L’actualité de l’industrie japonaise du jeu vidéo

Le jeu vidéo japonais : vers une stratégie qui tire profit de sa particularité

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Le Japon a perdu son hégémonie mondiale dans l’industrie des jeux vidéo. Quelle est sa situation aujourd’hui et quelle est la voie à suivre ?

Au top du marché des jeux sur téléphones portables

Néanmoins, si l’on observe plus attentivement le phénomène, on s’aperçoit que l’industrie japonaise du jeu vidéo n’est pas en déclin, mais dans une phase de mutation propre au Japon. Les consoles de jeux se divisent en deux catégories : les consoles familiales, reliées à un téléviseur, et les consoles portables. Alors que ces dernières ne représentent que 20% du marché dans les autres pays, au Japon, elles comptent pour plus de 50%. La popularité des consoles portables a été portée par des méga hits tels que Pokemon ou Yo-kai Watch[/fr/column/m00047/].

Ce succès est attribué au goût des Japonais pour les machines compactes et légères tel que le Walkman, et au fait que beaucoup d’entre eux ont l’habitude de jouer pendant les trajets en train.

Le Japon, patrie de cette culture du portable, est aujourd’hui le leader du secteur des jeux sur téléphones mobiles (smartphones et autres). Selon IDG, une grande compagnie de recherche américaine, le marché mondial des jeux pour téléphones portables atteignait en 2013 14,7 milliards de dollars, soit environ 1 764 milliards de yens. Le marché japonais représentait à lui seul 550 milliards de yens, soit environ un tiers du total.

L’iPhone est arrivé sur le marché japonais en 2008. L’année suivante, Mixi, l’un des principaux sites de réseaux sociaux, a lancé un service de jeu en ligne, déclenchant l’essor du marché des jeux en réseau sur portable, qui ne représentait alors qu’environ 23 milliards de yens. La croissance de l’industrie du jeu vidéo japonais a ensuite progressivement changé de support, passant de la console de jeux à domicile au téléphone portable.

Une esthétique propre aux joueurs japonais

Après cette transition au niveau du matériel, voyons maintenant ce qu’il en est des logiciels.

Les logiciels de jeux vidéo japonais sont très différents de ceux des autres pays. Contrairement à l’Europe et aux États-Unis, friands de réalisme comme dans les graphismes de la Playstation 4, le marché japonais a réservé un accueil frileux aux machines de très haute performance technologique. Ce phénomène reflète la tendance des Japonais à préférer des représentations caricaturales « déformées » au photoréalisme.

Les avancées technologiques sur le matériel permettent aux créateurs de jeux de présenter des objets en trois dimensions avec un degré de réalisme époustouflant. Pourtant, ces graphismes ne font pas rêver les Japonais, comme le prouve la liste des jeux les plus populaires : Pokemon, Yo-kai Watch, Monster Hunter et Dragon Quest sont loin d’être des spécialistes en matière de réalisme. Il en va de même pour les jeux sur mobiles. Puzzle & dragons – « Pazudora » pour les intimes – et les autres succès sur cette plateforme sont entièrement en deux dimensions.

Dans le passé, lorsque des jeux tels que Super Mario Bros et Tetris sont devenus des hits mondiaux, on estimait que le jeu vidéo était universel et n’avait pas de frontières. Cependant, au fil de la diversification des moyens d’expression et des techniques, les différences nationales en matière de jeu idéal devinrent évidentes et le classement des meilleures ventes de jeu apparut comme un reflet de la culture de chaque nation.

Les jeux vidéo japonais les plus en vogue dans l’archipel semblent tirer leurs origines de traditions picturales et vidéographiques typiquement japonaises. C’est cette culture qui a donné naissance aux Chôjû-jinbutsu-giga (rouleaux représentants des caricatures d’animaux) des XIIe et XIIIe siècles, à l’ukiyo-e à l’époque d’Edo (1603-1868) et aujourd’hui au manga et à l’anime. Cette culture esthétique née au Japon et appréciée des Japonais depuis longtemps fait peu de cas des images 3D. La beauté s’exprime dans des représentations à première vue bidimensionnelles, mais qui permettent au spectateur de se faire une idée de la profondeur et de la densité.

Les artistes européens de la Renaissance ont appris les techniques de géométrie et de perspective afin d’apporter du réalisme aux représentations ; les peintres japonais ont eu une démarche différente. Comme on le constate notamment avec l’ukiyo-e, l’art japonais met l’emphase sur le plaisir esthétique à travers un symbolisme qui captive le regard. 

Suite > La culture des armes à feu et du sabre

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