La reconstruction après le séisme : le bilan de quatre années

Onagawa : la vie reprend, quatre ans après le tsunami

Société

La ville d’Onagawa qui se trouve au nord de Sendai, dans la préfecture de Miyagi, a été complètement ravagée par le terrible séisme suivi d’un tsunami du 11 mars 2011. Quatre ans plus tard, la ligne de chemin de fer locale a enfin été rétablie et les activités de pêche et d’aquaculture commencent à reprendre. Le journaliste Kikuchi Masanori, qui connaît bien les lieux, nous entraîne à sa suite pour un nouveau reportage.

Le renouveau de l’industrie de la pêche

Itô Kazuyuki a malgré tout réussi à reprendre rapidement son activité. Il a commencé par installer trois nouveaux radeaux pendant la période où il a habité dans un logement temporaire. Il a ensuite commandé des juvéniles en provenance d’Hokkaidô et cultivé à nouveau des coquilles Saint-Jacques. Son exploitation compte à présent dix radeaux. Grâce à des aides entre autres du gouvernement, il a remplacé son bateau. Cette année, le chiffre d’affaires de son entreprise s’est élevé à quelque dix millions de yens ( environ 73 000 euros), c’est-à-dire l’équivalent d’avant la catastrophe du 11 mars 2011. Et à la fin de l’année 2014, l’aquaculteur a vu se réaliser le souhait qui lui tenait tant à cœur de reconstruire sa maison sur un terrain en hauteur.

La récolte de coquilles Saint-Jacques d’Itô Kazuyuki est à présent aussi abondante qu’avant le tsunami de 2011. « Après la catastrophe, j’ai fait tout ce que je pouvais pour m’en sortir et c’est comme ça que je suis arrivé là où j’en suis aujourd’hui », explique l’aquaculteur.

Le visage d’Itô Kazuyuki est devenu plus grave quand il a ajouté : « Les blessures du cœur sont toujours là. Beaucoup de mes camarades ont arrêté la pêche après la catastrophe. Mais en ce qui me concerne, je ne pouvais pas abandonner l’aquaculture comme ça, après toutes ces années. Je voulais absolument continuer. Et maintenant, je vois enfin le bout du tunnel. »

Avant le tsunami de 2011, l’activité économique d’Onagawa était essentiellement centrée autour de la pêche et de la transformation des produits de la mer. L’industrie de la pêche a connu une reprise particulièrement spectaculaire. Outre les coquilles Saint-Jacques, l’aquaculture des spécialités locales – saumon argenté, huitres, hoya (ascidie crustiforme) – a recommencé assez rapidement. Et la pêche aux sanma (scombresoces) et autres espèces locales a repris presque normalement. D’après des données fournies par la Coopérative de pêche et la municipalité, le chiffre d’affaires total pour l’année fiscale qui vient de s’écouler (avril 2014-mars 2015) a été de 5,5 milliards de yens (environ 40 millions d’euros) un chiffre légèrement supérieur à celui de l’année qui a précédé la catastrophe (5 milliards de yens). Et ce bien que le nombre des habitants de la ville travaillant dans le secteur de la pêche soit passé de 570 à 410 depuis le 11 mars 2011.

Onagawa est plus proche de Sendai, la ville la plus peuplée de la préfecture, et des mareyeurs du grand port d’Ishinomaki qu’aucun autre port de pêche de la côte nord du Sanriku. Cet avantage lui a permis de retrouver plus rapidement sa clientèle.

Toutefois, l’augmentation du chiffre d’affaires du secteur de la pêche s’explique essentiellement par la montée des prix que l’on observe depuis quelques années. Les quantités de poisson pêché sont inférieures de 20 % à celles enregistrées avant le 11 mars 2011 et le problème urgent qui se pose à l’heure actuelle est de trouver le moyen d’augmenter la production tout en restant au même niveau de prix. En effet, l’autre industrie importante de la ville, à savoir la transformation des produits de la mer, est étroitement tributaire des quantités pêchées.

Je me suis entretenu avec Ishimori Yôetsu, le vice-président de la Coopérative des mareyeurs d’Onagawa qui regroupe les acheteurs de produits de la mer pour l’industrie de transformation. « Nous nous sommes efforcés d’appliquer une convention tacite, celle de faire des offres les plus élevées possibles, de façon à contribuer au rétablissement de la ville dans un esprit de coopération mutuelle de tous ses habitants. Mais les quantités pêchées ne sont pas encore revenues à leur niveau d’avant la catastrophe. Et les usines de transformation des produits de la mer situées autour du port n’ont recommencé à fonctionner que cette année. Il n’y a donc aucune raison de se montrer optimiste », m’a-t-il confié.

Les capitaux du Qatar : une manne providentielle

Ishimori Yôetsu, vice-président de la Coopérative des mareyeurs d’Onagawa. « Le fait qu’Onagawa a été totalement réduite à néant par le tsunami a soudé ses habitants. Nous discutons beaucoup, mais une fois qu’une décision est prise, nous la mettons rapidement en application », explique-t-il.

Les choses n’en ont pas moins commencé à bouger dans le domaine de la pêche, du marché du poisson et de l’industrie de transformation des produits de la mer. L’usine de pointe multifonctionnelle de transformation des produits de la mer Maskar a joué un rôle capital à cet égard, depuis qu’elle a ouvert ses portes en octobre 2012. Sa construction, dont le coût s’est élevé à 2 milliards de yens (environ 15 millions d'euros), a été financée par un programme d’aide adopté par le Qatar Friendship Fund (QFF) à la suite de la catastrophe de 2011. L’usine Maskar a été conçue pour résister même à un tsunami de l’ampleur de ceux qui frappent la région une fois par siècle. Le rez-de-chaussée est affecté à la manutention du fret et le premier étage à des installations frigorifiques pouvant contenir jusqu’à six mille tonnes de marchandises. Le second étage est hors d’atteinte des tsunamis et il sert de centre d’évacuation d’urgence. L’usine Maskar, qui est gérée par la Coopérative des mareyeurs d’Onagawa, est utilisée conjointement par des entreprises spécialisées dans l’industrie de transformation.

« Depuis l’automne 2014, nous avons fait le plein, grâce à une série de livraisons de scombresoces, maquereaux, saumons et autres bonites », raconte Ishimori Yôetsu, soudain plus détendu. « L’usine Maskar est devenue le symbole du retour à la vie de la ville, au même titre que la gare. Les gens d’Onagawa sont d’un naturel plutôt indépendant. Ils gardent une immense tristesse au fond de leur cœur mais en même temps, ils veulent que ce type de symbole serve aussi de support à la reconstruction de la ville. Et les choses sont en train de prendre forme, petit à petit. »

Avant le tsunami du 11 mars 2011, la ville disposait d’installations frigorifiques d’une capacité totale de cinquante trois mille tonnes, soit neuf fois plus que l’usine Maskar. Pour compenser cette perte, la Coopérative des mareyeurs d’Onagawa est en train de construire de nouvelles installations dans les environs.

Le port d’Onagawa est en train de reprendre vie. À gauche : le grand bâtiment blanc que l’on voit à l’arrière-plan abrite l’usine de pointe multifonctionnelle de transformation des produits de la mer Maskar dont le nom évoque une méthode de pêche traditionnelle qatari. À droite : les installations frigorifiques de l’usine Maskar maintiennent les marchandises à une température de moins 30°.

Suite > Des retards dans l’aménagement des terrains à bâtir

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