L’héritage de l’ancien Premier ministre Abe Shinzô : retour sur la politique de sécurité

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Kanehara Nobukatsu [Profil]

Kanehara Nobukatsu a servi dans le second gouvernement d’Abe Shinzô en tant que secrétaire en chef adjoint du cabinet et vice-secrétaire général du secrétariat pour la Sécurité nationale. Dans le texte qui suit, il s’interroge sur les résultats obtenus par l’ancien Premier ministre dans le domaine de la diplomatie et de la sécurité.

Une défense dynamique qui s’étend jusqu’en mer de Chine orientale

En 2013, Abe Shinzô a été le premier Premier ministre japonais à promulguer officiellement une stratégie nationale de sécurité, laquelle a ensuite inspiré la révision des National Defense Program Guidelines (principes directeurs du programme national de défense) et, peu après, du Midterm Defense Plan (projet de défense à moyen terme). Ces deux documents ont fait l’objet d’une révision supplémentaire en 2018, supervisée par Abe.

En plus de l’importance stratégique d’ores et déjà accordée à Hokkaidô, Sakhaline et la péninsule coréenne, les nouveaux documents insistent davantage sur la défense des îles Nansei, situées au sud-ouest de l’archipel nippon. Défendre les îles japonaises disséminées dans la vaste région de la mer de Chine orientale contre la RPC et apporter un soutien à Taïwan en cas de problème s’avèrerait une tâche extrêmement difficile. Dans cette perspective, le gouvernement Abe a mis sur pied une force d’intervention amphibie dotée de 3 000 hommes, et les compétences des FAD ont été élargies aux domaines de la guerre cybernétique, électromagnétique et spaciale.

Le budget de la défense était établi à 4,7 milliards de yens en 2012, quand Abe a entamé son second mandat. À son départ, en 2020, il était passé à 5,5 milliards de yens (y compris les dépenses budgétaires supplémentaires). Mais, au cours de la même période, la taille de l’économie chinoise a atteint le triple de celle du Japon et les trois quarts de celle des États-Unis. Les dépenses militaires de la RPC se sont envolées à un rythme encore plus soutenu pour atteindre le quintuple du budget de la défense japonais (environ 25 milliards de yens). En dépit des efforts d’Abe, le Japon est entré dans une ère où consacrer 2 % de son PIB (10 milliards de yens) à la défense, conformément aux normes de l’OTAN, constitue le strict minimum.

Il faut toutefois se souvenir que, à l’origine, les FAD ont été créées pour faire face pendant quelques mois à une invasion soviétique de Hokkaidô, en attendant que les forces américaines viennent prendre la relève. Même en consacrant pendant plusieurs années 2 % du PIB à la défense, il y a peu de chances que les FAD acquièrent la capacité de contenir ou de repousser les forces chinoises pendant une longue période. Abe a bien compris la nécessité de consolider les capacités des FAD. Le Japon a désespérément besoin d’un dirigeant qui puisse continuer de marcher sur les traces d’Abe en procédant à un renforcement significatif de la capacité du Japon en matière de défense nationale.

(Photo : Abe Shinzô et le Premier ministre indien Modi avant leur rencontre du 29 octobre 2018, dans la résidence du Premier ministre. Jiji Press)

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Kanehara NobukatsuArticles de l'auteur

Professeur invité, Université Dôshisha, spécialiste des relations internationales, des études relatives à la sécurité et de l’histoire de la diplomatie. Né en 1959 dans la préfecture de Yamaguchi. Diplômé de l’Université de Tokyo, il est entré au ministère des Affaires étrangères, où il a occupé le poste de directeur général du bureau du Droit international. A également exercé les fonctions de secrétaire en chef adjoint du cabinet et de vice-secrétaire général du secrétariat pour la Sécurité nationale, avant de se retirer de la fonction publique et de prendre son poste actuel en 2020.

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