L’actualité de l’industrie japonaise du jeu vidéo

Le jeu vidéo japonais : vers une stratégie qui tire profit de sa particularité

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Le Japon a perdu son hégémonie mondiale dans l’industrie des jeux vidéo. Quelle est sa situation aujourd’hui et quelle est la voie à suivre ?

La culture des armes à feu et du sabre

Outre la différence entre les dessins plats et ceux en 3D, un autre facteur clé de succès au Japon est la présence ou l’absence d’armes à feu.

Depuis l’arrivée de Space invaders en 1978, tirer sur des ennemis est devenu l’un des thèmes principaux des jeux vidéo. Beaucoup de jeux basiques consistant à éliminer les vaisseaux spatiaux adverses, tels que Xevious ou Gradius, créés au Japon, ont rencontré un succès mondial.

Dans les années 1990, les États-Unis ont lancé le « first-person shooter » (FPS), où le joueur tire sur des ennemis humains, un nouveau genre populaire dans le monde entier sauf au Japon, qui semble le bouder depuis 20 ans. L’explication communément admise est que le Japon n’a pas la culture des armes à feu.

Que signifie « culture des armes à feu » ? Les États-Unis, premier producteur et acheteur de FPS, possèdent clairement cette culture. Le port des armes à feu est un droit stipulé dans la Constitution des États-Unis et, selon une enquête de 2014, 42% des foyers américains en possèdent. L’hymne national, « The Star-Spangled Banner », fait également référence à des « bombes explosant dans l’air ». La place des armes à feu aux États-Unis, où elles sont autorisées par la loi et présentes dans la vie quotidienne, est totalement différente de celle au Japon.

Si l’on peut surnommer les États-Unis le pays des armes à feu, on pourrait voir le Japon comme celui du sabre. Au Japon aussi, à une époque, il y a eu des armes à feu, mais leur utilisation s’est toujours limitée aux temps de guerre. L’arme de prédilection des samouraïs était bien sûr le sabre. Même si cela peut paraître étonnant, la raison pour laquelle les FPS sont boudés par les Japonais est tout simplement qu’ils n’ont pas cette culture des armes à feu, qui sont un élément totalement étranger.

Le raisonnement est le même, mais inversé, en ce qui concerne le sabre ou l’épée. Dans le RPG (jeu de rôle), genre très apprécié au Japon, l’épée du héros évolue au fil et à mesure de la progression (dague, puis épée et finalement épée légendaire). Avec ce système, les Japonais goûtent un sentiment de croissance et de progrès. Beaucoup d’Américains considèrent que ces épées ne font pas le poids par rapport aux armes à feu et finissent par trouver les RPG ennuyeux, faute d’arriver à se plonger dans cet univers.

Des jeux typiquement japonais

L’industrie du jeu vidéo arrive à un tournant important. Le marché mondial se développe et la demande de jeux sur consoles familiales ainsi que sur téléphones mobiles croît dans les régions émergentes comme l’Asie ou l’Amérique du Sud. Les créateurs de jeux vidéo japonais ont dû adopter une double approche pour répondre à la fois au marché national et au reste du monde. Donc, même s’ils continuent à développer des jeux de style RPG pour les joueurs japonais, des équipes se spécialisent dans les études sur le marché mondial, qui servent de base aux produits dédiés aux autres pays du globe, tels que les FPS.

Les talentueux producteurs de jeux vidéo japonais sont capables de créer des logiciels de bonne qualité pour le marché mondial, mais le résultat semble quelque peu limité. C’est parce que les compagnies japonaises ont suivi cette approche dispersée que les jeux japonais ont perdu de leur popularité et que l’image de l’industrie japonaise s’est détériorée.

Il est temps que le Japon change de cap et se concentre sur le genre de jeux qui fait sa spécificité. Même si le FPS est le genre le plus populaire en Europe et aux États-Unis, au niveau mondial, de nombreux joueurs, y compris des pays émergents, n’en sont pas adeptes ; même aux États-Unis, certains préfèrent les jeux vidéo japonais à ceux créés par leurs compatriotes. Et certains joueurs français apprécient des jeux japonais quasiment inconnus au Japon, dont ils adoptent le cosplay de leur personnage favori pour participer à des manifestations comme Japan Expo. Les jeux « typiquement japonais » sont particulièrement populaires dans les pays d’Asie comme Taïwan, la Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie.

Plutôt que d’essayer de vendre des jeux à une clientèle qui raffole de graphismes réalistes et d’armes puissantes, les entreprises japonaises devraient s’efforcer de satisfaire leur clientèle propre et d’atteindre tous les fans potentiels. Une stratégie « Cool Japan » mettant en avant les qualités du jeu vidéo japonais paraît nécessaire.

(D’après un original en japonais du 16 mars 2015. Image de bannière: Dragon Quest Heroes. Square Enix / Jiji.)

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