Les sept décennies de l’après-guerre au Japon

Les leçons du miracle japonais : jeter les fondations d’un nouveau paradigme de croissance

Politique

Le « miracle japonais » d’après-guerre a perdu beaucoup de son lustre depuis les années 1990, quand l’éclatement de la bulle a plongé l’économie dans une récession prolongée. Okazaki Tetsuji propose ici un point de vue historique novateur sur les facteurs structurels et institutionnels qui ont servi de moteur pendant près d’un demi-siècle à la croissance économique rapide et s’interroge sur les leçons qu’il convient d’en tirer aujourd’hui pour la politique économique du Japon.

Si la période écoulée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale a été le théâtre d’une profusion de violents conflits régionaux (les guerres de Corée, du Vietnam et du Golfe, pour ne mentionner que celles-là), les nations du monde se sont efforcées tout au long de ces sept décennies d’éviter l’éclatement d’une autre conflagration d’envergure planétaire. Leur réussite en ce domaine n’est pas un mince exploit, d’autant que l’intervalle de temps séparant la fin de la Première Guerre mondiale du début de la Seconde n’a pas dépassé 20 ans.

Depuis la fin de la guerre, ces longues années de paix à l’échelle mondiale ont constitué pour la société japonaise une période de changements considérables. J’examinerai ici quelques unes des raisons sous-jacentes à ces changements, en me limitant au domaine économique, et m’interrogerai sur les conséquences qui en découlent pour l’avenir de l’économie japonaise.

La courbe du PIB et le rattrapage du Japon

Le graphique ci-dessus illustre l’évolution du produit intérieur brut par habitant au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis entre 1870 et 2008. Les valeurs utilisées correspondent aux logarithmes naturels du PIB par habitant de ces pays en équivalents du pouvoir d’achat en dollar US de 1990. En 1945, année de la capitulation du Japon à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, son PIB par habitant était de 1 346 dollars US – à peine 11 % du chiffre enregistré la même année aux USA et 47 % du revenu par habitant atteint par le Japon lui-même en 1940, l’année qui a précédé son entrée dans la Seconde Guerre mondiale.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Japon, décidé à rattraper l’Occident, s’est engagé radicalement sur le chemin de la modernisation derrière le mot d’ordre fukoku kyôhei : « pays riche, armée forte ». La croissance du PIB par habitant enregistrée entre 1870 et 1940 est le reflet de la réussite économique de cette campagne, qui s’est prolongée jusque dans les années qui ont précédé la guerre. Le graphique montre bien que le Japon rattrapait régulièrement son retard sur le Royaume-Uni et les États-Unis, qui figuraient alors parmi les pays industriels les plus avancés du monde. Entre 1870 et la veille de la guerre du Pacifique, le PIB par habitant du Japon est passé de 23 % de celui du Royaume-Uni et 30 % de celui des États-Unis à 42 % et 41 % respectivement.

La Seconde Guerre mondiale a brutalement inversé ce processus. En termes de PIB par habitant, elle a en vérité renvoyé l’économie japonaise à la case départ, effaçant d’un trait la quasi totalité des progrès accomplis depuis la fin du XIXe siècle.

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