Une Constitution inchangée depuis 1946

Élargir la réflexion sur la réforme de la Constitution japonaise

Politique

Au Japon, le débat sur la révision de la Constitution a tendance à se focaliser sur des questions très controversées comme celle de l’Article 9 (où le Japon renonce à tout jamais à la guerre). Le spécialiste du droit constitutionnel Inoue Takeshi plaide pour un élargissement du débat à des enjeux tels que les droits environnementaux, l’égalité des sexes et l’équité intergénérationnelle, de façon à ouvrir la voie aux réformes nécessaires à la consolidation et à la modernisation de la démocratie japonaise.

Les problèmes spécifiques de la Constitution japonaise

Qu’en est-il du Japon ? Bien des observateurs, qui connaissent par expérience la paralysie qu’entraîne une division de la Diète, se posent des questions sur les compétences de la Chambre des conseillers au regard de la Constitution. La désignation du Premier ministre ne relève que de la Chambre des représentants, qui est aussi la seule instance habilitée à déposer une motion de censure, ce qui montre bien que la responsabilité collective du cabinet est engagée devant la Chambre basse. Il n’en reste pas moins que la Chambre des conseillers a le pouvoir de bloquer les textes de loi, et qu’il en a résulté des situations où des gouvernements, comme celui du Premier ministre Hashimoto Ryûtarô en 1998, ont été contraints de démissionner à la suite d’un revers électoral à la Chambre haute. De tels disfonctionnements politiques semblent suffire à justifier la nécessité de revoir les compétences attribuées par la Constitution à la chambre haute, et peut-être même de repenser intégralement le concept de bicaméralisme (système parlementaire dans lequel le Parlement est divisé en deux chambres).

Un autre problème qui se pose en relation avec la Constitution est l’absence d’un système efficace de suivi judiciaire, autrement dit d’un mécanisme dans lequel une ou plusieurs cours de justice sont chargées de vérifier que les lois sont conformes à la Constitution et peuvent invalider celles qui ne le sont pas. Au cours des 70 années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de la Constitution japonaise, seules dix lois ont fait l’objet d’un arrêt négatif de la Cour suprême. Ce chiffre ne représente qu’une toute petite fraction du nombre des lois annulées dans d’autres démocraties.

Étroitement lié à ce problème est celui de la mauvaise répartition des sièges électoraux au Japon. Élection après élection, la Cour suprême a estimé que les grandes disparités de valeur des votes constituent une violation de la Constitution. Et pourtant elle n’a jamais invalidé une élection à ce motif. Il y a 40 ans que la Cour suprême rend des jugements de ce genre, et elle n’a toujours pas réussi à résoudre le problème. Le moment est venu de débattre sérieusement des éventuels avantages que l’existence d’une cour constitutionnelle – communément admise par le droit constitutionnel d’aujourd’hui – apporterait à notre système actuel.

Une Constitution moderne devrait sans doute intégrer des principes visant à la protection de l’environnement et de la vie privée, questions qui n’étaient pas à l’ordre du jour il y a 70 ans. La Constitution pourrait aussi offrir un outil pour relever le défi que posent le vieillissement et le déclin de la population. L’insertion dans la Constitution de clauses instaurant des principes comme l’assainissement des finances publiques et l’égalité intergénérationnelle pourrait faciliter le passage d’une loi sur l’équilibre budgétaire ou la création de circonscriptions électorales par tranches d’âge garantissant une représentation adéquate des jeunes élus dans les instances législatives. Sachant que les femmes ne représentent encore que 20 % des membres de la Diète, on pourrait aussi envisager d’intégrer le principe de la parité des sexes, comme l’a fait la France.

Aujourd’hui, 70 ans après l’entrée en vigueur de la Constitution, il incombe aux Japonais de délibérer et de décider si le moment est venu de remédier à ces lacunes. Transcendons les lignes de conflit politiques dans lesquelles le débat se trouve depuis si longtemps circonscrit et abordons le sujet de façon rationnelle et non émotionnelle, à partir d’un examen des mérites et des lacunes de la Constitution d’après-guerre ainsi que des défis que le Japon va devoir relever au XXIe siècle.

(D’après un article en japonais du 12 juillet 2017. Photo de titre : Jiji Press)

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