50 ans depuis le retour d'Okinawa sous la souverainté japonaise

50 ans après le retour d’Okinawa au Japon : un rôle clé vers une prospérité de la zone Asie-Pacifique

Politique

Miyagi Taizô [Profil]

Au cours de sa longue histoire, Okinawa a souvent été ballottée par les événements dramatiques de la politique internationale. Après un examen des progrès accomplis à ce jour, 50 ans après son retour sous souverainté japonaise, l’auteur de l’article, dont les parents sont originaires de l’île, explique qu’il est nécessaire de lancer des initiatives politiques et diplomatiques pour faire d’Okinawa un lieu au cœur de la paix et de la prospérité régionale.

Le tragédie du viol de 1995 : un tournant

Si j’ai parlé de mes souvenirs personnels d’Okinawa après le retour de l’île au Japon, c’est parce que je suis très conscient que la situation et l’atmosphère qui baignaient sur l’île ont drastiquement changé en 1995. À l’automne 1995 plus exactement, trois militaires américains ont enlevé et violé une mineure qui rentrait chez elle en rentrant des courses. Cet événement a provoqué l’indignation durable de la population d’Okinawa.

Ce n’était pourtant pas la première fois que ce type d’incident se produisait, mais sous l’occupation américaine, la population était obligée de se résigner. Cette fois, le gouvernement japonais comme le gouvernement américain ont voulu considérer l’affaire comme « un incident malheureux causé par quelques soldats sans scrupules ». Cela n’a pas convaincu la population, qui l’a vu comme « une tragédie qui se répète depuis un demi-siècle après la fin de la guerre et qui continuera tant qu’il y aura des bases militaires américaines sur notre île ». « L’écart de perception » (Ryûkyû Shimpô, 29 septembre 1995) entre la population locale et le gouvernement japonais concernant l’impact de l’incident était hautement significatif.

Un rassemblement de protestation, le 21 octobre de la même année, attira 85 000 personnes (selon les organisateurs), soit 1 habitant de la préfecture sur 15, alors qu’il n’en était attendus que 50 000. Ce fut le plus important rassemblement de protestation depuis la rétrocession.

Le rassemblement de la population de la préfecture d'Okinawa pour protester contre l'agression d'une jeune fille par des soldats américains, le 21 octobre 1995, au parc Kaihin, ville de Ginowan, préfecture d'Okinawa (Jiji press)
Le rassemblement de la population de la préfecture d’Okinawa pour protester contre l’agression d’une jeune fille par des soldats américains, le 21 octobre 1995, au parc Kaihin, ville de Ginowan, préfecture d’Okinawa. (Jiji press)

Les bases militaires deviendront-elles pérennes ?

Dès lors, la question des bases à Okinawa est devenue un sujet clé de la politique nationale. Outre l’incident dont nous avons parlé, un autre événement significatif fut le refus du gouverneur d’Okinawa Ôta Masahide de signer le renouvellement du contrat de mise à disposition des terrains en lieu et place des propriétaires qui désiraient récupérer leurs terres, par crainte que cela pérennise l’état de fait de la présence des bases américaines, en dépit de la fin de la Guerre Froide.

Il convient de préciser la situation : les bases américaines ont été construites sur des terrains privés réquisitionnés malgré la volonté de leurs propriétaires respectifs. Et si le propriétaire refusait de mettre son terrain à la disposition des autorités, le gouverneur pouvait signer à sa place. Mais si le gouverneur lui-même refuse, alors l’occupation du terrain devient illégale (ce pouvoir a depuis été supprimé par la loi locale).

Par ce geste, l’opinion okinawaïenne a créé un vent de panique sur les gouvernements japonais et américains, qui ont été obligés de prendre des mesures d’urgence. Derrière cela, il faut voir le ras le bol de la population locale, qui a le sentiment que, puisqu’Okinawa était formellement revenu au Japon, la question okinawaïenne, en particulier la réduction des bases militaires et l’allégement de la pression sur la population locale, semblait devenue très secondaire pour les responsables politiques. D’un seul trait de plume, la colère que leur paresse avait laissé s’accumuler leur a sauté au visage.

Suite > De l’accord pour le retour de la base de Futenma à la confrontation avec le gouvernement

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Miyagi TaizôArticles de l'auteur

Professeur associé à la Faculté de Global Studies de l’Université Sophia à Tokyo, né en 1968. Après des études à la Faculté de droit de l’Université Rikkyô, il travaille comme journaliste à la NHK puis reprend des études à l’Université Hitotsubashi où il enseigne ensuite avant de rejoindre Sophia. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire du Japon de l’après-guerre, notamment « Une nation maritime – Histoire du Japon de l’après-guerre » (Kaiyô kokka Nihon no sengoshi, éditions Chikuma, 2008) ou encore « Une histoire de la diplomatie japonaise contemporaine » (Gendai Nihon gaikôshi, éditions Chûkô Shinsho, 2016)

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