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Les limites de Naruto : de quoi le « soft power » est-il réellement capable ?

Culture

Le concept de « Soft Power » est perçu au Japon comme un moyen de projeter une influence nationale sur la scène mondiale, et comme tel fait l’objet d’une grande attention. Mais le Soft Power impacte-t-il réellement les nations dans le sens que les leaders imaginent ? Le politologue David Leheny fait valoir qu’au bout du compte, seules les formes diffuses du Soft Power ont un effet au niveau populaire.

Le besoin de légitimité

Et pourtant, la popularité du soft power en tant que concept parmi les experts devrait attirer l’attention des chercheurs. Après tout, pourquoi les gens, y compris des représentants du gouvernement et des politiciens chevronnés, se laissent-ils guider par les promesses du soft power, ou se sentent-ils eux-mêmes attirés par l’idée d’une attirance nationale ? Les exemples des États-Unis et du Japon sont ici particulièrement instructifs.

Tous deux sont, de toute évidence, deux pays fort puissants, à la fois habile à exercer un hard power, que ce soit en raison des capacités militaires américaines ou poids économique japonais et américain. De fait, la plupart des pays évitent de se fâcher avec aucun d’entre eux. Pourquoi alors ces deux pays devraient-ils s’inquiéter de soft power ou de savoir si les autres les aiment ou pas ? Après tout, Machiavel lui-même a fait remarquer qu’il valait mieux être craint qu’aimé, et on peut se demander pourquoi les gouvernements chercheraient à être aimés quand ils peuvent déjà profiter de la crainte.

Le succès du concept de soft power suggère que la question de la légitimité est importante dans le système international, aussi bien pour les nations les plus puissantes que les autres.

Et dans ce système, il est important pour les pays qui exercent le pouvoir de croire qu’ils le font en toute légitimité, parce que d’autres pays sont persuadés par leur foi en la démocratie, leur humanisme essentiel, leur musique de jazz ou leur anime. En ce sens, le soft power ressemble à l’image déformée du hard power.

Il est également instructif de remarquer que le professeur Nye a forgé le terme de soft power exactement au moment où de nombreux experts et responsables américains s’inquiétaient du relatif déclin de la puissance américaine face à la croissance continue de rivaux économiques comme l’Allemagne de l’Ouest et le Japon, et que ce même concept s’enracine au Japon précisément au moment où le Japon se trouve dans une situation analogue, s’alarmant du recul apparent du Japon face à la montée de la Chine.

Dans les deux cas, le soft power est l’équivalent d’un doudou pour un bébé : un soutien émotionnel pour observateurs inquiets dans leur pays respectif, qui leur rappellent qu’ils ont encore une certaine légitimité quand leurs rivaux en manquent. Et les deux pays font l’hypothèse que leurs cultures populaires représentent en quelque sorte les valeurs nationales cohérentes, d’une manière transparente et compréhensible par les publics étrangers.

Or, pratiquement tous les éléments de cette hypothèse, en particulier que les valeurs nationales sont en effet cohérentes et que les auditoires étrangers comprennent et apprécient un produit culturel dans le sens que les fonctionnaires du pays d’origine s’imaginent, sont manifestement faux.

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