Réfléchir à Okinawa

Qu’est-ce que l’identité d’Okinawa ?

Politique

Que recouvre l’identité d’Okinawa qui forme le pivot de l’opposition au projet du gouvernement Abe d’imposer le transfert d’une base américaine à Henoko ? Nous présentons ce mouvement fondé sur la reconnaissance de l’histoire des habitants d’Okinawa et des discriminations structurelles subies par cet archipel qui vise à créer une solidarité unissant la société d’Okinawa.

Faire connaître au monde les atteintes aux droits de l’homme que subit Okinawa

La Convention générale de l’archipel (ou Shimagurumi kaigi, qui est à l’origine du « Mémoire » dont il a été question plus haut), dans laquelle je suis engagé, est fondée sur le constitutionnalisme en droit international. Elle recherche la participation et la solidarité des gens du monde entier autour des valeurs et de l’éthique universelles. La déclaration sur le droit des peuples autochtones a été adoptée par les Nations unies, dont les instances ont appelé le Japon à garantir les droits du peuple autochtone d’Okinawa. Ce mouvement milite pour le respect du droit à l’autodétermination mais ne limite ni l’adhésion ni la participation à ses activités au « peuple autochtone » d’Okinawa.

Les valeurs qui comptent le plus pour la Convention sont des valeurs universellement admises, liées aux droits de l’homme, et plus précisément des normes internationales relevant de traités et d’accords ratifiés par le Japon, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Droit international des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies a déjà établi en 2010 que la concentration des bases américaine à Okinawa constitue « une discrimination raciale de forme moderne ». Cette perception qu’il s’agit d’une atteinte aux droits de l’homme vis-à-vis de la population d’Okinawa est aussi exprimée notamment dans un rapport spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ou encore dans des opinions du Comité des droits de l’homme. La convention Shimagurumi kaigi souhaite faire connaître ces documents et ainsi faire augmenter au niveau mondial l’écho que rencontrent les plaintes des habitants d’Okinawa.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a publié en août 2014 ses observations finales dans lesquelles il pose que les Okinawaïens constituent une population autochtone et recommande que leurs droits soient protégés. Le point essentiel de ces observations est que les habitants d’Okinawa ont le droit de décider de leur statut politique eux-mêmes, en toute liberté, quelle que soit la forme qu’il prenne (indépendance, collectivité autonome au sein du Japon, préfecture du Japon).

Une atteinte à la liberté de développement économique

L’article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pose la liberté de statut politique, ainsi que la liberté de développement économique, culturel et social. Les atteintes à la liberté de développement économique forment un thème fréquemment discuté ces dernières années à Okinawa. Le gouvernement japonais affirme qu’il a l’autorité de définir des « Plans de promotion d’Okinawa » et que ceux qu’il a mis en place tiennent suffisamment compte d’Okinawa, mais le développement économique devrait être adapté aux véritables besoins de la région en termes de culture et de langue locale, et de respect de la nature.

De plus, depuis la fin des années 1990, les milieux économiques d’Okinawa se sont montré critiques de l’approche utilisée pour distribuer des subventions, c’est-à-dire de la manière dont l’État attribue ses fonds, sous la forme de projets de promotion semblables à des pots-de-vin payés pour compenser la présence des bases américaines. Si de nombreuses sociétés, y compris des entreprises de BTP, ont pris parti pour le camp Onaga lors des élections au poste de gouverneur en 2014, c’est parce qu’elles partageaient la perception que le système actuel est non seulement inefficace mais constitue aussi une entrave à l’indépendance économique d’Okinawa.

Aujourd’hui, l’idée qu’Okinawa subit des discriminations structurelles, à commencer par l’obligation d’abriter de nombreuses bases, est sans aucun doute plus répandue qu’autrefois.

La loi sur l’usage provisoire du domaine foncier public à Okinawa adoptée en mai 1972, au moment de la rétrocession, fournit un exemple extrême de ce type de discrimination. Elle a été conçue pour transformer les terrains que l’armée américaine s’était appropriés pour y construire des installations en domaine foncier public sans possibilité pour les propriétaires de s’y opposer, et sans aucune justification de cette appropriation. L’article 95 de la Constitution japonaise stipule qu’une loi spéciale qui ne s’applique qu’à une collectivité locale spécifique ne peut être adoptée sans que la population n’ait exprimé son accord par un référendum. Cela signifie qu’un référendum aurait dû avoir lieu avant 1972.

Suite > La solidarité sociale devient une identité de l’archipel

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