuites ne sont revenus au Japon qu’au début du XXe siècle.
Aujourd’hui, il y a environ 130 églises dans la préfecture de Nagasaki, dont de nombreuses sont situées à Hirado. La plus connue d’entre elles est l’église mémorial Saint François Xavier, construite en 1931 pour remplacer une structure antérieure établie en 1913. Pour célébrer son quarantième anniversaire en 1971, une statue du missionnaire espagnol a été érigée à proximité. Alors que le clocher de l’église peut être vu depuis de nombreuses rues de Hirado, le lieu d’observation le plus célèbre reste celui s’élevant entre les temples de Kômyô-ji et Zuiun-ji.
Les églises de Hirado
La plus ancienne église encore debout à Hirado est l’église Hôki, construite en 1898. À l’origine, les croyants fabriquèrent un autel en 1878, près de son emplacement actuel. L’église est remarquable pour sa façade en brique et ses murs latéraux en bois, ce qui la rend unique parmi les églises japonaises. En 2003, elle est désignée comme « Bien culturel tangible » par le gouvernement préfectoral de Nagasaki. L’église a été un facteur déterminant dans la décision du gouvernement de sélectionner l’arrondissement de Hôki comme « Paysage culturel important » en 2010.
Un autre des édifices chrétiens majeurs de la région est l’église Yamada, sur l’île d’Ikitsuki. Construite en 1912, l’église a été conçue par Tetsukawa Yôsuke, architecte très respecté pour ses constructions religieuses. L’emplacement isolé d’Ikitsuki, situé au-delà de Hirado, en a fait l’un des endroits les plus connus où les chrétiens cachés ont préservé leur foi au cours de leurs 250 années d’exclusion. Cette longue isolation a favorisé une forme distincte de christianisme, que certains pratiquent encore aujourd’hui.
L’église Himosashi, également conçue par Tetsukawa Yôsuke, a été construite en 1929, dans le style européen de l’architecture romane. Pendant de nombreuses années, elle a été la plus grande église du Japon, jusqu’à la reconstruction de la cathédrale d’Urakami à Nagasaki après sa destruction lors du bombardement atomique de 1945. Les murs blancs se détachent sur le bleu du ciel, tandis que les éléments floraux de l’intérieur témoignent de l’influence bouddhique qui prévaut dans le travail de Testukawa.
L’église de Kigatsu, fabriquée en 1962 sur la base d’un gymnase d’école en bois, est également fascinante, malgré son apparence extérieure modeste. À l’intérieur du bâtiment se trouvent 14 illustrations du Chemin de Croix de Nagai Takashi, un médecin survivant du bombardement de Nagasaki et figure majeure du christianisme japonais moderne.
Hirado se classe aux côtés de Nagasaki comme l’une des régions du Japon les plus fortement influencées par le christianisme. Les églises de Hirado ont une importance historique unique, et sont aujourd’hui au centre des efforts pour stimuler le tourisme local auprès des catholiques et des chrétiens en général.
(Voir également notre article : Les Japonais et le christianisme : pourquoi la foi ne prend pas)
Les églises majeures de Hirado
Église Kamikôzaki | 1891 (reconstruite en 2014) |
Église Hôki | 1898 |
Église Furue | 1899 |
Église Ôsashi | 1911 (reconstruite en 1944) |
Église Yamada | 1912 |
Cathédrale Tabira | 1918 |
Église Yamano | 1924 |
Église Himosashi | 1929 |
Église mémorial Saint François Xavier | 1931 |
Église Hiradoguchi | 1952 |
Église Nakano | 1952 |
Église Fukuzaki | 1954 |
Église Kigatsu | 1962 |
Église Ichibu | 1964 |
(Photo de bannière : la statue de François Xavier à l’église-mémorial Saint François Xavier.)