L’actualité de l’industrie japonaise du jeu vidéo

L’industrie du jeu vidéo trouve un nouvel âge d’or grâce aux smartphones

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Shin Kiyoshi [Profil]

Le succès de jeux comme Puzzle & Dragons ou Monster Strike ont fait du Japon le plus gros marché mondial du jeu sur portable. La plupart de ces jeux sont gratuits, mais des extras disponibles à bas prix sous la forme d’achats « in-game » sont source de profits conséquents pour les développeurs.

Trois fois la taille du marché du jeu sur console

Stimulé par la popularité des smartphones, le marché japonais des jeux sur portables pèse de plus en plus lourd au niveau global.

D’après les données statistiques des industries numériques analysées par la firme App Annie, à la date d’octobre 2014, le marché japonais des jeux sur iPhone et Android était en tête pour le monde entier, pour une valeur équivalente à 1,33 fois la taille du marché US. De plus, les recettes combinées des principaux développeurs japonais de jeux sur portables étaient estimées à 700 milliards de yens (environ 5,2 milliards d’euros) en 2014, soit plus du double par rapport aux 300 milliards de yens en 2011.

Ces chiffres contrastent avec ceux réalisés par la vente des jeux vidéo pour console. L’hebdomadaire Famitsû, leader des magazines de jeux, édité par Kadokawa Enterbrain, évaluait le marché du logiciel de jeux vidéo à 226,4 milliards de yens pour 2014, soit une quatrième année consécutive de déclin après un sommet à 318,1 milliards en 2010. Avec une estimation de 28,61 millions de joueurs sur portables au Japon, la base des adeptes de ce nouveau support de jeu a maintenant dépassée celle des joueurs sur consoles classiques, bloquée à 27,83 millions. Le jeu sur portable constitue dorénavant le courant principal du marché du jeu vidéo au Japon.

Les gros succès ont changé la donne pour les développeurs

Puzzle & Dragons © GungHo Online Entertainment, Inc. Tous droits réservés.

Le succès des jeux sur smartphones s’est construit sur une succession de méga-hits.

L’exemple le plus parlant de ce phénomène est sans nul doute le jeu Puzzle & Dragons, « Pazudora » pour les intimes, un jeu publié par GungHo Online Entertainment en février 2012. Le jeu consiste en une combinaison de puzzle à résoudre avec de la recherche de donjons et éliminations de monstres, et fait une excellente utilisation de l’interface tactile des smartphones. La méthode de contrôle innovante est immédiatement apparue plus originale et spontanée que sur bien des logiciels sur consoles classiques, ce qui lui a valu des critiques dithyrambiques et un succès massif.

En trois ans depuis sa sortie, le jeu ne s’est jamais éloigné de la première place des ventes sur l’App Store d’Apple, avec un total de téléchargements qui a dépassé les 34 millions en février 2015. Le chiffre d’affaires consolidé de GungHo pour l’exercice qui se terminait en décembre 2014 a atteint 173 milliards de yens et un résultat opérationnel de 94,2 milliards de yens, troisième année consécutive de résultat record.

Monster Strike © mixi, Inc. Tous droits réservés.

Dans certains cas, un seul succès a totalement changé le destin financier d’un développeur : en octobre 2013, la sortie de Monster Strike, un jeu de combat multi-joueur uniquement sur smartphones, édité par la plateforme de réseau social Mixi qui était en perte de vitesse, a littéralement sauvé la compagnie du rouge.

Monster Strike, ou « Monsuto » si vous préférez, permet au joueur de feuilleter un catalogue de monstre sur l’écran et de choisir lequel il va faire intervenir pour abattre les créatures adverses, comme on choisit sa meilleure bille. Le jeu a également imposé un système de contrôle entièrement nouveau qui tire le parti optimal de la technologie de l’écran tactile et de la communication en champ proche (CCP), autorisant des parties jusqu’à quatre joueurs simultanés. Ce dispositif a assuré l’énorme succès de Monsuto, particulièrement parmi les collégiens et lycéens.

Disney Tsum Tsum © Disney, © Disney/Pixar, développé par NHN PlayArt.

Les ventes de Monster Strike ont clôturé à plus de 30 milliards de yens pour le dernier trimestre 2014, ce qui représentait 90% du chiffre d’affaires total de Mixi pour la période. Les téléchargements de Monster Strike sont également remarquables, avec près de 20 millions d’utilisateurs pour le seul marché japonais. L’impact de ce titre à lui seul est d’autant plus impressionnant que l’activité jeux de Mixi pour le dernier trimestre 2013 ne comptaient que pour 260 millions de yens. Il apparaît probable que les ventes de Mixi pour le premier trimestre 2015 dépassent même celles de GungHo.

En janvier 2014, Line Game, la division jeux de Line Corp. (la compagnie derrière la populaire application de messagerie du même nom), a sorti un nouveau jeu de puzzle, Line : Disney Tsum Tsum. En février, le titre avait déjà été téléchargé 40 millions de fois dans le monde entier, avec une attractivité particulière auprès des femmes, grâce à un concept de jeu « mignon » : le joueur doit éliminer des piles de personnages Disney qui s’agglomèrent au fur et à mesure à l’écran. Disney Tsum Tsum offre la confirmation, peut-être plus qu’aucun autre titre, que les jeux sur smartphones se sont acquis un public qui transcende les sexes.

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Shin KiyoshiArticles de l'auteur

Journaliste et professeur adjoint à l’Université de Ritsumeikan, faculté des Arts et Sciences de l’image. Diplômé de l’Université Keiô, faculté de Commerce et de Gestion et  faculté d’Environnement et d’Information. Après avoir travaillé pour une entreprise de jeux, il axe son travail journalistique sur ce secteur. Auteur de Gêmu sangyô no kôbô (L’essor et le déclin de l’industrie du jeu vidéo, 2013)

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