50 ans depuis le retour d'Okinawa sous la souverainté japonaise

Les souffrances économiques d’Okinawa, 50 ans après son retour au Japon

Économie Politique

Okinawa a été restitué au Japon le 15 mai 1972, après une occupation de 27 ans par l’armée américaine, postérieure à la très meurtrière Bataille d’Okinawa. Un demi-siècle plus tard, il est indéniable que l’économie de la préfecture d’Okinawa n’est pas au niveau que de celle du reste du Japon. L’île est confrontée à de nombreux problèmes, chômage, bas revenus, présence des bases militaires américaines, et la crise sanitaire l’a beaucoup touchée.

L’impact direct de la crise sanitaire sur le tourisme

Quel est le secteur économique le plus important pour l’île ? Le tourisme, répondraient sans doute les personnes qui y travaillent. Mais le marché ne s’est pas encore remis de la pandémie de Covid-19 qui a débuté dans la première moitié de l’année 2020.

Le nombre de visiteurs à Okinawa en témoigne. Selon les chiffres de la préfecture, le nombre de touristes, qui était de 440 000 par an à l’époque de la rétrocession au Japon, a franchi la barre des 5 millions en 2003, et celle des 10 millions en 2019. Les touristes affluaient dans la rue principale de Naha, la Kokusai-dôri, et 3 millions d’entre eux venaient des pays voisins comme la Chine, Taiwan, ou la Corée du Sud. Avec la crise sanitaire, l’affluence a baissé des deux tiers... Il n’y a quasiment plus de visiteurs étrangers. Étant donné que les revenus liés au tourisme de la préfecture ont atteint leur plus haut niveau en 2019, avec 734 milliards de yens (5,3 milliards d’euros), le coup porté à ce secteur affecte gravement l’économie d’Okinawa.

Pour Takeda Tomoo, directeur de l’Institut de recherche de la Banque des Ryūkyū, « une fois que les restrictions de déplacements seront levées, la situation devrait s’améliorer. Depuis la fin mars, les touristes donnent des signes de retour, et le taux d’occupation des hôtels remonte. » L’évolution de la pandémie dans le monde est une question de première importance pour l’économie de l’île.

Les travaux publics sont le second pilier de l’économie de la préfecture, autant que le tourisme. Les entreprises du bâtiment représentent une part importante de son activité économique. Lorsqu’on examine la composition de celle-ci par secteur, le secteur manufacturier représente environ 4 %, et le BTP plus de 13 %. « L’industrie manufacturière n’a pas pris racine ici, et les pouvoirs publics ont renoncé à inciter des entreprises de ce secteur à s’installer ici. La réalité de la structure économique, à savoir la dépendance de la préfecture sur les travaux publics et le tourisme, n’a pas changé », souligne M. Takeda.

Taux de chômage élevé et précarité des jeunes

D’autres problèmes économiques existent également. Le revenu moyen par habitant, environ 2,4 millions de yens (17 000 euros), est le plus bas des 47 préfectures du Japon. La situation de l’emploi n’est pas plus reluisante, avec un taux de chômage d’un à deux points plus élevé que dans le reste du pays. Les jeunes sont particulièrement affectés : en 2020, le pourcentage de personnes n’ayant aucune activité parmi les chômeurs de moins de 29 ans était de 32 %, contre une moyenne nationale de 26,7 %.

Le professeur Maedomari souligne que pour remédier à cette situation, il est urgent d ’améliorer l’offre de formation professionnelle.

« On a souvent dit que la formation professionnelle était importante, mais c’est un problème difficile à régler. Le taux d’accès à l’enseignement supérieur dans la préfecture est de 39 %, le plus bas du Japon. Les jeunes qui n’ont pas fait d’études universitaires ont des emplois précaires, et mal payés. De plus, 80 % des étudiants travaillent pour payer leurs études. Ce problème structurel ne pourrait être résolu que par des mesures concrètes. »

L’essence du problème reste la même

Après la Bataille d’Okinawa, la population locale a été rassemblée dans des camps, où elle a vécu pendant un an principalement des distributions de l’armée américaine, sans accès à l’argent. Le développement réalisé par la puissance occupante, qui accordait la priorité aux objectifs militaires, étaient la priorité, avait ses limites. Le niveau des prix et des salaires n’était pas du tout le même dans cet Okinawa occupé que dans le reste du Japon qui connaissait la croissance économique rapide. L’ajustement qui s’est produit au moment du retour au Japon était inévitable, et cela s’est traduit en partie par l’inflation qui a frappé Okinawa.

Un demi-siècle plus tard, la présence des bases militaires américaines qui empêchent le développement du territoire est toujours aussi pesante. Quand on réfléchit à la situation sous cet angle, il semble douteux que le slogan qui fleurissait au moment de la restitution, « comme dans le reste du Japon », puisse se réaliser sur le plan de l’économie.

Makino Hirotaka, ancien vice-gouverneur de la préfecture avait écrit il y a 40 ans : « Pour comprendre correctement les mesures économiques dans l’Okinawa d’après-guerre, il est absolument indispensable de saisir quel était le but recherché de ces mesures gouvernementales pour Okinawa décidées par le Japon et les États-Unis, parce qu’elles sont à l’origine de tout. »

Cette remarque est toujours valable un demi-siècle après la réunification avec le Japon. Et les limites de l’économie d’Okinawa attestent de la réalité.

(Voir également notre article : 50 ans après le retour d’Okinawa au Japon : un rôle clé vers une prospérité de la zone Asie-Pacifique)

(Photo de titre : l’assemblée pour protéger les habitants d’Okinawa contre la crise du dollar, organisée pour protester contre les mesures monétaires du gouvernement japonais, le 1er septembre 1971, dans le parc Yogi de Naha. Jiji)

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