Comment restaurer l’intégrité financière du Japon

Pourquoi la taxe à la consommation japonaise est-elle inférieure à la moyenne de l’OCDE ?

Économie

Kidera Hajime [Profil]

Le taux de 8 % en vigueur aujourd’hui au Japon pour la taxe à la consommation est plutôt bas en comparaison avec les autres pays avancés. Cette situation s’explique par la préférence que le ministère des Finances affiche depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour les politiques fiscales axées sur l’impôt sur le revenu, ainsi que par les reculs électoraux enregistrés par les gouvernements qui ont cherché à introduire une taxe généralisée à la consommation, ou à augmenter le taux de la taxe existante.

Le Bureau du Premier ministre prend le contrôle

La domination exercée sur l’élaboration des politiques fiscales du gouvernement par une instance relevant d’un parti a été remise en question à de nombreuses reprises. En 2009, quand le Parti démocrate du Japon a pris le pouvoir, la commission fiscale au niveau du parti a été abolie et l’élaboration des politiques est revenue à la Commission fiscale du Bureau des impôts. À l’origine, le gouvernement PDJ n’était pas favorable à l’augmentation du taux de la taxe à la consommation, mais la chute brutale des recettes fiscales consécutive à la crise financière mondiale l’a contraint a changer de politique.

Le Premier ministre Kan Naoto pensait qu’il pourrait obtenir la compréhension des électeurs s’il faisait du renforcement de la sécurité sociale l’objectif de l’augmentation de la taxe à la consommation et il s’engagea sur cette voie. Yosano Kaoru, nommé ministre de la Politique économique et fiscale en 2011, reçut le soutien du ministère des Finances et élabora un programme en vue de faire passer progressivement la taxe à la consommation à 10 % d’ici l’exercice fiscal 2015. Avec l’approbation du Premier ministre Kan, la réforme fiscale se déroula sous la direction du Bureau du Premier ministre. Noda Yoshihiko, qui succéda à Kan à la tête du gouvernement, réactiva la Commission fiscale du parti en tant que lieu de débat, mais il continua d’accorder son soutien au Bureau du Premier ministre pour la conduite de la réforme fiscale.

Les dirigeants de la Commission fiscale du PLD étaient favorables à ces initiatives. La Commission fiscale coordonnait les points de vue au sein du PLD et prenait en compte les propositions du PDJ. Cet arrangement finit par déboucher sur un accord tripartite entre le PLD, le PDJ et le Kômeitô pour faire passer la taxe à la consommation à 8 % en avril 2014 et à 10 % en octobre 2015. Un projet de loi d’augmentation de la taxe à la consommation proposé en août 2012 fut adopté.

Le PLD revint au pouvoir la même année. Le second gouvernement Abe, formé en décembre, fit entrer un grand nombre de fonctionnaires du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie au Bureau du Premier ministre. À l’époque des « Abenomics », les politiques économiques qu’il avait mises en chantier (voir notre article lié), le Premier ministre Abe craignait que l’augmentation de la taxe à la consommation sape l’économie, et il ne se montrait pas très empressé à appliquer l’accord tripartite.

L’approbation de l’augmentation de 2014 de la taxe à la consommation fut obtenue en y associant la réforme de la taxe sur les entreprises réclamée par le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI). Le ministère des Finances négocia avec le Bureau du Premier ministre et le METI, mais la commission fiscale du parti fut tenue à l’écart. Le ministère des Finances avait calculé que le PIB continuerait de progresser si la taxe à la consommation était portée à 8 %, un point de vue que partageait le Premier ministre Abe. Mais en réalité, le PIB enregistra une croissance négative.

Abe, qui commençait à se méfier du ministère des Finances, ajourna l’augmentation de la taxe à la consommation prévue pour le mois de novembre 2014 et procéda à la dissolution de la Chambre des représentants. Lors de l’élection qui s’ensuivit, la coalition au pouvoir conserva la quasi-totalité de ses sièges. Puis, en 2016, Abe annonça qu’il allait à nouveau repousser l’augmentation de la taxe à la consommation et la reporter à deux ans et demi plus tard.

On dit que ces ajournements ont été orchestrés par les fonctionnaires du Bureau du Premier ministre et du METI. Le ministère des Finances et la commission fiscale du parti ne furent pas invités à prendre part au processus de décision. En se présentant à l’élection générale de 2017, Abe déclara qu’il allait augmenter la taxe à la consommation conformément au calendrier annoncé, mais il promit en outre d’utiliser la moitié de l’accroissement de 5 000 milliards de yens des recettes provenant de l’augmentation de deux points de pourcentage de la taxe à la consommation pour financer des mesures d’aide aux familles ayant des enfants à charge. Le supplément de recettes qui était censé servir au remboursement de la dette se voyait ainsi détourné au profit du financement de mesures politiques. Le rétablissement de l’équilibre des finances publiques auquel aspirait le ministère des Finances allait devoir attendre.

Suite > La taxe à la consommation et l’avenir de la politique japonaise

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Kidera HajimeArticles de l'auteur

Professeur associé à l’École des sciences politiques et d’économie de l’Université Meiji. Né à Tokyo en 1978. Il est l’auteur de divers ouvrages, dont Futatsu no seiken kôtai : seisaku wa kawattanoka (Deux changements au sein de l’administration : les politiques du gouvernement ont-elles changé ?).

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