Les femmes dans le Japon d’aujourd’hui

Les mères célibataires japonaises

Politique Société

Akaishi Chieko [Profil]

Au Japon, le nombre des mères célibataires ne cesse d’augmenter et la vie de ces femmes qui se battent pour s’en sortir est trop souvent synonyme de pauvreté. Akaishi Chieko connaît bien le problème pour l’avoir vécu elle-même de l’intérieur. Dans les lignes qui suivent, elle donne un aperçu saisissant de la situation des Japonaises qui sont victimes non seulement de la discrimination traditionnelle hommes-femmes mais aussi de l’aggravation de la pauvreté et des inégalités en matière de salaire dans l’Archipel.

Un système social toujours bien ancré dans les mentalités

Si les salaires des femmes sont aussi bas, c’est parce que le principe traditionnel de la répartition des rôles en fonction du sexe sur lequel repose la société japonaise est toujours ancré dans les mentalités. Le système actuel s’est mis en place dans les années 1950-1960, au moment de la période de haute croissance économique de l’Archipel. Il a pris la forme d’un modèle familial où le mari consacre de longues heures à son travail, loin de son foyer, tandis que son épouse reste à la maison pour effectuer toutes les tâches ménagères, s’occuper des enfants et prendre soin de leurs vieux parents. Celle-ci travaille aussi au besoin à mi-temps afin d’augmenter les revenus du ménage.

Ce modèle social a eu et continue d’avoir un succès d’autant plus grand qu’il va de pair avec des avantages conséquents sous la forme de prestations payées par l’entreprise, d’un abattement fiscal et d’exemption de cotisations de retraite pour l’épouse au titre de femme au foyer. À l’heure actuelle, 60 % des Japonaises quittent leur emploi après leur mariage ou la naissance de leur premier enfant pour pouvoir se consacrer à plein temps à leur famille.

Les mères célibataires sont les premières victimes de ce système dans la mesure où elles doivent gagner suffisamment pour subvenir aux besoins de leurs enfants alors que le marché du travail n’est conçu que pour des épouses désireuses de compléter les revenus de leur foyer tout en élevant leur progéniture. En cas de divorce, les femmes qui se sont conformées aux exigences de la société en interrompant leur carrière sont plus pénalisées que celles qui ont conservé leur emploi et ont, de ce fait, tendance à s’en sortir un peu mieux.

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Des chances inégales en fonction du niveau d’études

La proportion des mères célibataires qui ont un emploi stable est d’à peine 40 %. Plus de 50 % d’entre elles doivent se contenter d’un travail précaire et l’écart entre ces deux cas de figure continue à se creuser au fil des années. Celles qui ont la chance d’avoir un CDI gagnent en moyenne 2 700 000 yens par an alors que celles qui travaillent à temps partiel, dans le cadre d’un CDD ou sont rémunérées à l’heure touchent à peine 1 250 000 yens.

Un autre facteur déterminant dans le niveau de vie des mères célibataires, c’est la classe sociale à laquelle elles appartiennent en fonction notamment de leur niveau d’études. 13,3 % des chefs de famille monoparentale ne sont pas allés plus loin que le collège en ce qui concerne les femmes et 15,4 % en ce qui concerne les hommes. Ce pourcentage est de 5 % chez les femmes mariées. Le revenu moyen des mères célibataires qui n’ont pas accédé au lycée est de 1 290 000 yens. Or au Japon, le diplôme de fin d’études secondaires est indispensable pour l’obtention de licences et de brevets professionnels. Ceux qui se sont arrêtés après le collège n’ont qu’un choix très limité en matière de carrière et c’est pourquoi beaucoup se retrouvent au chômage ou avec un emploi précaire mal rémunéré.

Pour illustrer mon propos, je vais maintenant évoquer deux cas représentatifs de ce qui se passe dans la réalité.

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Akaishi ChiekoArticles de l'auteur

Née en 1955 à Tokyo. Mère célibataire. Présidente de l’organisation à but non lucratif « Single Mothers’ Forum » (Forum des mères célibataires) qui s’efforce de donner aux mères célibataires et à leurs enfants les moyens de vivre pleinement. Collaboratrice du « Réseau contre la pauvreté » (Han-hinkon network). Membre du Comité pour le soutien des familles monoparentales de la Commission de la sécurité sociale du gouvernement. Membre du comité de presse du journal Asahi. Auteur de divers ouvrages dont Boshi katei ni kanpai! (Vive les familles monoparentales ! Gendai shokan 1994) et Hitori oya katei (Les familles monoparentales, Iwanami shinsho, 2014).

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