Une Constitution inchangée depuis 1946

Élargir la réflexion sur la réforme de la Constitution japonaise

Politique

Au Japon, le débat sur la révision de la Constitution a tendance à se focaliser sur des questions très controversées comme celle de l’Article 9 (où le Japon renonce à tout jamais à la guerre). Le spécialiste du droit constitutionnel Inoue Takeshi plaide pour un élargissement du débat à des enjeux tels que les droits environnementaux, l’égalité des sexes et l’équité intergénérationnelle, de façon à ouvrir la voie aux réformes nécessaires à la consolidation et à la modernisation de la démocratie japonaise.

Une Constitution intouchée

La Constitution japonaise de 1947 n’a jamais été amendée. Les Constitutions, qui exposent les principes fondamentaux du gouvernement des nations, sont censées être à l’épreuve du temps. Ceci dit, leur contenu porte immanquablement l’empreinte spécifique des conditions politiques et sociales qui prévalaient à l’époque de leur rédaction, or ces conditions sont vouées à changer avec le temps.

Il est clair que la situation et les questions auxquelles le Japon se trouve aujourd’hui confronté ne sont pas les mêmes qu’il y a 70 ans. Et pourtant, pas un seul mot de la Constitution n’a été modifié pour répondre aux problèmes qui sont apparus au cours des sept dernières décennies.

D’autres grandes démocraties se sont montrées beaucoup plus ouvertes à la réforme de leurs Constitutions. L’Allemagne a modifié la sienne à 60 reprises depuis son entrée en vigueur en 1949. La France a amendé 24 fois sa Constitution de 1958. Les États-Unis ont adopté des amendements constitutionnels en 18 occasions depuis 1787, dont 6 depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En termes de contenu, la majorité de ces révisions peuvent se classer en trois catégories. La première vise à répondre à des problèmes de gouvernance, tels que déséquilibres ou tensions au sein de l’appareil du pouvoir. Ainsi, en 2000, la France a amendé sa Constitution pour ramener le mandat présidentiel de sept à cinq ans, afin d’éviter la paralysie résultant de la division du pouvoir. Le deuxième groupe est celui des réformes conçues pour moderniser le gouvernement via la mise à jour des systèmes et des procédures de gouvernance. Emblématiques à cet égard sont les créations de cours constitutionnelles, très répandues depuis la Seconde Guerre mondiale. La troisième catégorie regroupe les réformes liées à l’établissement de nouveaux droits ou principes de base, par exemple les droits environnementaux. Depuis quelques années, les pays européens sont de plus en plus nombreux à intégrer dans leurs lois fondamentales des principes comme l’équilibre des finances publiques ou l’abolition de la peine de mort.

Un exemple particulièrement intéressant à cet égard réside dans le choix qu’a fait la France de recourir à la Constitution pour s’attaquer au problème persistant de l’inégalité des sexes. L’amendement de 1999 sur l’égalité des sexes a servi à faire passer de nouvelles lois électorales, contenant des clauses imposant une représentation égale et tournante sur les listes des partis pour le scrutin proportionnel et l’appariement de candidats hommes et femmes pour le scrutin majoritaire lors des élections locales. Grâce à cela, 48 % des conseillers régionaux et municipaux ainsi que 50 % des conseillers départementaux élus lors des élections locales de 2015 étaient des femmes. Ce fait illustre l’usage qui est fait en dehors du Japon du processus d’amendement pour répondre à des problèmes apparus après l’adoption des Constitutions.

Suite > Les problèmes spécifiques de la Constitution japonaise

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